Conventions collectives : les différences de traitement entre catégories de salariés ne sont pas toujours justifiées !
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Conventions collectives : indemnité de licenciement différente dans une même catégorie professionnelle ?
Certaines conventions collectives peuvent réserver des avantages (ex : congés payés supplémentaires, préavis plus ou moins long) à une seule catégorie professionnelle (cadre, agent de maîtrise, ouvrier). Depuis janvier 2015, la Cour de cassation considère que ces différences de traitement entre catégories sont présumées justifiées. En pratique, c’est à celui qui les conteste de démontrer que ces avantages sont étrangers à toute considération de nature professionnelle (voir notre article « Avantages catégoriels : sont-ils justifiés ? »).
Le sujet revient à intervalles réguliers devant les juges, comme le montrent trois illustrations récentes.
Dans une première affaire jugée par la Cour de cassation, le salarié d’une compagnie d’assurances, qui avait eu successivement le statut d’employé puis celui de cadre, a saisi les prud’hommes suite à son licenciement. Il estimait que la convention collective applicable, la convention collective de l’inspection d’assurance, créait une inégalité de traitement entre les cadres non spécialisés et les cadres inspecteurs s’agissant de la détermination de l’indemnité conventionnelle de licenciement.
En effet, d’après les textes conventionnels, un cadre qui n’exerce pas les fonctions spécialisées d’inspecteur, bénéficie d’une indemnité conventionnelle de licenciement calculée sur l’ensemble de son ancienneté au sein de l’entreprise, alors qu’un cadre, qui exerce les fonctions spécialisées d’inspecteur, perçoit une indemnité calculée sur les seules années au cours desquelles il a travaillé en qualité d’inspecteur.
D’après le salarié, le dispositif conventionnel instaurait au sein de la catégorie professionnelle des cadres, une inégalité de traitement dans le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement, liée aux fonctions exercées au sein de cette catégorie.
Tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation, qui rappelle que les différences de traitement d’origine conventionnelle entre catégories professionnelles (ou entre des salariés exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes) sont présumées justifiées. Il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Tel n’était pas le cas dans cette affaire.
Conventions collectives : une rémunération différente pour des fonctions identiques dans une même catégorie professionnelle ?
Les deux affaires suivantes sont passées devant le Conseil d’Etat.
Dans la première affaire c’était la convention collective de la production cinématographique qui était en cause. Un article, relatif à la rémunération des personnels techniques de la production cinématographique engagés à la journée, prévoit :
- pour la production des films autres que publicitaires, une rémunération minimale garantie de 7 heures, une majoration de 25 % du salaire de base minimum garanti, une majoration de 50 % du salaire horaire pour les heures supplémentaires effectuées au-delà de la 7e heure et de 100 % au-delà de la 10e heure ;
- pour les films publicitaires, une rémunération minimale garantie fixée à 8 heures, une majoration du salaire minimum garanti portée à 50 % et une rémunération des heures supplémentaires effectuées au-delà de la 8e heure majorée de 100 %.
Le Conseil d’Etat a décidé que cette différence entre les deux régimes de rémunération était fondée sur un critère objectif, en rapport direct avec les différences de situation des salariés. En effet, en raison de la brièveté des tournages des films publicitaires et de l’amplitude journalière horaire de travail qui en résulte, les techniciens employés à la journée dans la production de films publicitaires ne se trouvent pas dans une situation identique à ceux qui, bien qu’exerçant les mêmes fonctions, sont employés à la journée pour la réalisation de films n’ayant pas le caractère de films publicitaires.
Conventions collectives : une différence de traitement selon la nature du contrat ?
La seconde affaire concernait l’accord du 25 septembre 2015 relatif à la mise en place d’un régime frais de santé dans la convention collective des prestataires de services dans le domaine tertiaire. Cet accord définit une catégorie objective de salariés regroupant ceux qui, au sein des seules entreprises de la branche exerçant une activité principale d’accueil événementiel, d’animation et de promotion ou d’optimisation linéaire, sont titulaires d’un contrat d’intervention à durée déterminée. L’accord institue, au profit de cette catégorie, un régime de cotisation pour la complémentaire frais de santé différent de celui des autres salariés de la branche titulaires de contrats à durée déterminée (c’est-à-dire une cotisation proportionnelle au nombre d’heures de travail effectuées et non une cotisation globale forfaitaire).
Cette fois-ci, le Conseil d’Etat a estimé que le régime « dérogatoire » appliqué à cette catégorie de salariés n’était pas justifié. En effet, ces salariés ne sont pas placés dans une situation différente de celle de l’ensemble des autres salariés de la branche titulaires de CDD. De plus, il n’était pas établi que la différence de traitement ainsi prévue, qui tenait non aux conditions effectives d’exercice des tâches, mais exclusivement à la nature des CDD en cause, reposait sur des raisons objectives réelles et pertinentes.
Pour avoir un panorama complet de la jurisprudence applicable en matière de droit du travail, nous vous conseillons la documentation « Droit du travail et su jurisprudence commentée » des Editions Tissot.
Cour de cassation, chambre sociale, 15 mars 2017, n° 15–28577 (les avantages catégoriels institués par une convention collective sont présumés justifiés)
Conseil d’Etat, 15 mars 2017, n° 389559 (une différence de rémunération entre les salariés d’une même catégorie professionnelle est justifiée si elle est fondée sur un critère objectif, en rapport direct avec les différences de situation des salariés)
Conseil d’Etat, 17 mars 2017, n° 396835 (une différence de traitement fondée seulement sur une différence dans la nature juridique des contrats n’est pas justifiée)
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