Congé maternité : le rassemblement de preuve est-il une mesure préparatoire au licenciement de la salariée en congé ?

Publié le 27/11/2019 à 08:00, modifié le 29/11/2019 à 13:46 dans Licenciement.

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La salariée au cours de sa maternité bénéficie d’une protection particulière contre le licenciement. Ainsi, vous ne pouvez pas, pendant son congé maternité, lui notifier son licenciement, ni prendre des mesures préparatoires. La Cour de cassation vient de donner des précisions sur le rassemblement d’attestations reçues par l’employeur qui a permis le licenciement d’une salariée à son retour de congé de maternité. Mesure préparatoire ou pas ?

Maternité : étendue de la protection contre le licenciement

Lorsqu’une salariée est enceinte, elle bénéficie d’une protection spécifique contre le licenciement.

Cette protection s’applique pendant :

  • sa grossesse ;
  • l’intégralité des périodes de suspension de son contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé maternité, qu'elle use ou non de ce droit. Elle bénéficie ainsi de la protection même si elle ne prend pas l’intégralité de son congé maternité ;
  • pendant les congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ;
  • les 10 semaines suivant son retour de congé maternité (Code du travail, art. L. 1225-4).

Vous ne pouvez pas rompre son contrat de travail. Il existe toutefois 2 situations où le contrat peut être rompu pendant la maternité :

  • en cas de faute grave de la salariée, non liée à son état de grossesse ;
  • de votre impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.

Mais attention, même dans ces 2 cas, le licenciement ne peut pas être notifié pendant le congé maternité de la salariée. Pendant cette période, la salariée bénéficie d’une protection totale contre le licenciement. Lors du retour de la salariée, dans ces 2 situations, vous pouvez notifier le licenciement sans attendre la fin de la période de 10 semaines.

Maternité : précisions sur l’interdiction de prendre des mesures préparatoires au licenciement de la salariée

La préparation du licenciement est également interdite pendant le congé maternité de la salariée.

En cas de litige, les juges vérifieront les indices qui peuvent prouver que le licenciement a été préparé pendant le congé de maternité de la salariée ou, au contraire, que la procédure a bien été engagée après le terme de la période de protection.

Ainsi, il a été jugé qu’un licenciement avait été préparé pendant le congé maternité, lorsque l’employeur a engagé une procédure de recrutement pour remplacer la salariée et que la personne a été définitivement engagée pendant son congé maternité. Il en est de même lorsque l’employeur envoie la lettre de convocation à l’entretien préalable pendant le congé de maternité.

Notez-le
Lorsque la procédure de licenciement est engagée pendant la période de protection de la salariée, le licenciement est nul.

Dans certaines situations, les juges ne considèrent pas que le licenciement ait été préparé pendant la période de protection. C’est notamment le cas lorsque l’employeur informe la salariée, avant son départ en congé maternité, qu’une réorganisation de l’entreprise est en cours.

C’est également le cas dans l’affaire que vient de juger la Cour de cassation. Une salariée, mandataire judiciaire à la protection des incapables majeurs, est licenciée pour insuffisance professionnelle après son congé de maternité. Elle demande l’annulation de son licenciement. Pour elle, son licenciement a fait l’objet de mesures préparatoires pendant son congé maternité.

L’employeur a reçu des attestations de mandataires judiciaires qui ont remplacé la salariée pendant son congé. Dans ces attestations, il est fait référence à des erreurs, oublis commis par la salariée. Mais pour cette dernière, le rassemblement et la collecte de ces attestations qui ont étayé le motif de licenciement constituaient des mesures préparatoires à ce licenciement.

Les juges n’ont pas suivi son argumentation. Pour eux, la simple réunion par l’employeur, au fur et à mesure de leur signalement, d'éléments relatifs aux dysfonctionnements et erreurs commises par la salariée qui étaient portés à sa connaissance ne pouvait pas être considérée comme une mesure préparatoire à un licenciement.

Pour plus de précision sur la protection de la salariée enceinte ou en congé de maternité, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Tissot social entreprise » où un dossier entier est consacré à la maternité.


Cour de cassation, 6 novembre 2019, n° 18-20.909 (le rassemblement par l'employeur, au fur et à mesure de leur signalement, d'éléments relatifs aux nombreuses erreurs de travail d’une salariée en congé maternité ne pouvait pas être considéré comme une mesure préparatoire à un licenciement)

Isabelle Vénuat

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot