Conventions collectives : santé et prévoyance, des clauses de recommandation sous surveillance
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Conventions collectives : un régime complémentaire de santé et de prévoyance en question
Plusieurs fédérations avaient conclu, le 29 juin 2015, un accord mettant en place un régime complémentaire de santé et de prévoyance dans le cadre de la convention collective du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes.
Le Conseil d’Etat avait été saisi par une fédération de la légalité de l'arrêté du 11 décembre 2015 étendant cet accord. Par une décision du 17 mars 2017, il avait sursis à statuer et renvoyé les parties à poser à la juridiction judiciaire les deux questions préjudicielles suivantes :
- la circonstance que l'accord du 29 juin 2015 ne comporte pas de clause de réexamen était-elle de nature à l'entacher d'illégalité ?
- les signataires pouvaient-ils, en l'absence de disposition législative, prévoir le financement des prestations par un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l'organisme recommandé, ou un prélèvement équivalent à cette somme exigible auprès des entreprises n'adhérant pas à cet organisme ?
Conventions collectives : recommandation d’un organisme assureur et clause de réexamen
Le premier point du litige concernait l’absence de clause de réexamen dans l’accord initial.
Pour mémoire, les partenaires sociaux peuvent mettre en place des garanties collectives présentant un « degré élevé de solidarité ». Les accords concernés peuvent, pour gérer les régimes en question, recommander un ou plusieurs organismes assureurs autorisés. Les accords signés dans ce cadre doivent comporter une clause de révision, déterminant les conditions et la périodicité (au plus 5 ans) de réexamen de la recommandation.
Les juges du fond avaient estimé que, faute de comporter la clause de réexamen prescrite par le Code de la Sécurité sociale, l’accord collectif était illégal.
Les signataires tentaient de faire valoir que la situation avait été rectifiée par la signature, en 2016, d’un avenant modifiant l'accord pour préciser les modalités de réexamen de la procédure de recommandation. Ce réexamen était prévu dans un délai maximum de 5 ans à compter de la date de prise d'effet de l'accord du 29 juin 2015. Pour les partenaires sociaux, l’ajout de la clause manquante avait régularisé a posteriori l'accord en question.
Mais la Cour de cassation s’aligne sur la décision des juges du fond. Elle considère que l'existence de la clause de réexamen est une condition de validité des accords dérogeant aux principes de libre concurrence et de liberté d'entreprendre. En d’autres termes, aucune régularisation a posteriori n’était possible : l’accord devait comporter la clause en question « ab initio » (dès l’origine).
Conventions collectives : vraie clause de recommandation ou clause de désignation déguisée ?
Le deuxième point en débat concernait le prélèvement institué sur les cotisations versées à l’organisme recommandé.
Pour mémoire, pour être considéré comme ayant un « degré élevé de solidarité », l’accord collectif doit prévoir la part de la cotisation acquittée, qui doit être d’au moins 2 % de la prime d’assurance.
Or, dans cette affaire, l’accord du 29 juin 2015 instituait :
- un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l'organisme recommandé ;
- mais aussi un prélèvement équivalent à cette somme exigible des entreprises n'adhérant pas à l'organisme recommandé.
Était-il possible de prévoir un tel prélèvement auprès des entreprises non adhérentes ? En effet, un tel mécanisme pouvait laisser penser qu’en fait de « recommandation », il s’agissait plutôt d’une clause de désignation déguisée…
C’est en tout cas ce qu’avaient estimé les juges du fond. Mais la Cour de cassation ne s’est pas rangée à cette interprétation. Elle estime que rien n’interdit aux partenaires sociaux de mettre en place un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l'organisme recommandé par l'accord ou un prélèvement équivalent auprès des entreprises qui n'adhèrent pas à l'organisme recommandé. La Cour souligne que l’accord en question s'applique aux entreprises l'ayant signé et à celles adhérant à une organisation patronale représentative ayant signé l'accord...
Par conséquent, sur ce deuxième point, l’affaire devra être jugée à nouveau.
Cour de cassation, chambre sociale, 9 octobre 2019, n° 18-13.314 (aucune disposition d'ordre public n'interdit à des organisations syndicales et patronales représentatives dans le champ de l'accord de prévoir, par accord collectif, un système de mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations de prévoyance sociale non obligatoires même en l'absence de dispositions légales en ce sens)
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