Abandon de poste : le salarié pourra bien être considéré comme démissionnaire !
Temps de lecture : 4 min
Un salarié qui abandonne volontairement son poste de travail va pouvoir être présumé démissionnaire. Les députés et sénateurs se sont en effet mis d’accord sur cette mesure dans le cadre de la loi sur le marché du travail. Qu’est-ce que cela implique au niveau procédure et indemnisation et à partir de quand la règle va-t-elle s’appliquer ?
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Essayer gratuitement pendant 30 joursJe me connecteAbandon de poste : création d’une présomption de démission
On parle d’abandon de poste lorsqu’un salarié ne vient plus travailler sans justifier son absence.
Aujourd’hui dans une telle situation vous ne pouvez pas considérer que le salarié a démissionné, la démission ne se présumant pas.
Vous pouvez en revanche envisager une sanction disciplinaire allant jusqu’au licenciement pour faute grave. Après bien sûr avoir tenté de prendre contact avec le salarié et d’en savoir plus sur les raisons de son absence.
Si vous optez pour le licenciement pour faute grave, le salarié n’a pas le droit à une indemnité de licenciement ni à une indemnité compensatrice de préavis mais peut prétendre au chômage contrairement au salarié démissionnaire (sauf démission légitime).
Le fait qu’un salarié qui procède à un abandon de poste ait accès à des conditions d’indemnisation plus favorables qu’un salarié qui démissionne a provoqué un débat sur l’abandon de poste. Et il a été décidé d’en modifier les règles dans le cadre du projet de loi sur le marché du travail (voir notre article « Abandon de poste : les règles d’indemnisation pourraient se durcir »).
Après de nombreux débats, la loi sur le marché du travail crée finalement une présomption de démission. Elle s’applique lorsque le salarié abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après que vous l’ayez mis en demeure.
Cette mise en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste doit se faire par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans un délai que vous fixez. Un décret va venir déterminer un délai minimum à respecter. Le salarié sera présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.
Le salarié pourra contester cette présomption en saisissant le conseil de prud’hommes (par exemple s’il a quitté son poste pour des raisons de santé ou sécurité). Le bureau de jugement statue dans un délai d’un mois.
Important
Il n’est pas précisé les conséquences du renversement de cette présomption mais seulement que le conseil de prud’hommes se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. On peut imaginer que les juges considèrent, à l’image de la prise d’acte, qu’il y aurait alors licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce qui fait peser un vrai risque pour l’employeur qui utilise cette présomption de démission…
Il est également intéressant de souligner qu’avec cette rédaction de la loi, il ne sera pas possible de considérer le salarié démissionnaire s’il reprend le travail après un abandon de poste dans les délais requis ; y compris s’il le fait à plusieurs reprises.
Mais rien n’interdit de recourir alors au licenciement pour faute grave.
Vous pouvez d’ailleurs dans tous les cas parfaitement préférer utiliser la procédure disciplinaire plutôt que la nouvelle présomption de démission créée…
Abandon de poste et démission présumée : quand s’appliquera la mesure ?
Cette mesure figure dans la loi sur le marché du travail qui a été définitivement adoptée par le Parlement le 17 novembre dernier. Le Conseil constitutionnel a été saisi. Les députés à l'origine de la saisine évoquent une rupture manifeste d'égalité du fait que le salarié considéré démissionnaire ne bénéficiera pas de l’assurance chômage alors que le licenciement intervenant dans de nombreux cas d’abandons de poste ouvre accès à l’assurance chômage.
Si le Conseil constitutionnel valide la mesure, elle pourra entrer en vigueur après la publication de la loi au Journal officiel.
Mais en pratique elle ne sera pas applicable tant que le décret d’application fixant le délai minimum pour reprendre le travail ne sera pas publié.
Ce décret pourrait également préciser une date d’entrée en vigueur autre.
A suivre !
Projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, adopté définitivement le 17 novembre 2022
Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot
Diplômée du master 2 DPRT de la faculté de droit de Montpellier et experte en droit social, je suis spécialisée dans la rédaction juridique. Au sein des Editions Tissot, je participe à l'animation …
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