Déduction forfaitaire spécifique BTP : quand les salariés obtiennent des dommages-intérêts pour application illicite de l’abattement forfaitaire !
Temps de lecture : 6 min
Contenu ancien
Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.
La suite du contenu est réservée aux abonnés à l'Actualité Premium
Essayez l'Actualité Premium
À partir de 9,90€ / mois- Déblocage de tous les articles premium
- Accès illimité à tous les téléchargements
Déduction forfaitaire spécifique BTP : un possible préjudice indemnisable pour les salariés
Plusieurs règles encadrent le recours par employeur et salarié au mécanisme dérogatoire de la déduction forfaitaire spécifique. Mécanisme appelé aussi abattement forfaitaire pour frais professionnels.
L’abattement de 10 % de l’assiette des cotisations sociales, possible dans les entreprises du BTP pour certains salariés, peut ainsi être remis en cause à l’occasion d’un redressement engagé par un agent de contrôle des URSSAF. La conséquence, un recalcul des cotisations dues par l’entreprise pour tous les salariés concernés, sur une période de 3 ans !
Mais ce n’est pas le seul risque financier auquel ’employeur s’expose en cas d’erreur dans l’application de la déduction forfaitaire spécifique. C’est ce qui ressort d’une décision rendue le 2 juin 2021 par la Cour de cassation.
Ainsi, lorsque l’employeur applique la déduction forfaitaire sur la rémunération d’un salarié, ce salarié peut agir directement en justice contre son employeur. Sans lien avec un éventuel redressement prononcé par les URSSAF. Si, par exemple, le salarié n’entre pas dans le champ d’application réglementaire de la déduction forfaitaire spécifique, alors les juges condamnent l’employeur à verser des dommages-intérêts au salarié.
Déduction forfaitaire spécifique BTP : un champ d’application très restreint pour les juges
La possibilité pour les salariés d’obtenir des dommages-intérêts pour application illicite du mécanisme de déduction forfaitaire spécifique n’est pas la seule information apportée par la décision rendue le 2 juin par la Cour de cassation.
Dans l’affaire jugée, qui d’ailleurs ne concerne pas une entreprise du BTP mais une entreprise du secteur aérien (secteur concerné comme le BTP par la possibilité de recourir à un abattement forfaitaire spécifique), le salarié considère qu’il n’entre pas dans le champ d’application du dispositif.
Or, l’entreprise rappelle que le métier du salarié était considéré comme relevant bien du champ d’application de la déduction forfaitaire spécifique par une instruction fiscale (antérieure au 31 décembre 2000) et un avis rendu par la direction de la Sécurité sociale.
La Cour de cassation ne tient pas compte des textes visés par l’entreprise : dès lors que le métier de l’entreprise n’apparaît pas dans la liste des professions visées par l’article 5 de l’annexe 4 du Code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, le salarié est fondé à réclamer des dommages-intérêts pour recours illicite à l’abattement forfaitaire pour frais professionnels.
Quelle portée pour les entreprises du BTP ? L’article 5 de l’annexe 4 du CGI visait dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000 comme seuls bénéficiaires possibles de la déduction forfaitaire spécifique « les ouvriers du bâtiment visés aux paragraphes 1er et 2 de l'article 1er du décret du 17 novembre 1936, à l'exclusion de ceux qui travaillent en usine ou en atelier ».
Le décret en question liste des domaines d’activité du BTP, couvrant de nombreux travaux du Bâtiment comme ceux des Travaux publics. Et renvoie au décret du 9 avril 1936, qui lui liste des métiers particuliers pour chaque famille de travaux.
Ce labyrinthe juridique aboutit à dresser une liste des professions dans le BTP pour lesquels un salarié travaillant sur chantier peut se voir appliquer la déduction forfaitaire spécifique.
En conséquence, si l’ouvrier du BTP n’exerce pas une des professions visées dans la liste issue des décrets du 9 avril 1936 et du 17 novembre 1936, la décision rendue par la Cour de cassation le 2 juin 2021 donne la possibilité au salarié se voyant appliquer la déduction forfaitaire spécifique de demander des dommages-intérêts.
Et peu importe que l’entreprise dispose d’un document provenant des URSSAF acceptant le recours à la déduction forfaitaire pour ce type de profession. La lettre collective ACOSS n° 2004-046 du 2 mars 2004, qui considérait la déduction forfaitaire spécifique comme ouverte aux agents de maîtrise et cadres des entreprises du BTP (exerçant une des activités listées par le décret du 17 novembre 1936) lorsqu’ils travaillent de façon constante sur les chantiers et supportent, de ce fait, des dépenses professionnelles sensiblement égales à celles des ouvriers travaillant au dehors, ne peut servir aux entreprises pour échapper à une condamnation en réparation du préjudice subi par des ETAM de chantier pour lesquels aurait été appliquée la déduction.
Les entreprises du BTP doivent donc se munir des décrets du 9 avril 1936 et du 17 novembre 1936 pour vérifier quels bénéficiaires actuels de l’abattement forfaitaire pour frais professionnels sont susceptibles d’agir demain en justice pour réclamer des dommages-intérêts pour application illicite du mécanisme.
Cour de cassation, chambre sociale, 2 juin 2021, n° 20-12578 (l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de Sécurité sociale n'ouvre la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels qu'aux professions énumérées à l'article 5 de l'annexe IV du Code général des impôts)
Expert en droit du travail et relations sociales, www.didrh.fr
Auteur des documentations SOCIAL BATIMENT, SOCIAL TRAVAUX PUBLICS et RESPONSABLE ET GESTIONNAIRE PAIE BTP pour les Editions Tissot. Formateur en droit du travail auprès des entreprises et des …
- Nouveautés sociales BTP : ce qui change au 1er janvier 2025Publié le 14/01/2025
- Réduction générale des cotisations patronales BTP : comment la calculer pour le mois de janvier 2025 ?Publié le 14/01/2025
- Index égalité : ce qu’il faut savoir pour 2025 dans le BTPPublié le 14/01/2025
- Salaires minimaux du bâtiment et des travaux publics : les modifications de la semainePublié le 14/01/2025
- Cotisation intempéries : les taux applicables à compter du 1er avril 2025Publié le 10/01/2025