Conventions collectives : le versement d'une prime de langue est-il conditionné à une maîtrise parfaite de la langue ?

Publié le 18/07/2022 à 09:00 dans Conventions collectives.

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Les primes prévues par les conventions collectives vont des plus courantes (ex : prime d'ancienneté) aux plus spécifiques, comme la « prime de langue », versée en cas d'utilisation professionnelle et régulière d'une langue. Son attribution, en fonction du niveau de maîtrise de la langue du salarié, peut parfois susciter des litiges…

Conventions collectives : un agent technique d'une agence de presse privé de prime de langue

Un salarié, agent technique au sein d'une agence de presse, avait saisi les prud'hommes. Il réclamait notamment un rappel de salaire au titre d'une prime de langue prévue par la convention collective applicable (convention collective des ouvriers des transmissions de l'Agence France-Presse).

L'employeur refusait de verser cette prime au salarié. Son argumentaire reposait sur les deux points suivants :

En premier lieu, l'employeur estimait que la prime de langue, calculée en pourcentage du salaire de base, constituait une majoration du salaire minimum conventionnel. Or le salarié étant payé au-dessus de ce minimum, il ne pouvait donc être concerné par la prime.

En second lieu, l'employeur considérait que, quand bien même le salarié eut été concerné par cette prime, sa maîtrise insuffisante de la langue l'en excluait. Pour l'employeur, les dispositions conventionnelles exigeaient du salarié la capacité d'effectuer son travail dans une langue étrangère et donc d'en avoir une maîtrise parfaite, ce qui n'était pas le cas de l'intéressé.

Conventions collectives : une communication professionnelle en anglais ouvre droit à la prime de langue

Les juges du fond n'avaient pas été sensibles à l'argumentaire de l'employeur et avaient donné gain de cause au salarié.

Leur décision a été approuvée par la Cour de cassation, qui rappelle d'abord les dispositions conventionnelles en cause :

  • d'une part, les salaires de base correspondant à chaque emploi sont fixés conformément à un barème figurant en annexe ;
  • d'autre part, les opérateurs de première classe et hors classe du siège capables de transmettre sur n'importe quel poste et dans n'importe quelle langue, ont droit à une prime de langue égale à 10 % de leur salaire de base.

Pour la Cour de cassation, il résulte de ces dispositions que la prime de langue ne constitue pas une majoration du salaire minimum conventionnel, mais une prime calculée en pourcentage du salaire de base.

C’est donc à juste titre que les premiers juges avaient retenu qu'aucune disposition de la convention collective ne subordonnait l'octroi de la prime de langue à la condition que le salarié ne perçoive que le seul minimum conventionnel garanti.

Par ailleurs, s'agissant de la maîtrise de la langue, la Cour souligne que les premiers juges avaient constaté que le salarié, qui exerçait des fonctions techniques informatiques, démontrait avoir :

  • travaillé sur des documents techniques rédigés en anglais ;
  • communiqué en cette langue avec ses interlocuteurs ;
  • accompli des missions à l'étranger.

Autant d'éléments démontrant que cette pratique induisait a minima une communication professionnelle en anglais.

Par conséquent, les conditions d'octroi de la prime de langue conventionnelle étaient réunies et le salarié devait bien en bénéficier.


Cour de cassation, chambre sociale, 9 juin 2022, n° 21-10.628 (selon les dispositions de la convention collective de l'Agence France-Presse, la prime de langue ne constitue pas une majoration du salaire minimum conventionnel mais une prime calculée en pourcentage du salaire de base, ainsi aucune disposition de la convention collective ne subordonne l'octroi de la prime de langue à la condition que le salarié ne perçoive que le seul minimum conventionnel garanti)