Acquisition de congés payés pendant les périodes de maladie : les questions pratiques qui se posent
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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.
En admettant que le salarié en arrêt maladie acquiert des CP, la Cour de cassation vient de bousculer les pratiques des entreprises. Une décision qui n’est pas sans soulever certaines questions. L’acquisition vaut-elle pour la 5e semaine de congé et les congés conventionnels ? Une limite dans le temps sera-t-elle posée pour les longues maladies ? Quid des périodes de référence des années précédentes ? Peut-on attendre une évolution du Code du travail pour régulariser ?
La Cour de cassation a publié le 13 septembre une série d’arrêts de la plus haute importance en écartant le droit français au profit du droit européen pour juger notamment que la maladie ne doit pas avoir d’impact sur les congés payés d’un salarié. Les salariés atteints d’une maladie ou victimes d’un accident, de quelque nature que ce soit (professionnelle ou non professionnelle) ont donc désormais le droit de réclamer des droits à CP en intégrant dans leur calcul la période au cours de laquelle ils n’ont pas pu travailler. Nous vous détaillons cette décision et les justifications de la Cour de cassation dans notre article « Congés payés : un salarié malade acquiert bien des jours de congé ! »).
Il n’en reste pas moins que cette décision soulève des questions auxquelles nous essayons d’apporter des réponses dans cet article…
Quels sont les jours de congé concernés ?
Le droit européen impose de respecter un droit à congé annuel payé d’au moins 4 semaines.
On pouvait donc légitimement s’interroger sur le sort de la 5e semaine ou encore des jours de congés conventionnels.
Mais la réponse de la Cour de cassation est très claire : l’acquisition des congés par un salarié malade vaut pour l’intégralité des périodes de congé donc y compris la 5e semaine et les congés conventionnels. La Cour de cassation justifie ce choix par le fait que sinon cela aurait été à l’origine d’une discrimination liée à l’état de santé entre les salariés malades et les autres.
Notez le
On parle ici uniquement de jours de congés. Les jours de RTT ne sont pas concernés.
Pour quelle période de référence ?
Il faut d’ores et déjà appliquer la nouvelle jurisprudence pour la période d’acquisition en cours (en principe du 1er juin de chaque année au 31 mai de l'année suivante.).
Pour les années antérieures, la question de régulariser les droits à congés payés des salariés se pose également. Pour éviter tout risque en cas de procès, si on s’en tient au délai de prescription, il est préférable de régulariser sur une période de 3 ans.
Bon à savoir
Les congés payés ayant une nature salariale sont soumis à la prescription applicable aux salaires. Les indemnités compensatrices de congés payés peuvent donc être réclamées pendant une période de 3 ans. Le point de départ étant désormais l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé.
Vous avez en tout cas intérêt à regarder si des salariés sont concernés au cours des 3 dernières années et à provisionner le cas échéant.
Une limite dans le temps est-elle possible ?
C’est sans doute la grande question que se posent aujourd’hui les entreprises. Si la maladie dure plusieurs années le salarié va-t-il continuer à acquérir des congés payés et pouvoir les reporter ?
En l’état actuel du droit la réponse est oui.
Attention
Le report des congés payés peut toutefois être limité dans le temps selon votre convention collective.
Mais on peut penser que les pouvoirs publics vont vite réagir et poser une limite de temps au report. En effet le droit européen admet qu’on puisse limiter le report, dans le temps, des congés non pris du fait d’une maladie.
Toute période de report doit toutefois dépasser substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée.
Dans une décision de justice de 2011, la Cour européenne a ainsi admis que le droit européen ne s’oppose pas à ce que des dispositions ou pratiques nationales, telles que les conventions collectives, limitent à une période de report de 15 mois le droit au congé annuel (22 novembre 2011, aff. C.214/10).
A l’inverse quelques mois plus tard, elle a considéré que 9 mois c’était trop court, cette durée étant inférieure à celle de la période de référence (3 mai 2012, aff. C-337/10).
La limitation éventuelle devra donc dépasser 12 mois en tout cas.
Peut-on attendre une évolution du Code du travail pour régulariser ?
Là-dessus pas de doute : il n’est pas possible d’invoquer le Code du travail ou l’attente de sa modification pour refuser à un salarié malade l’acquisition de congés payés. Si vous faîtes ça et que le salarié agit en justice vous auriez toutes les chances de perdre.
Vous pouvez par contre toujours attendre une demande des salariés concernés pour régulariser.
Pour en savoir plus sur les dernières décisions de justice relatives aux congés mais aussi les évolutions législatives et réglementaires liés aux congés spéciaux et aux évènements familiaux nous vous proposons un dossier de synthèse :
Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2023, n° 22-17.340 (il convient d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3141-3 du Code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période)
Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2023, n° 22-17.638 (il convient d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3141-5 du Code du travail en ce qu'elles limitent à une durée ininterrompue d'un an les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congé payé et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période)
Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2023, n° 22-10.529 (il y a lieu de juger désormais que, lorsque l'employeur oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le point de départ du délai de prescription de l'indemnité de congés payés doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l'employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé)
Juriste en droit social
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