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QUESTION, RÉPONSE

Ai-je le droit de rompre un contrat de travail en invoquant le Covid-19 comme un cas de force majeure ?

Publié le 09/04/2020 à 06:30 dans Rupture du contrat de travail.

Temps de lecture : 4 min

Contenu ancien

Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Force majeure : une rupture du contrat de travail sans procédure imposée par le Code du travail

En cas de force majeure, l’employeur peut mettre fin immédiatement au contrat de travail. Sauf dispositions conventionnelles, aucune procédure spécifique n’est imposée par le Code du travail comme, par exemple, la procédure de licenciement (convocation à un entretien, entretien préalable, etc.).

Mais vous devez toutefois transmettre au salarié les documents de fin de contrat de travail (certificat de travail, le solde de tout compte, attestation Pôle emploi, etc.). Le salarié a droit à une indemnité compensatrice de congés payés.

Notez-le
Si la rupture du contrat de travail résulte d’un sinistre qui constitue la force majeure (incendie qui détruit totalement l’entreprise, par exemple), le salarié en CDI a droit à une indemnité compensatrice dont le montant correspond à celui de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis (Code du travail, art. L. 1234-13).
Si cela concerne un CDD, le salarié a droit à une indemnité correspondant au montant de la rémunération qu’il aurait perçue jusqu’au terme de son contrat de travail.

Force majeure : le Covid-19, un cas de force majeure ?

Pour la jurisprudence, pour que la force majeure soit retenue, l’évènement doit remplir 3 critères cumulatifs. L’événement doit être imprévisible, irrésistible et extérieur pour les parties au contrat de travail.

L'événement doit être imprévisible lors de la conclusion du contrat. Il faut se placer au moment de la conclusion du contrat de travail. Savoir si l’épidémie de Covid-19 était prévisible à ce moment-là. La question de ce critère se pose pour les nouveaux contrats de travail. Mais à quel moment doit-on considérer que cet évènement était prévisible ? Quand l’épidémie est arrivée en Chine, en Italie, en France ? Pour les contrats signés au cours du mois de mars, on peut penser que l’épidémie du Covid-19 était prévisible contrairement aux contrats de travail signés en 2019.

L'événement doit être irrésistible. C’est-à-dire que c’est insurmontable. Le contrat de travail est dans l’impossibilité d’être exécuté de façon durable.

Pour les salariés pouvant être placés en télétravail, le contrat de travail peut être exécuté. Pour les autres salariés, si les mesures de protection répondant aux exigences de sécurité sont mises en place et permettent de les protéger, il semble difficile de rapporter que l'événement est irrésistible.

La question peut se poser pour les entreprises qui sont provisoirement fermées. Mais par le passé, par exemple, l’impact de la grippe aviaire sur les résultats d’une exploitation n’avait pas présenté un caractère insurmontable. De plus, aujourd'hui, le Gouvernement prend des mesures financières pour que les entreprises puissent lutter et surmonter l’épidémie. Il a notamment réformé en profondeur le dispositif de l’activité partielle afin de lutter contre les licenciements.

Un événement extérieur au regard des parties empêchant celles-ci d’accomplir leurs obligations. L'événement échappe à votre contrôle et à celui du salarié. Les parties ne sont pas responsables de cet événement.

L’absence de l’un de ces critères fait tomber la notion de force majeure.

Notez-le
En matière contractuelle, le Code civil prévoit que la force majeure s’applique lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est :
- temporaire, l’exécution est suspendue, sauf exception.
- définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations (Code civil, art. 1218).

Aujourd’hui, la question est savoir si l’épidémie de Covid-19 peut être considérée comme imprévisible, irrésistible ? Est-elle un cas de force majeure qui justifie la rupture du contrat de travail ? Aucun juge ne s'est encore prononcé sur cette situation en droit du travail.

Mais, en application des textes et de la jurisprudence, l’épidémie de Coronavirus comme caractérisant un cas de force majeure ne pourra pas être appréciée de façon générale et absolue. En effet, l’épidémie de Covid-19 ne caractérise pas automatiquement tous les éléments de la force majeure.

Non, il est recommandé, par sécurité, de ne pas rompre le contrat de travail en raison de l’épidémie du Covid-19 comme constituant un cas de force majeure.

En cas de litige, il reviendra au conseil de prud’hommes d’apprécier strictement si le Covid-19 est un évènement susceptible de constituer un cas de force majeure. Une appréciation qui se fera cas par cas.

Isabelle Vénuat

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot