Conventions collectives : peut-on embaucher un salarié en CDD saisonniers durant 37 années consécutives ?
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Conventions collectives : 37 CDD saisonniers consécutifs pour une femme de chambre dans le secteur de l'hôtellerie
Une salariée avait travaillé en qualité de femme de chambre pour un hôtel dans le cadre de plusieurs contrats saisonniers à durée déterminée. Elle avait ainsi occupé pas moins de 37 contrats, durant 37 saisons consécutives entre 1976 et 2012.
Ayant fait valoir ses droits à retraite à compter du 1er novembre 2010, la salariée avait continué à travailler en 2011 et 2012 puis avait notifié à son employeur sa décision d'arrêter toute activité professionnelle et sollicité l'octroi d'une indemnité de départ à la retraite, qui lui avait été refusée.
Elle avait saisi les prud'hommes en 2013 afin d'obtenir notamment la requalification de ses 37 CDD en un contrat à durée indéterminée et la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes.
L'argumentaire de la salariée était simple : son emploi de femme de chambre n'avait rien de saisonnier. Pour l’intéressée, le fait qu'elle ait conclu, 37 années durant, pendant toute la période d'ouverture de l'établissement, un contrat pour accomplir les mêmes fonctions de femme de chambre, signifiait que cet emploi était en réalité durable et lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Il répondait ainsi à un besoin structurel de l'employeur et aurait donc dû prendre la forme d'un CDI.
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Conventions collectives : pour les premiers juges, un emploi lié à l'activité saisonnière de l'hôtel
Les premiers juges avaient rejeté la demande de la salariée et refusé de requalifier la relation de travail en CDI. Les juges avaient eu un raisonnement en deux étapes.
Ils avaient d'abord rappelé les dispositions de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants relatives au contrat saisonnier (art.14.2) selon lesquelles « les contrats saisonniers conclus pendant trois années consécutives (…) et couvrant toute la période d'ouverture de l'établissement pourront être considérés comme établissant avec le salarié une relation de travail à durée indéterminée sur la base des périodes effectives de travail ».
Pour les juges, ce texte, qui a pour seule vocation de favoriser l'emploi, n'empêche pas un employeur de conclure des CDD successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier sans aucune limite.
Les juges avaient ensuite estimé que seule la non-reconduction de la relation de travail sur la saison suivante s'analyse en un licenciement devant être motivé, ce qui n'était pas le cas ici, dans la mesure où :
- la salariée avait travaillé chaque jour pendant les périodes d'ouverture à la clientèle de l'hôtel, limitées à la belle saison ;
- son engagement avait été reconduit chaque année durant les périodes nécessitant les services d'une femme de chambre, soit environ six mois et demi par an - à la différence des personnels occupant un emploi au sein de l'établissement les douze mois de l'année (direction, administration, gardiennage, entretien des espaces verts) ;
- la rupture de la relation indéterminée de travail s'était produite à son initiative, l'intéressée ayant fait part à son employeur de sa volonté de prendre sa retraite.
Conventions collectives : pour la Cour de cassation, un emploi correspondant à l'activité normale et permanente de l'hôtel
L'affaire est arrivée devant la Cour de cassation qui n'a pas suivi les premiers juges.
La Cour commence par rappeler les fondamentaux : un CDD ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Il ne peut donc, en principe, être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas énumérés par le Code du travail.
Elle rappelle également qu'il est possible de conclure un CDD dans le cas d'emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité déterminés, il est d'usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
La Cour souligne ensuite que la détermination par accord collectif des emplois pour lesquels le recours au contrat saisonnier est prévu ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l'existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi concerné et de contrôler que le contrat n'a pas pour objet de pourvoir un emploi permanent.
Or, ici la Cour souligne que la salariée avait travaillé, selon des CDD successifs, en la même qualité de femme de chambre durant 37 années consécutives, chaque année pendant toute la période d'ouverture de l'établissement au public, en sorte que l'intéressée occupait un emploi correspondant à l'activité normale et permanente de l'entreprise. En d'autres termes, son emploi de femme de chambre n'aurait pas dû prendre la forme de CDD saisonniers.
Par conséquent, les CDD de la salariée auraient dû être requalifiés en CDI.
Cour de cassation, chambre sociale, 13 octobre 2021, n° 20-14.586 (le contrat de travail peut être conclu pour une durée déterminée dans le cas d'emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois)
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