Astreinte : vigilance sur l’intensité des contraintes pesant sur le salarié
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L’astreinte induit un subtil équilibre entre liberté et disponibilité. Dès lors, son encadrement ne saurait priver le salarié de la faculté de vaquer à des occupations personnelles. A défaut, et comme le rappelle la Cour de cassation, l’astreinte sera requalifiée en temps de travail effectif.
Astreintes : rappels
Le Code du travail définit l'astreinte comme une période au cours de laquelle un salarié :
doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ;
sans être, pour autant, sur son lieu de travail et à la disposition permanente et immédiate de l'employeur.
Notez le
La période d'astreinte doit faire l'objet d'une contrepartie financière ou sous forme de repos.
Une période d’astreinte peut alors varier entre deux types de temps :
le temps d’intervention et de trajet : décomptés en temps de travail effectif ;
le temps d’attente : décompté pour le calcul des repos quotidien et hebdomadaire.
Au cours d’une période d’attente, vous pouvez assujettir le salarié à certaines contraintes en termes de disponibilité (ex : conservation du téléphone portable professionnel).
Pour autant, celles-ci doivent rester d’une faible intensité. A défaut, un risque se présente, celui de la requalification de l’astreinte en temps de travail effectif.
Rappel
Constitue du temps de travail effectif, le temps pendant lequel un salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Sur ce sujet, la Cour de cassation applique, depuis peu, les critères posés par la Cour de justice de l’Union européenne. Ainsi, cette requalification doit intervenir si les contraintes imposées au salarié sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier :
de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités ;
et de vaquer à des occupations personnelles.
Dès lors, il appartient aux juges du fond de procéder à cette vérification en fonction des éléments de fait leur étant soumis.
La présente affaire a récemment donné l’opportunité à la Cour de cassation de reconduire sa jurisprudence. Retour sur les faits.
Fortes contraintes imposées au salarié : le risque d’une requalification en temps de travail effectif
En l’espèce, un dépanneur autoroutier assure, avec un de ses collègues, un service de dépannage 24h/24h, 7j/7j, 365 jours par an.
Il effectue alors de très nombreuses astreintes entre 2007 et 2014 et se retrouve soumis à différentes contraintes et sujétions :
conservation du téléphone de permanence de jour, de nuit, semaine et week-end compris ;
stationnement de son véhicule professionnel devant son domicile ;
obligation d’intervention dans un délai de 30 minutes à compter de l’appel, temps de trajet compris.
Au regard de l’envergure du secteur autoroutier couvert, ses interventions étaient très récurrentes et généralement de nuit.
Le salarié sollicite alors la requalification de ses astreintes en temps de travail effectif ainsi que le versement de diverses sommes. Selon lui, toutes ces contraintes l’empêchaient de vaquer librement à ses occupations personnelles puisqu’il restait à la disposition permanente et immédiate de son employeur.
Ses demandes sont toutefois rejetées à hauteur d’appel. Les juges du fond considérant qu’il pouvait vaquer à des occupations personnelles dans la mesure où il réalisait ses astreintes à son domicile. En somme, le lieu d’exécution de l’astreinte constituait un argument suffisamment probant.
Cette solution est logiquement cassée par la Cour de cassation.
La cour d’appel aurait dû vérifier si, au vu des circonstances et notamment du court délai d’intervention institué, le salarié avait été soumis à des contraintes répondant aux critères précités. L’affaire sera donc rejugée. Et à notre sens, les probabilités de requalification sont significatives.
Pour en savoir plus sur la réglementation des astreintes, les Editions Tissot vous suggèrent leur documentation « Gérer le personnel ACTIV ».
Cour de cassation, chambre sociale, 21 juin 2023, n° 20-21.843 (en se déterminant ainsi, sans vérifier si le salarié avait été soumis à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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