Accident du travail : la faute de la victime peut-elle exonérer l’employeur de sa responsabilité pénale ?

Publié le 16/04/2014 à 08:00, modifié le 11/07/2017 à 18:25 dans Sécurité et santé au travail BTP.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Un arrêt de la Cour de cassation est venu rappeler l’obligation de sécurité de résultat pesant sur l’employeur. En l’espèce ce dernier, condamné notamment pour défaut de prévention du risque de chute de hauteur, invoquait la faute de la victime pour s’exonérer de sa responsabilité. Est-ce un moyen de défense recevable ?

Travail en hauteur : les obligations de l’employeur

Le travail en hauteur est responsable d’un grand nombre de décès dans le BTP. Il est donc indispensable que ce risque soit identifié, évalué et que des mesures de prévention efficaces soient mises en œuvre.

En matière de risque de chute de hauteur la priorité est donnée à la protection collective (plate-forme individuelle roulante légère, échafaudage roulant, échafaudage de pied, etc.).

Le recours à la protection individuelle (harnais antichute…) doit être l’exception.

Toutes les règles de sécurité à suivre concernant le travail en hauteur ainsi que les EPI obligatoires vous sont expliquées dans la documentation des Editions Tissot « Sécurité des chantiers du BTP – Guide illustré ».

Travail en hauteur : les conséquences du manquement de l’employeur et de la faute du salarié

Dans le cas jugé par la Cour de cassation, il est admis que la phase de chantier nécessitait le recours à un équipement de protection individuelle.

Toutefois, c’est la défaillance dans le recours à cet équipement qui est condamné. La cour d’appel a en effet relevé, d’une part, qu’il incombait à l’employeur de s’assurer que les salariés se munissaient de harnais anti-chute, sans laisser à leur appréciation l’opportunité de le faire et, d’autre part, avait constaté la présence, le jour de l’accident, de trois harnais et systèmes d’arrêt de chute alors que quatre salariés évoluaient sur le toit.

Elle ajoutait que le comportement du salarié accidenté ayant choisi de ne pas se doter d’un harnais lors de l’opération était « connu de sa hiérarchie ».

L’entreprise a ainsi formé un pourvoi estimant que la faute du salarié, disposant du matériel adéquat, exonérait l’employeur de sa responsabilité.

Toutefois, cet argument n’est entendu ni par la cour d’appel, ni par la Cour de cassation qui constatant la résistance du salarié et les rappels à l’ordre antérieurs, retiennent quand même la culpabilité de l’entreprise. Ils le condamnent notamment à 80.000 euros d’amende pour blessures involontaires et infractions à la sécurité des travailleurs (la salarié avait fait une chute de 12 mètres).

Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, 25 février 2014, n° 13–80516 (pdf | 7 p. | 51 Ko)

En effet la faute du salarié n’était pas la clause exclusive de l’accident (les harnais notamment étant en nombre insuffisants). Or pour que la faute de la victime puisse exclure la responsabilité pénale de l’employeur, elle doit être la cause unique et exclusive du dommage, ce qui suppose qu’aucune faute, ne puisse être relevée contre le chef d’entreprise.

Notez-le
En rappelant que la société a commis un manquement en ne veillant pas à la « constante » application des règles de sécurité, la Cour de cassation laisse à penser que les salariés « résistants » n’ont rien à faire sur chantier et que l’entreprise aurait dû agir d’un point de vue disciplinaire. La chambre criminelle, sur ce point, est en cohérence avec la chambre sociale qui, s’agissant d’un licenciement pour faute grave pour défaut de port de harnais, avait cassé l’arrêt d’appel ayant requalifié en faute sérieuse, considérant que « le salarié, qui … avait décroché son harnais de la ligne de vie tandis qu’il procédait, en bordure de toit à un nettoyage du chantier, ce qui constituait un non-respect d’une règle de sécurité et un danger pour lui-même, … avait commis un manquement grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise » (Cass. soc., 31 janv. 2012, n° 10–21472).



Cour de cassation, chambre criminelle, 25 février 2014, n° 13–80516 (lorsque l’employeur n’a pas veillé à la constante application des règles de sécurité il ne peut pas se prévaloir d’une faute exclusive de la victime)