Barème Macron : nouvelle décision de la Cour de cassation
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En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité versée au salarié doit être comprise entre des montants minimaux et maximaux : c’est le fameux barème Macron. La Cour de cassation vient à nouveau d’appliquer ce barème et ce, malgré la dernière décision du Comité européen des droits sociaux qui a estimé qu’il était contraire au droit européen.
Barème Macron : un dispositif visant à encadrer le montant des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le barème Macron est une grille utilisée pour déterminer les indemnités versées à un salarié lorsqu’un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse et qu’il n’est pas réintégré. Ce barème comprend des planchers et des plafonds obligatoires en fonction de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l'entreprise, que les juges sont obligés d’appliquer.
Il y a en réalité deux barèmes Macron, l’un étant spécifique aux entreprises de moins de 11 salariés.
Le barème Macron ne s’applique pas dans certaines situations notamment en cas de nullité du licenciement en raison de faits de harcèlement ou suite à une discrimination. Il n’y a alors pas de plafond mais seulement un plancher égal aux salaires des 6 derniers mois.
Des remises en cause régulières du barème Macron
En vigueur depuis le 23 septembre 2017, ce barème a été très vite remis en cause par des conseils de prud’hommes, suivis de cours d’appel, qui ont refusé de l’appliquer jugeant le montant attribué au salarié trop faible.
Le débat a porté sur l’application du droit européen et plus particulièrement la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et la charte sociale européenne, lesquelles prévoient que les juges nationaux doivent pouvoir ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement injustifié.
En mai 2022, on a pu croire que le débat prendrait fin avec une décision de la Cour de cassation qui a validé le barème Macron. La Cour de cassation a en effet fait valoir que les dispositions de la charte sociale européenne n'avaient pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers. Elle a aussi considéré que le Code du travail permet raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi ainsi que le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de la Convention n° 158 de l'OIT (voir notre article « Barème Macron : validé par la Cour de cassation ! »).
Mais le sujet est de nouveau revenu dans l’actualité avec deux décisions du Comité européen des droits sociaux (CEDS) en septembre et novembre 2022. Le CEDS a ainsi considéré que les plafonds du barème Macron ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l'employeur. Ce qui viole la charte sociale européenne.
Il a également souligné :
- qu’il appartient aux juridictions nationales de statuer sur la question en cause à la lumière des principes qu'il a énoncés à cet égard ;
- ou, selon le cas, qu'il appartient au législateur français de donner aux juridictions nationales les moyens de tirer les conséquences appropriées quant à la conformité à la charte des dispositions internes en cause (voir notre article « Barème Macron : le Comité européen des droits sociaux rend une nouvelle décision ! »).
Les décisions que prend le CEDS n’ont pas de caractère contraignant en droit français. On attendait donc de voir si la Cour de cassation allait en tenir compte ou non. Une nouvelle décision vient justement d’être dévoilée…
Nouvelle application du barème Macron par la Cour de cassation
Dans cette nouvelle décision l’affaire est singulière car devant la cour d’appel ni le barème Macron ni le droit européen ne sont évoqués. La cour d’appel s’attarde ici sur la situation de la salariée licenciée injustement pour motif économique et décide de lui allouer les dommages et intérêts qu’elle réclame (plus de 26 000 euros) constatant :
- que la salariée est âgée de 57 ans et qu’elle n’a pas retrouvé d’emploi ;
- que son indemnité Pôle emploi va bientôt s'arrêter alors que sa fille étudiante est toujours à sa charge fiscalement ;
- et qu'elle n'a bénéficié d'aucune formation au sein de la société.
La Cour de cassation vient logiquement appliquer le Code du travail en rappelant que le montant accordé en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et en l’absence de possibilité de réintégration est compris entre des montants minimaux et maximaux. Ces montants varient en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté exprimée en années complètes du salarié.
Dans cette affaire la salariée licenciée avait un peu moins de 6 ans d’ancienneté et l’entreprise comptait au moins 11 salariés. En application du barème Macron son indemnité devait ainsi être comprise entre 3 et 6 mois de salaire. La cour d’appel ne pouvait donc pas lui accorder plus de 26 000 euros de dommages et intérêts car cela représente l’équivalent de 11 mois de salaire.
Le droit européen n’ayant pas été évoqué, la Cour de cassation n’est donc pas revenue sur ce sujet ni sur celui du contrôle in concreto (selon la situation concrète du salarié). Elle s’est contentée d’appliquer le barème Macron en faisant au passage un rappel utile : il faut tenir compte uniquement des années complètes pour déterminer l’ancienneté à prendre en compte.
Cour de cassation, chambre sociale, 1er février 2023, n° 21-21.011 (si le salarié est licencié pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'existe pas de possibilité de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté exprimée en années complètes du salarié)
Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot
Diplômée du master 2 DPRT de la faculté de droit de Montpellier et experte en droit social, je suis spécialisée dans la rédaction juridique. Au sein des Editions Tissot, je participe à l'animation …
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