Conventions collectives : un salarié peut-il être licencié pour avoir refusé d'effectuer un travail qui ne relève pas de sa classification ?

Publié le 18/05/2020 à 08:53 dans Conventions collectives.

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Pour tout employeur, la qualification conventionnelle est un élément clé, puisqu'elle détermine notamment le minimum conventionnel qu'il devra appliquer au salarié. Mais cette classification lui permet également de savoir quelles tâches il pourra demander à l'intéressé. Une considération qui n'est pas anecdotique, comme le montre une affaire récente.

Conventions collectives : refuser d'exécuter les directives de l’employeur, est-ce toujours de l’insubordination ?

Une salariée, opératrice mini-laboratoire, exerçait au sein d'une entreprise de photographie. Au regard de la convention collective applicable, à savoir la convention collective de la photographie, elle avait le statut d'opérateur vendeur 3e niveau coefficient 175.

Suite à son licenciement pour faute grave pour avoir « refusé d'effectuer des prises de vue simple », elle avait saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes d'indemnités de rupture.

La salariée estimait ne pas avoir commis de faute, dans la mesure où les tâches qu'elle avait refusé d'effectuer ne lui incombaient pas en vertu de son contrat de travail et n'entraient pas dans les attributions attachées à sa qualification professionnelle.

Pour rappel, le salarié qui refuse d'obéir à son employeur commet une faute, dès lors que son refus concerne la discipline générale de l’entreprise (ex : règlement intérieur) ou bien l'exécution du travail demandé. Encore faut-il que ce dernier n’entraîne pas de modification de son contrat de travail. En revanche, le refus d’exécuter un ordre n’est pas fautif lorsque cet ordre est contraire à la loi, à la convention collective ou aux stipulations du contrat de travail. Par conséquent, le salarié qui refuse d’accomplir une mission qui ne correspond pas à sa qualification ne commet pas, en principe, de faute.

Conventions collectives : quand le salarié refuse d'exécuter une mission qui ne relève pas de sa qualification

Les premiers juges avaient rejeté la demande de la salariée. Ils relèvent que, dans le cadre de la filière magasin prévue par la convention collective de la photographie, la salariée peut, en application de sa classification, réaliser « les photos d'identités à l'exception des autres prises de vue ». Les juges relèvent également qu'à son contrat de travail, il est prévu que, de manière générale, celle-ci doit effectuer toutes les tâches confiées par la direction.

Or, l'employeur avait informé la salariée qu'elle serait amenée, à son retour de congé, à effectuer des prises de vues, tant en intérieur qu'en extérieur. Pour les juges, il s'agissait d'une évolution des tâches confiées et non d'une modification de son contrat de travail. L'arrêt ajoute que la salariée étant titulaire du brevet de technicien supérieur de photographie, il est de sa compétence d'effectuer des prises de vue simples.

Les juges concluent leur raisonnement en estimant que, compte tenu des capacités de la salariée, l'employeur pouvait lui demander de réaliser de tels travaux à titre accessoire à sa fonction principale. Cette demande ne constituait pas une modification de son contrat de travail, de sorte que le refus de l'intéressée d'effectuer ce travail constituait un acte d'insubordination.

Conventions collectives : pour un salarié, le refus d'effectuer des tâches ne relevant pas de sa qualification n'est pas fautif

Mais la Cour de cassation n'a pas suivi les juges du fond. Elle rappelle d'abord un principe bien établi : le refus par un salarié d'effectuer une tâche ne correspondant pas à sa qualification n'est pas fautif.

Puis la Cour reprend les termes de la convention collective de la photographie, qui indique :

  • pour la filière magasin (hors prises de vue), un opérateur vendeur 3e niveau coefficient 175 réalise les photos d'identité, à l'exception des autres prises de vue ;
  • pour la filière photographie professionnelle, un assistant 1er niveau coefficient 155 exécute les identités et les prises de vue simples sans composition sous contrôle hiérarchique, tandis qu'un photographe qualifié 3e niveau coefficient 175 réalise en plus, de manière autonome, des prises de vue sociales et des prises de vue techniques d'entreprise.

Or les juges du fond avaient constaté que les prises de vue simples que la salariée avait refusé de réaliser ne relevaient pas de sa qualification professionnelle d'opérateur vendeur filière magasin, mais de celle de la photographie professionnelle. Par conséquent, la salariée était en droit de refuser d'exécuter cette nouvelle tâche, et ne pouvait donc pas être sanctionnée pour ce refus.

En d'autres termes, l'affaire devra être à nouveau jugée.

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Cour de cassation, chambre sociale, 18 mars 2020, n° 18-21.700 (le refus par un salarié d'effectuer une tâche ne correspondant pas à sa qualification n'est pas fautif)