Conventions collectives : l'employeur peut-il demander aux salariés de reporter les augmentations de salaire prévues par accord ?
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Conventions collectives : des augmentations de salaire décalées dans le temps pour faire face à la crise
Une entreprise de pneumatiques avait conclu, le 7 février 2020, avec deux organisations syndicales représentatives, un accord sur la politique salariale 2020, prévoyant :
- d'une part, des budgets d’augmentation individuelle pour les différentes catégories de salariés (agent, collaborateur, cadre) ;
- d'autre part, des augmentations collectives (primes d’ancienneté).
Le 7 avril 2020, dans le contexte de la crise sanitaire, la société avait proposé aux organisations syndicales un avenant visant notamment à modifier les budgets d’augmentations de certaines catégories de salaires.
L'une des organisations syndicales avait refusé de signer cet avenant.
Le 20 avril 2020, la société avait fait diffuser aux salariés une note intitulée « complément d’information concernant les augmentations salariales 2020 », indiquant que l’entreprise avait pris la décision de « permettre aux salariés qui le veulent de reporter la date de l’activation de leur augmentation individuelle de mai 2020 à mai 2021 », en exprimant leur choix par email au plus tard le 7 mai 2020.
La même organisation syndicale avait saisi le Juge des référés, dénonçant les pressions exercées par l’employeur sur les salariés pour les inciter à renoncer à leurs avantages conventionnels. Le syndicat estimait que la remise en cause, par l’employeur, d’un accord collectif, constituait un trouble manifestement illicite qu’il incombait au Juge des référés de faire cesser.
Même avec l'accord de l’employeur, le salarié ne peut pas renoncer aux avantages salariaux d’une convention collective
De son côté, la société soutenait qu’un accord collectif ne s’incorpore pas au contrat de travail et ne peut pas avoir pour effet de modifier ce dernier sans l’accord express du salarié.
La société faisait également valoir que la mise en oeuvre de l’accord du 7 février 2020, et plus particulièrement des budgets d’augmentation individuels, résultait d’une discussion entre les managers et les membres de leur équipe.
Elle considérait donc que le salarié avait toujours la possibilité de refuser une modification, en l’occurrence une augmentation de son salaire contractuel de base, ce refus ne pouvant être assimilé à la renonciation d’un droit résultant directement d’un accord collectif.
Pour la société, en ayant sollicité l’accord express des salariés pour renoncer à l’augmentation de leur rémunération, elle n’avait pas remis en cause l’accord collectif du 7 février 2020.
Mais les juges n'ont pas été sensibles à l'argumentaire de l’employeur. Ils rappellent d'abord que d'après le Code du travail (art. L. 2254-1) : « lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention ou d’un accord, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ».
Pour les juges, l’employeur n’a donc pas la possibilité d’écarter de manière unilatérale, l’application à la rémunération des salariés d’une convention collective à laquelle il est soumis.
Dans le même sens, le salarié ne peut pas renoncer de manière individuelle, même avec l’accord de l’employeur, aux avantages salariaux qu’il tire d’une convention collective.
Les juges relèvent également que la proposition de modification négociée de l’accord du 7 février 2020, seule voie permettant de revenir sur les dispositions conventionnelles, a été refusée par le syndicat.
Les juges en concluent que les communications adressées par la société ne répondaient pas aux conditions de renégociation des modalités d’un accord collectif. Dès lors, la société devait continuer d’appliquer l’accord initial dans toutes ses dispositions.
Les juges ont donc ordonné à la société, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, d’adresser à tous les salariés concernés une nouvelle note de service, annulant la précédente et indiquant aux salariés qui auraient opté pour le report de leur augmentation que leur choix ne serait pas pris en compte.
Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, 30 juin 2020, n° RG 20/00316 (le salarié ne peut pas renoncer de manière individuelle, même avec l’accord de l’employeur, aux avantages salariaux qu’il tire d’une convention collective)
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