Barème Macron : le débat continue avec une nouvelle décision de cour d’appel

Publié le 02/12/2022 à 11:49 dans Licenciement.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Il y a quelques semaines nous vous parlions de la décision du CEDS qui avait estimé que le barème Macron violait la charte sociale européenne. Dans la foulée, une cour d’appel refusait d’appliquer le barème Macron malgré sa validation par la Cour de cassation. Voici cette fois un contre-exemple récent.

Barème Macron : pourquoi fait-il tant parler ?

Le barème Macron a été très vite remis en cause par des conseils de prud’hommes, suivis de cours d’appel, qui ont refusé de l’appliquer jugeant le montant attribué au salarié trop faible.

Rappel

Le barème Macron est une grille utilisée pour déterminer les indemnités versées à un salarié lorsqu’un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse et qu’il n’est pas réintégré. Ce barème comprend des planchers et des plafonds obligatoires en fonction de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l'entreprise, que les juges sont obligés d’appliquer.

Le débat a porté sur l’application du droit européen et plus particulièrement la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et la charte sociale européenne, lesquelles prévoient que les juges nationaux doivent pouvoir ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement injustifié.

Mais en mai dernier une décision de la Cour de cassation a semblé mettre fin au débat en validant le barème Macron. La Cour de cassation a en effet fait valoir que les dispositions de la charte sociale européenne n'avaient pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers. Elle a aussi considéré que le Code du travail permet raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi ainsi que le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de la Convention n° 158 de l'OIT (voir notre article « Barème Macron : validé par la Cour de cassation ! »).

Bon à savoir

Le barème Macron ne s’applique pas dans certaines situations notamment en cas de nullité du licenciement en raison de faits de harcèlement ou suite à une discrimination. Il n’y a alors pas de plafond mais seulement un plancher égal aux salaires des 6 derniers mois.

Mais le sujet a de nouveau fait débat suite à une décision du Comité européen des droits sociaux (CEDS) publiée le 26 septembre dernier. Il a ainsi considéré que les plafonds du barème Macron ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l'employeur. Il estime également que la marge de manœuvre accordée au juge est trop étroite et que le préjudice réel subi par le salarié en question lié aux circonstances individuelles de l'affaire peut être négligé. Par conséquent le droit à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée n’est pas garanti ce qui viole la charte sociale européenne.

Les décisions que prend le CEDS n’ont pas de caractère contraignant en droit français (voir notre article « Barème Macron : contraire à la charte sociale européenne selon le Comité européen des droits sociaux ! »). Mais cette décision est utilisée par les opposants du barème Macron pour réclamer une évolution. C’est ce qu’a fait la cour d’appel de Douai fin octobre en citant à la fois la décision du CEDS et celle de la Cour de cassation.

Cette cour d’appel plaidait pour une clause de dépassement du barème qui répondrait aux cas d’espèces et prendrait en compte les circonstances particulières (voir notre article « Barème Macron : encore écarté par une cour d’appel ! »).

Mais toutes les cours d’appel ne sont pas du même avis…

Nouvelle décision de cour d’appel validant le barème Macron

C’est cette fois la cour d’appel de Pau qui vient tout juste de rendre une décision sur le barème Macron.

Cette cour d’appel précise qu’il est désormais constant que le barème Macron n’est pas contraire à la convention de l’OIT. Quant à la charte sociale européenne, elle n’a pas d’effet direct dans un litige entre particuliers.

Pour cette cour d’appel, il appartient seulement aux juges du fond d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L.1235-3 du Code du travail. Elle reprend donc en tout point la décision de la Cour de cassation qu’elle cite d’ailleurs.

Prêt à prendre le pari sur la prochaine décision de cour d’appel ???

Cour d’appel de Pau, chambre sociale, 24 novembre 2022, RG n° 20/01843 (Il appartient seulement aux juges du fond d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L.1235-3 du Code du travail)


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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social