Conventions collectives : une prime doit-elle être proratisée pour les salariés à temps partiel ?
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En principe, les salariés à temps partiel perçoivent une rémunération proportionnelle à leurs collègues à temps plein. Mais lorsqu'une prime est prévue par une convention collective, cette règle de proportionnalité s'applique-t-elle toujours ?
Conventions collectives : une prime en baisse suite à un passage à temps partiel
Deux salariées avaient été embauchées en CDI à temps plein par un centre de lutte contre le cancer. Elles étaient par la suite passées à temps partiel, dans le cadre d'un accord collectif sur la gestion de carrière des seniors.
Elles avaient saisi les prud'hommes après avoir constaté que, à compter de leur passage à temps partiel, le montant de leur « bonification acquise de carrière » avait diminué à proportion de leur nouvelle durée du travail.
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La « bonification acquise de carrière » est un complément individuel de rémunération, versé aux salariés non-cadres, prévu par la convention collective des centres de lutte contre le cancer. Il prend en considération chaque année le degré de maîtrise de poste et valorise ainsi la progression du professionnalisme du titulaire au cours de sa carrière.
Au cœur de cette affaire, se trouvait un principe posé par le Code du travail, qui veut que la rémunération des salariés à temps partiel soit proportionnelle à celle des salariés à temps plein (article L. 3123-5) : « compte tenu de la durée de son travail et de son ancienneté dans l'entreprise, la rémunération du salarié à temps partiel est proportionnelle à celle du salarié qui, à qualification égale, occupe à temps complet un emploi équivalent dans l'établissement ou l'entreprise ».
Faute de mention contraire de la convention collective, le montant de la prime est proratisé par rapport à la durée du travail
Pour les salariées, le principe de proportionnalité posé par le Code du travail ne trouvait pas à s'appliquer ici . Elles pointaient l'article 2.5.2.3 de la convention collective applicable, qui indique « le montant de la bonification individuelle de carrière (BIC), acquis au 31 décembre de l’année précédente, est ajouté à la bonification acquise de carrière (BAC) déjà acquise. Ce montant, en euros, est acquis définitivement au salarié ».
Les salariées déduisaient de ce texte que le montant de la bonification acquise de carrière, composée des bonifications individuelles de carrière annuelles, est acquis définitivement au salarié, y compris lorsque le salarié passe d'un temps complet à un temps partiel.
Mais les premiers juges avaient rejeté la demande des salariées, et estimé que le montant de la bonification acquise de carrière en cas de passage d'un temps complet à un temps partiel devait bien être proratisé à hauteur du temps de travail.
Une interprétation validée par la Cour de cassation. La Cour approuve les premiers juges d'avoir décidé que la bonification acquise de carrière constituait un élément de la rémunération soumis au principe de proportionnalité en vertu de l'article L. 3123-5 du Code du travail, alors que la convention collective ne comportait pas de mention contraire à ce principe.
C'est donc à juste titre qu'il fallait proratiser cet avantage pour les salariés travaillant à temps partiel.
Cour de cassation, chambre sociale, 10 mai 2023, n° 21-20.440 (la bonification acquise de carrière de la convention collective des centres de lutte contre le cancer constitue un élément de la rémunération soumis au principe de proportionnalité en vertu de l'article L. 3123-10 du Code du travail, la convention collective ne comportant pas de mention contraire à ce principe)
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