Acquisition de congés payés pendant l’arrêt maladie : projet d'amendement du Gouvernement et avis du Conseil d'État
Temps de lecture : 8 min
Consulté par le Gouvernement sur la mise en conformité du Code du travail en matière d’acquisition de congés pendant les périodes d’arrêt maladie, le Conseil d’État a rendu son avis mercredi 13 mars 2024, dévoilant ainsi les mesures envisagées.
Acquisition de congés payés pendant l’arrêt maladie : historique
Par plusieurs arrêts en date du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a reconnu le droit pour tout salarié à acquérir des congés payés pendant les périodes d'arrêt maladie, quelle qu'en soit l'origine (professionnelle ou non).
Les juges se sont ainsi alignés sur le droit de l'Union européenne, selon lequel tout travailleur doit bénéficier d'au moins 4 semaines de congés payés par an, sans que puisse y faire obstacle le fait d'avoir été, pour quelque motif que ce soit, absent pour maladie au cours de l’année de référence pour l’acquisition des congés.
Important
L'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 a rendu cette règle d'application directe : depuis cette date, tout salarié peut invoquer ce droit à l’égard de son employeur.
Le 8 février 2024, le Conseil constitutionnel, saisi d’une QPC, a jugé que les dispositions prévues actuellement par le Code du travail étaient conformes à la Constitution.
C'est donc désormais au législateur de prendre le relai pour mettre en conformité le droit du travail français avec le droit de l’Union européenne.
Acquisition de congés payés pendant l’arrêt maladie : projet d'amendement du Gouvernement
Le Gouvernement envisage ainsi de proposer un amendement dans le cadre du projet de loi "d'adaptation au droit de l'Union européenne", avec pour objectif de maîtriser les impacts des arrêts du 13 septembre pour les entreprises, tout en garantissant les droits accordés aux salariés.
Ce projet d'amendement prévoit notamment :
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Acquisition de congés payés pendant l’arrêt maladie : historique
Par plusieurs arrêts en date du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a reconnu le droit pour tout salarié à acquérir des congés payés pendant les périodes d'arrêt maladie, quelle qu'en soit l'origine (professionnelle ou non).
Les juges se sont ainsi alignés sur le droit de l'Union européenne, selon lequel tout travailleur doit bénéficier d'au moins 4 semaines de congés payés par an, sans que puisse y faire obstacle le fait d'avoir été, pour quelque motif que ce soit, absent pour maladie au cours de l’année de référence pour l’acquisition des congés.
Important
L'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 a rendu cette règle d'application directe : depuis cette date, tout salarié peut invoquer ce droit à l’égard de son employeur.
Le 8 février 2024, le Conseil constitutionnel, saisi d’une QPC, a jugé que les dispositions prévues actuellement par le Code du travail étaient conformes à la Constitution.
C'est donc désormais au législateur de prendre le relai pour mettre en conformité le droit du travail français avec le droit de l’Union européenne.
Acquisition de congés payés pendant l’arrêt maladie : projet d'amendement du Gouvernement
Le Gouvernement envisage ainsi de proposer un amendement dans le cadre du projet de loi "d'adaptation au droit de l'Union européenne", avec pour objectif de maîtriser les impacts des arrêts du 13 septembre pour les entreprises, tout en garantissant les droits accordés aux salariés.
Ce projet d'amendement prévoit notamment :
l’acquisition de 2 jours ouvrables de congés payés par mois (soit 4 semaines maximum par an) pendant les périodes d'arrêt de travail pour maladie non professionnelle ;
- une période de report de 15 mois maximum, qui débuterait :
- à la reprise du travail, dès lors que l’employeur a informé le salarié de ses droits, si les congés ont été acquis avant l'arrêt maladie (situation où le salarié n'a pas pu les poser du fait de son absence à l'expiration de la période de référence) ;
- à la fin de la période de référence, pour les congés acquis au cours de l'arrêt maladie. Les congés expireraient définitivement au terme de ce délai (cas des arrêts maladie d'une durée très longue, couvrant plusieurs périodes de référence consécutives).
Le Gouvernement a sollicité un avis du Conseil d’État sur ce projet d’amendement. Sept questions ont ainsi été posées.
Notez le
Le Gouvernement a déposé cet amendement vendredi 15 mars 2024 dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter l'article : Maladie et congés payés : la position du Gouvernement est connue.
Conseil d'État : un avis et des propositions
1° Est-il possible de limiter à 4 semaines l'acquisition des congés payés par les salariés en arrêt pour maladie non professionnelle ?
Oui : le législateur peut prévoir des règles d'acquisition des congés payés différentes selon l'origine de l'absence (maladie professionnelle ou non), à condition de garantir le droit pour tout salarié à un congé payé annuel de 4 semaines, imposé par le droit de l’Union européenne.
