Apparence physique au travail : ce que vous pouvez, ou non, imposer à vos salariés
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Apparence physique : le cadre légal
L’apparence physique des salariés peut être définie comme l’ensemble des caractéristiques physiques et des attributs visibles propres à une personne qui relèvent tant de son intégrité physique et corporelle (morphologie, taille, poids, traits du visage, phénotype, stigmates etc.) que d’éléments liés à l’expression de sa personnalité (tenues et accessoires vestimentaires, coiffure, barbe, piercings, tatouages, maquillage, etc.).
Toute discrimination fondée sur l’apparence physique est prohibée, tant au moment de l’embauche que tout au long de la relation de travail (Code du travail, art. L. 1132-1). L’apparence physique relève de la liberté individuelle de vos salariés.
Vous devez, en la matière, être particulièrement vigilant et ne devez donc, en aucun cas, prendre en compte l’apparence physique de vos salariés pour prendre certaines décisions. Dans le cas contraire, votre salarié pourra obtenir réparation devant le conseil de prud’hommes pour discrimination.
Au-delà de toute discrimination, des propos humiliants en lien avec l’apparence physique peuvent caractériser des faits de harcèlement discriminatoire.
S’il existe certaines tolérances, l’objectif poursuivi doit être légitime et l’exigence proportionnée (Code du travail, art. L. 1133-1). En effet toute restriction doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
Apparence physique : ce que vous pouvez ou non imposer
La législation ne prévoit aucune liste d’activités spécifiques nommément désignées qui préciserait les situations où la prise en compte de l’apparence physique est justifiée.
Le défenseur des droits, dans une décision cadre du 2 octobre 2019, évoque les principaux thèmes de discrimination fondée sur l’apparence physique.
Morphologie, minceur, obésité et grossophobie
Vos salariés sont en contact permanent avec des clients/du public et vous souhaitez imposer un certain standard physique à vos salariés. En effet, selon vous, une silhouette longiligne est plus propice à la vente.
Imposer par exemple à vos salariés de rester svelte n’est pas possible. En effet, toute sanction ou licenciement prononcé en raison du poids ou de la silhouette d’un salarié est discriminatoire, quand bien même celui-ci serait en contact avec la clientèle. En effet, le simple contact avec la clientèle ne peut justifier, à lui seul, d’exiger des salariés d’avoir une certaine silhouette ou d’exclure d’office les personnes qui ne seraient pas minces ou qui seraient obèses ou en surpoids.
Il a par exemple déjà été jugé que le fait pour un employeur d’une assurance complémentaire santé d’exiger d’une assistante commerciale de perdre du poids à son embauche (8 kilogrammes en 3 semaines) était discriminatoire.
Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles et dûment justifiées que les exigences physiques et/ou esthétiques liées au poids pourraient être admises.
La Cour de cassation a ainsi admis le licenciement :
- d’une danseuse de revue du célèbre cabaret « Moulin Rouge » car elle ne répondait plus aux exigences physiques et esthétiques que lui imposait son poste (Cour de cassation, chambre sociale, 5 mars 2014, n°12-27.701).
- d’une femme mannequin qui avait pris du poids et avait connu ainsi un changement morphologique rendant impossible l’exercice des missions essentielles de son contrat de travail en raison de la taille standard des vêtements qu’elle ne pouvait plus mettre.
Attention toutefois, car même dans le cadre d’une profession de stricte représentation, les normes évoluent et l’exigence devra être proportionnée et le licenciement pourra faire l’objet d’un contrôle par les juges.
Vêtements, coiffure et barbe
La mode et les standards vestimentaires évoluent en permanence et les salariés disposent d’une assez grande liberté quant au choix de leurs vêtements et coiffure.
