Conventions collectives : l'employeur peut-il s'abstenir de verser une prime s'il estime qu'elle fait double emploi avec une autre ?
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Lorsque le contrat de travail et une convention collective prévoient des primes différentes, l'employeur doit toutes les verser. On considère que des primes doivent se cumuler lorsqu'elles n'ont pas le même objet et pas la même cause. Mais parfois, la distinction n'est pas évidente à opérer…
Conventions collectives : une prime de fin d'année et une prime d'assiduité qui ont le même objet ?
Plusieurs salariés, employés par la Croix-rouge française, avaient saisi les prud'hommes pour réclamer le paiement d'une prime.
Il s’agissait d'une prime de ponctualité et d’assiduité, prévue par leur contrat de travail. Leur employeur avait arrêté de la leur verser, estimant qu'il s’acquittait par ailleurs de cette obligation en leur versant la prime de fin d'année prévue par la convention collective applicable (Croix-rouge française) au bénéfice des salariés ayant travaillé pendant au moins un mois en continu.
Devant les premiers juges, les salariés avaient eu gain de cause. Les juges avaient en effet condamné l’employeur à leur verser un rappel de salaire au titre de cette prime de ponctualité et d'assiduité.
Mais lorsque l'affaire est arrivée devant la Cour de cassation, la solution a été différente.
Conventions collectives : la prime est due si elle n'a pas le même objet mais aussi la même cause que l'autre prime
Dans sa décision, la Cour commence par rappeler que selon le Code du travail (art. L. 2254-1), lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables.
Par ailleurs, en cas de concours entre dispositions conventionnelles (ou entre dispositions conventionnelles et stipulations contractuelles), les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler. Dans ce cas, seul le plus favorable d'entre eux peut être accordé.
Or, la Cour de cassation relève que pour condamner l'employeur à payer aux salariés un rappel de prime d'assiduité et de ponctualité, les premiers juges avaient retenu que l'article de la convention collective prévoyant le paiement de la prime de fin d'année présente par nature un objet distinct de celui de la prime d'assiduité et de ponctualité, celle-ci étant liée au comportement attendu de la part de ses bénéficiaires. Les deux primes avaient donc un objet différent.
Un raisonnement erroné pour la Cour de cassation, qui reproche aux juges du fond d'avoir statué sans rechercher si la prime d'assiduité et de ponctualité et la prime de fin d'année n'avaient pas la même cause.
En d'autres termes, les juges avaient été trop vite en besogne en constatant l'identité de deux primes, mais sans établir qu'elles avaient également la même cause.
Cour de cassation, chambre sociale, 13 avril 2023, n° 21-20.697 (en cas de concours entre dispositions conventionnelles ou entre dispositions conventionnelles et stipulations contractuelles, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé)
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