Discrimination fondée sur l’apparence : homme en détresse
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Imposer aux salariés masculins des règles dans leur façon de se coiffer, voire interdire certaines coupes alors qu’elles sont autorisées pour les femmes. Ces restrictions constituent-elles une discrimination fondée sur le sexe ? Pour savoir si un salarié est en droit de porter des tresses comme ses collègues féminines, il faut regarder si une telle restriction est justifiée par les exigences de l’exercice de la profession.
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Apparence physique : une liberté individuelle qui peut connaître des restrictions
L’apparence physique relève de la liberté individuelle et toute discrimination fondée sur l’apparence physique est prohibée (Code du travail, art. L. 1132-1).
Les restrictions sont toutefois admises mais doivent :
être justifiées par la nature de la tâche à accomplir ;
être proportionnées au but recherché ;
répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante. Celle-ci doit être dictée par la nature ou les conditions d’exercice objectives de l’emploi. Par exemple, une demande d’un client (subjective) ne répond donc pas à une exigence professionnelle essentielle et déterminante.
Ainsi, il peut être imposé aux salariés de porter un uniforme lorsqu’ils sont en contact avec la clientèle afin qu’ils puissent être identifiés par les clients, par exemple.
Les différences de traitement en raison du sexe doivent également être justifiées dans les mêmes conditions.
Ainsi, vous ne pouvez pas autoriser le personnel féminin à porter des bijoux comme des boucles d’oreilles et l’interdire au personnel masculin. La Cour de cassation a notamment jugé comme étant une discrimination fondée sur l’apparence physique et le sexe, le licenciement d’un serveur qui refusait de retirer ses boucles d’oreilles, alors que ce bijou était autorisé pour les serveuses (Cour de cassation, chambre sociale, 11 janvier 2012, n° 10-28.213).
Apparence physique : les exigences liées à la profession de steward justifient-elles des règles différentes de coiffure pour les femmes et les hommes ?
Cette fois-ci, la Cour de cassation s’est penchée sur les restrictions liées à la coiffure des stewards d’une compagnie aérienne.
En 2005, un steward se voit interdire de se présenter à l’embarquement avec des cheveux longs coiffés en tresses africaines nouées en chignon.
Cette coiffure n’était pas autorisée par le manuel de port de l'uniforme des personnels navigants commerciaux qui posait les règles suivantes :
les cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitée dans la nuque au niveau du bord supérieur du col de la chemise pour les hommes ;
le port de tresses africaines nouées en chignon est autorisé pour le personnel féminin.
Pour pouvoir continuer de travailler, le salarié a donc porté une perruque jusqu’en 2007. Se considérant victime de discrimination directement fondée sur l'apparence physique en lien avec le sexe, le steward a saisi le conseil de prud’hommes en janvier 2012.
Il a été mis à pied en avril 2012 pour présentation non conforme aux règles du port de l’uniforme. Par la suite, il a été licencié pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement.
Devant la cour d’appel, il a demandé notamment la condamnation de son employeur au paiement d’une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination, harcèlement moral et déloyauté.
Pour sa défense, l’employeur indiquait que le personnel navigant était en contact avec la clientèle. Il jouait donc un rôle commercial auprès de la clientèle et représentait donc l’image de marque de la compagnie. Comme les autres compagnies, le port de l’uniforme était également imposé.
Pour la cour d’appel, les agissements de la compagnie n’étaient pas motivés par une discrimination directe ou indirecte. Ils étaient justifiés par des raisons totalement étrangères à tout harcèlement.
Les restrictions imposées au personnel masculin étaient nécessaires pour permettre l’identification du personnel de la compagnie (port d’un uniforme) et préserver son image. Elles étaient également fondées sur la perception sociale de l'apparence physique des genres masculin et féminin (habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage).
Mais pour la Cour de cassation, l’interdiction faite au salarié de porter des tresses caractérisait bien une discrimination.
Cette interdiction faite au personnel masculin n’est justifiée par aucune exigence essentielle et déterminante propre à l’exercice de la profession de steward.
La coiffure ne fait pas partie de l’uniforme. Selon le communiqué de la Cour de cassation, la coiffure n’est ni une partie, ni une prolongation de l’uniforme contrairement à des accessoires comme un chapeau qui peut être imposé pour identifier le personnel.
Interdire les tresses pour les stewards ne constitue pas une exigence professionnelle essentielle et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes. Dans cette profession, on ne peut donc pas interdire une coiffure aux hommes qui est autorisée pour les femmes.
Cour de cassation, chambre sociale, 23 novembre 2022, n° 21-14.060 (les exigences liées à l’exercice de la profession de steward ne justifient pas d’interdire aux hommes une coiffure autorisée aux femmes. La coiffure n’est pas une partie de l’uniforme)
Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot
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