Si vous ne pouvez pas dicter à vos salariés comment s’habiller ou se coiffer, certaines restrictions sont admises, dès lors que celles-ci sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
Tel est par exemple le cas du port d’une tenue de travail :
- destinée à protéger la santé ou la sécurité du salarié et/ou garantir des conditions d’hygiène (exemple : blouse dans le monde médical, charlotte de protection et veste en cuisine dans la restauration, etc.) ;
- correcte et soignée pour les salariés en contact avec la clientèle ;
- décente afin de ne pas créer un trouble au sein de l’entreprise ou choquer les clients : a été jugé justifié le licenciement d'une salariée qui se déplaçait dans les bureaux de l'entreprise vêtue d’un chemisier transparent sans soutien-gorge ;
- imposée tel qu’un uniforme : le port d'un uniforme ou d'un insigne commercial (badge, code couleur, gilet) peut être justifié pour des motifs tenant au contact avec la clientèle et à l’identification par celle-ci du personnel (exemples : postes d’accueil et de vente).
La nécessité de véhiculer l’image d’une entreprise doit demeurer proportionnée à l’objectif recherché.
Il en va de même de la coiffure. Vous ne pouvez pas imposer à un salarié de porter les cheveux courts ou longs, masquer ses cheveux blancs, etc.
Toutefois, en raison de restrictions d’hygiène et/ou de sécurité, vous pouvez demander à vos salariés d’avoir les cheveux propres ou encore de les attacher.
Parlons maintenant du phénomène de mode qu’est le port de la barbe. Vous ne pouvez interdire à un de vos salariés de porter la barbe, sauf si cette interdiction est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
Par exemple, les juges ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur le licenciement d’un salarié travaillant dans une société de démantèlement et de logistique nucléaire qui refusait de raser sa barbe alors que le port de celle-ci empêchait l’étanchéité du masque de sécurité.
Toutefois, vous pouvez exiger que la barbe soit soignée et entretenue.
Très récemment, la Cour de cassation est venue préciser les conditions dans lesquelles le port de la barbe peut être limité dans l’entreprise sans que cela constitue une discrimination religieuse et politique. Pour plus de précision, vous pouvez consulter l’article : Interdire le port de la barbe : un objectif légitime de sécurité ou une discrimination.
Tatouages et piercings
Votre salarié travaille au contact avec du public et le fait qu’il ait des tatouages et piercings vous gêne car vous avez peur que cela fasse fuir votre clientèle et ce, quand bien même les tatouages et piercings sont devenus un phénomène de mode et se sont généralisés, à l’instar du port de la barbe.
Selon le défenseur des droits, vous devez vous adapter à ces changements en tolérant les tatouages discrets et non choquants, y compris pour vos salariés en contact avec la clientèle.
Bien entendu, vous pouvez interdire les tatouages comportant des représentations ou messages violents, racistes, antisémites, sexistes ou contraires à la morale sur le fondement de votre obligation de sécurité.
Tout comme pour les tatouages, les juges sont devenus plus tolérants.
Attention toutefois à éviter les stéréotypes de genre. La Haute Cour a par exemple jugé comme étant une discrimination fondée sur l’apparence physique et le sexe, le licenciement d’un serveur qui refusait de retirer ses boucles d’oreilles pendant son service alors que le port de boucles d’oreilles était autorisée pour les serveuses (Cour de cassation, chambre sociale, 11 janvier 2012, n°10-28.213).
Apparence physique : comment mettre en place une restriction ?
Sachez qu’en la matière, l’appréciation de légitimité de la restriction reviendra aux juges.
Le défenseur des droits recommande de définir dans un document écrit toutes les contraintes et restrictions éventuelles en matière d’apparence physique et de présentation. Cela vous sera très utile si vous devez sanctionner un salarié réfractaire, qui ne respecterait pas ces dispositions.
Vous pouvez opter pour une intégration dans le règlement intérieur ou diffuser une note de service.
Ayez bien à l’esprit que chacune des restrictions doit être justifiée par la nature de l’emploi occupé et de la tâche à accomplir et doit être proportionnelle au but recherché et peuvent être liées à :
- des raisons de santé, sécurité, hygiène ;
- l’image de votre entreprise, la décence, la nécessité d’être identifié par la clientèle.
Egalement, les juges s’attacheront à l’existence d’une exigence professionnelle essentielle au regard du poste exercé par le salarié.
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