Conventions collectives : un salarié peut-il saisir le juge des référés lorsqu'il estime être victime d'une sanction discriminatoire ?

Publié le 27/06/2022 à 10:11 dans Conventions collectives.

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Dans certains cas, il est possible de saisir la formation de référé du conseil de prud’hommes, une « voie rapide » réservée à certaines situations d'urgence. Cette formation peut prononcer un certain nombre de mesures, même en présence d’une « contestation sérieuse ». Illustration dans une affaire jugée récemment, avec pour toile de fond un accord collectif qui imposait à l'employeur une concertation avec le salarié en cas de prolongation des horaires.

Conventions collectives : une sanction fondée sur un refus de prolongation des horaires ou sur les activités syndicales?

Un salarié travaillait depuis 2001 en tant que cameraman dans un grand groupe audiovisuel.

En août 2015, il s'était vu notifier une mise à pied disciplinaire de 15 jours pour avoir refusé, le 29 juin, d'effectuer un duplex pour le journal national, en raison du dépassement de ses horaires qui en serait résulté.

Le salarié avait saisi les juges en référé pour contester cette sanction.

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Dans tous les conseils de prud'hommes, il existe une formation de référé qui permet d’obtenir une décision en urgence lorsque les circonstances l’exigent. Cette formation peut à la fois :

  • ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune « contestation sérieuse » ou que justifie l’existence d’un différend ;
  • prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage ou faire cesser un « trouble manifestement illicite », même en cas de contestation sérieuse.

Dans cette affaire, le salarié, soutenu par un syndicat, estimait que la sanction dont il avait fait l'objet avait été prononcée en réponse à son activité syndicale. Pour le salarié, il y avait là un « trouble manifestement illicite » justifiant la saisine du juge des référés.

Par ailleurs, au cœur de l'affaire, un accord d'entreprise relatif à l'organisation du travail sur un cadre hebdomadaire prévoyait, pour les activités à organisation variable, que les demandes de prolongation des horaires devaient faire l'objet d'une concertation avec le salarié concerné.

Or, le 29 juin, le salarié terminait sa journée à 20 heures. Il lui avait été demandé l'après-midi même de prolonger sa vacation au-delà de cet horaire en vue du duplex pour le journal national, prolongation que le salarié avait refusée.

Le salarié estimait que l'employeur n'a pas respecté l'obligation de concertation prévue par la convention collective, ce que l'employeur contestait. Ce dernier s'appuyait à la fois sur un courriel de la direction justifiant d'un échange téléphonique avec le salarié ainsi que sur l'attestation d'un journaliste qui avait également tenté de persuader le salarié d'assurer sa mission.

Conventions collectives : la contestation d'une sanction discriminatoire est recevable devant le juge des référés

Les éléments mis sur la table par l'employeur avaient convaincu les premiers juges, qui avaient estimé qu'il avait respecté l'obligation de concertation imposée par le texte conventionnel. Pour les juges, si la concertation exigée par la convention collective pouvait aboutir à l'accord invoqué par le salarié, elle n'imposait pas à l'employeur l'obligation de recueillir l'adhésion de ce dernier.

En l'absence d'accord, l'employeur conservait donc toute latitude, dans l'exercice de son pouvoir de direction, d'ordonner au salarié d'assurer la prestation demandée, sans que ce dernier ne puisse s'y opposer, sauf en cas d'abus. Dès lors, compte tenu du refus du salarié de prolonger sa vacation, sa demande de retrait de sa mise à pied sous astreinte se heurtait à une « contestation sérieuse » et ne pouvait donc pas justifier un référé.

L'affaire est arrivée devant la Cour de cassation, qui rappelle le principe : la formation de référé prud'homale peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La Cour de cassation reproche donc aux premiers juges d'avoir statué sans rechercher si la sanction litigieuse était constitutive d'un trouble manifestement illicite.

Dans ces conditions, l'affaire sera jugée à nouveau.


Cour de cassation, chambre sociale, 25 mai 2022, n° 20-17.197 (la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite)