CDD saisonnier : une convention collective peut prévoir que 37 saisons ne constituent pas un CDI !

Publié le 09/12/2019 à 07:42 dans Conventions collectives.

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Dans certains secteurs d’activité, recourir à des CDD permet de pourvoir à des emplois à caractère saisonnier. Pour ces emplois, la convention collective peut imposer à l’employeur de proposer au salarié, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l'année suivante. Dans ce cas, que se passe-t-il si l’employeur ne reconduit pas le contrat sans pour autant justifier d’un motif sérieux ?

Conventions collectives : proposer un emploi saisonnier de même nature au salarié ayant déjà accompli une ou plusieurs saisons ?

Un salarié avait occupé, entre 1978 et 2015, les fonctions de chauffeur d’engin de damage par la régie d’exploitation d’un domaine skiable. Au cours de toutes ces années, il avait été embauché sous une succession de CDD saisonniers, soumis à la convention collective des remontées mécaniques et domaines skiables.

En mars 2015, il avait reçu un courrier lui notifiant que son dernier contrat n’était pas reconduit pour « motif réel et sérieux ». Quelques mois plus tard, il avait saisi les prud’hommes pour obtenir la requalification de ses contrats en CDI ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour bien comprendre cette affaire, il faut s’attarder sur la convention collective en question, qui instaure une procédure de reconduction des CDD saisonniers. Cette procédure concerne toutes les entreprises ayant un effectif de plus de 20 salariés, à l’exception de celles dont le chiffre d'affaires présente une grande variabilité à la hausse et à la baisse. Pour ces entreprises, l’article 16-II indique notamment :
« Les saisonniers ayant déjà effectué une ou plusieurs saisons au service de l'entreprise se verront proposer un emploi saisonnier de même nature à condition qu'ils fassent acte de candidature avant le 15 septembre pour la saison d'hiver et le 15 avril pour la saison d'été. (…) ».

Cet article permet également à l’employeur d’échapper à cette obligation dans le cas suivant :
« En cas de problème l'employeur s'en entretiendra avec son salarié, lors d'un entretien au cours duquel le salarié pourra se faire assister par un salarié de l'entreprise ; cet entretien interviendra avant la fin de la saison. Si à la fin de cet entretien l'employeur décide de ne pas reconduire le contrat, il en informera par écrit le saisonnier, en lui en indiquant le ou les motifs, au plus tard dans le délai de 1 mois suivant la fin du contrat saisonnier.
La non-reconduction à l'initiative de l'employeur pour un motif réel et sérieux entraîne le versement à l'agent de l'indemnité de non-reconduction. Le paiement de cette indemnité entraîne la caducité définitive de la reconduction. »

Conventions collectives : reconduire des contrats saisonniers pendant près de 40 ans n’entraine pas leur requalification en CDI

Les juges du fond avaient donné gain de cause au salarié. Ils avaient relevé que les dispositions conventionnelles mettaient à la charge de l’employeur une obligation de réemploi du salarié, sauf motif réel et sérieux. Or, dans cette affaire, il était acquis que depuis le mois de février 1978, date de son premier engagement, le salarié avait bénéficié de CDD saisonniers successifs, reconduits d’année en année, sans interruption.

Pour les juges, il en résultait que, du fait des renouvellements intervenus sur le fondement de la clause de reconduction, ces contrats successifs constituaient un ensemble à durée indéterminée, dont la rupture nécessitait une cause réelle et sérieuse et équivalait de la part de l’employeur à un licenciement.

Mais la Cour de cassation n’a pas tenu le même raisonnement que les juges du fond.

Elle rappelle d’abord que le Code du travail autorise une convention collective ou un accord collectif à obliger tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi saisonnier, à lui proposer, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante.

La Cour souligne ensuite que, dans cette affaire, la convention collective prévoit explicitement que la non-reconduction à l’initiative de l’employeur pour un motif réel et sérieux entraîne le versement à l’agent d’une indemnité de non-reconduction.

La Cour conclut en soulignant que la reconduction de contrats saisonniers en application du mécanisme conventionnel n’entraîne pas la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée.

Conséquence : en cas de non-reconduction du dernier contrat saisonnier sans motif réel et sérieux, seuls des dommages et intérêts réparant le préjudice subi par le salarié peuvent lui être octroyés.


Cour de cassation, chambre sociale, 20 novembre 2019, n° 18-14.118 (la reconduction de contrats saisonniers en application de la convention collective des remontées mécaniques et domaines skiables ne crée pas une relation de travail à durée indéterminée)