Notez le
Selon le Conseil d'État, la différence de traitement selon l'origine de la maladie du salarié ne méconnaît pas le principe constitutionnel d’égalité, ni le droit de l'Union européenne.
2° Cette règle peut-elle être appliquée rétroactivement ?
Oui : le Conseil d'État estime que la règle issue du projet d'amendement, prévoyant l’acquisition de 2 jours ouvrables de congés par mois pendant les arrêts pour maladie non professionnelle, peut être appliquée rétroactivement à condition que ses effets soient encadrés, pour ne pas excéder, ou au contraire être moins favorable, à ce que requiert le droit de l’Union européenne.
Le législateur doit respecter strictement les dispositions du droit de l’Union européenne qui étaient déjà directement applicables, soit 4 semaines de congés payés par an.
Important
La date du 1er décembre 2009, qui marque le début de l'application directe de ce droit, est ici retenue. L'application rétroactive de ces dispositions ne s'impose pas pour les périodes antérieures.
3° Est-il possible de prévoir un délai de report des congés inférieur à 15 mois ?
Non : au regard de la durée de la période de référence pour l'acquisition des congés payés, fixée à 1 an en droit français, le Conseil d’État estime que la période de report des congés acquis au cours d’un arrêt maladie doit être d'au moins 15 mois.
Notez le
Pour éviter l'addition illimitée des droits à congé, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) admet que les congés acquis au cours d'un arrêt maladie puissent être définitivement perdus, si la période de report expire alors que le salarié est toujours absent.
Cette exception n’est admise qu’à la condition que la période de report, calculée à partir de la fin de la période de référence, soit « substantiellement » plus importante que celle-ci.
4° Quel doit être le point de départ du délai de report des congés acquis au titre de l’arrêt maladie ?
Le Conseil d’État estime que les congés acquis au cours d'un arrêt maladie doivent pouvoir être reportés pendant un délai de 15 mois à compter :
de la fin de la période d'acquisition des congés payés, si le salarié n’est pas revenu dans l’entreprise ;
de la date à laquelle l’employeur l'a informé de ses droits, s'il est revenu dans l'entreprise avant l'expiration du délai de report de 15 mois.
5° Est-il possible de prévoir un délai de report différent selon que les congés ont été acquis avant l’arrêt maladie ou au titre de l’arrêt maladie ?
Oui : il est possible de prévoir des modalités différentes de report selon que les congés ont été acquis avant ou pendant l’arrêt maladie, notamment au regard du point de départ du report, comme le prévoit le projet d'amendement.
6° Est-il possible d’appliquer la durée maximale de report des congés de manière rétroactive aux situations passées ?
Oui : selon le Conseil d'État, ces règles peuvent également s’appliquer aux congés payés acquis avant la date d’entrée en vigueur de la loi.
Important
Afin de limiter les actions en justice des salariés réclamant rétroactivement leur droit à congés payés (ou le paiement de ceux-ci), le Conseil d'État précise les délais de prescription applicables :
pour les salariés ayant quitté l'entreprise : la prescription triennale s'applique, faisant obstacle aux actions des salariés ayant quitté l'entreprise depuis plus de 3 ans (Code du travail, art. L. 3245-1).
pour les salariés encore en poste, le Conseil d'État admet la possibilité de prévoir, à titre transitoire, que l’action du salarié sera soumise à un délai de forclusion de 2 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi, même en l’absence de démarche d’information de l’employeur.
7° Une loi de validation qui viserait à éteindre les contentieux des salariés demandant l’indemnisation des congés qui n'auraient pas été reconnus par le passé présente-elle des risques constitutionnels et conventionnels ?
Oui : le Conseil d'État estime qu'une telle loi de validation, ayant pour objet de faire obstacle à l’application de la jurisprudence récente de la Cour de cassation, violerait le droit de l’Union européenne.
En revanche, le Conseil d’État rappelle la possibilité pour le législateur de limiter l’ampleur du rattrapage des droits à congés tout en respectant le droit de l’Union européenne, via les mesures suivantes :
limiter à 4 semaines le total des droits à congés susceptibles d’être acquis en tenant compte des périodes d’absence pour maladie ;
appliquer, pour le calcul des droits à congés passés, la même règle d’extinction automatique des droits en fin de période de report que celle qui serait applicable à l’avenir ;
s’agissant des salariés encore liés à leur employeur, imposer une forclusion faisant obstacle à ce que des demandes puissent être présentées sans délai à des employeurs qui n’auraient pas su, ou pas pu, procéder aux informations nécessaires sur l’étendue des droits à congés de leurs salariés.
Conseil d’Etat, Avis consultatif portant sur la mise en conformité des dispositions du code du travail en matière d’acquisition de congés pendant les périodes d’arrêt maladie, 13 mars 2024
Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot
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