Conventions collectives : en cas de transfert de marché, la reprise des contrats de travail n'est pas automatique !

Publié le 09/05/2022 à 08:38 dans Conventions collectives.

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En cas de succession de marché, certaines conventions collectives organisent les règles de transfert des contrats de travail. C'est notamment le cas dans le secteur de la prévention et de la sécurité. Cela peut parfois soulever certaines difficultés, notamment lorsque le périmètre du marché repris se trouve modifié d'un prestataire à l'autre...

Conventions collectives : une entreprise de sécurité refuse de reprendre des contrats de travail suite à un transfert de marché

Plusieurs salariés travaillant en tant que maîtres-chiens au sein d'une entreprise de sécurité (société sortante), étaient affectés à la surveillance d'un centre commercial. Ils s'étaient vu notifier le transfert de leurs contrats de travail à une nouvelle société (société entrante). Ce transfert résultait de l'application de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité (avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel).

Mais l'entreprise entrante avait refusé de reprendre les contrats des salariés. Ces derniers avaient donc saisi les prud'hommes pour demander à ce que la rupture de fait de leurs contrats soit imputée, à titre principal, à la société entrante et à titre subsidiaire, à la société sortante.

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Le Code du travail prévoit, sous conditions, un transfert automatique des contrats de travail en cas de reprise d'entreprise. Certaines conventions collectives mettent en œuvre également des modalités de reprise particulières. Tel est le cas de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, qui organise un transfert conventionnel du personnel en cas de changement de prestataire.

La société entrante estimait qu'elle n'avait pas l'obligation de reprendre les salariés. Elle faisait valoir que la ville avait décidé que la surveillance du centre commercial ne relevait plus de sa mission publique de sécurisation, en sorte que l'accord conventionnel de reprise du personnel n'était pas applicable aux salariés affectés exclusivement à la surveillance de ce site.

L'argumentaire de la société entrante pouvait donc se résumer ainsi : en cas de différence entre le périmètre entrant et le périmètre sortant, l'obligation de reprise du personnel ne concerne que les salariés affectés au périmètre entrant.

Mais les juges du fond n'avaient pas été sensibles à cet argumentaire. Ils avaient considéré que le fait que la ville ait décidé de réduire le périmètre du marché repris ne permettait pas à la société entrante d'échapper à ses obligations conventionnelles de reprise de la totalité des salariés transférables affectés au périmètre sortant.

Conventions collectives : pas de reprise des contrats de travail lorsque le transfert ne porte pas sur le marché auquel les salariés étaient affectés

L'affaire est arrivée devant la Cour de cassation.

Celle-ci commence par rappeler ce que prévoient les dispositions de l'avenant du 28 janvier 2011 :

  • les obligations de reprise du personnel pesant sur l'entreprise entrante s'appliquent au périmètre sortant défini comme le volume de prestations et la configuration des métiers, emplois, qualifications de l'ensemble des effectifs réalisant celles-ci (...) ;
  • il n'y a pas lieu de prendre en compte une éventuelle modification du volume ou des qualifications professionnelles requises au sein du périmètre entrant.

Pour la Cour de cassation, il en résulte :

  • que le périmètre sortant est celui du marché transféré donnant lieu au renouvellement de prestataire ;
  • et que l'obligation de reprise des contrats de travail ne s'impose pas au nouveau prestataire lorsque le renouvellement ne porte pas sur le marché auquel les salariés étaient affectés.

Or, la Cour souligne que les juges du fond avaient constaté que le marché attribué à la société entrante ne concernait pas les missions de gardiennage du centre commercial auxquelles étaient exclusivement affectés les salariés. Par conséquent, les juges ne pouvaient pas considérer que la société entrante était tenue de reprendre les contrats de travail des salariés concernés. L'affaire devra donc repasser devant de nouveaux juges.


Cour de cassation, chambre sociale, 23 mars 2022, n° 20-18.681 (en cas de transfert de marché dans la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, le périmètre sortant est celui du marché transféré donnant lieu au renouvellement de prestataire, si bien que l'obligation de reprise des contrats de travail ne s'impose pas au nouveau prestataire lorsque le renouvellement ne porte pas sur le marché auquel les salariés étaient affectés)