Donneurs d’ordre : vérifiez l’authenticité des documents des sous-traitants

Publié le 29/10/2013 à 10:43, modifié le 11/07/2017 à 18:24 dans Contrat de travail.

Temps de lecture : 5 min

Contenu ancien

Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Afin de lutter contre le travail dissimulé, tout donneur d’ordre doit se faire remettre par son sous-traitant un certain nombre de documents, et notamment une attestation par l’URSSAF. A défaut, sa responsabilité peut être solidairement recherchée en cas d’infractions aux dispositions du Code du travail commises par son sous-traitant. Attention, le simple fait de remettre ces documents n’est pas suffisant, encore faut-il en vérifier l’authenticité.

Tout donneur d’ordre qui recourt à un sous-traitant, doit, pour tout contrat d’un montant au moins égal à 3.000 euros, s’assurer tous les 6 mois, jusqu’à la fin de l’exécution de ce contrat, que le sous-traitant s’acquitte de ses obligations relatives au travail dissimulé.

Pour ce faire, il doit procéder à certaines vérifications et obtenir de son contractant les pièces suivantes :

  • un extrait K bis ou une carte d’artisan ou un document publicitaire professionnel mentionnant le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers (papier à en-tête) ;
  • un récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises (CFE) lorsque l’inscription est en cours ;
  • une attestation de l’URSSAF de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de Sécurité sociale datant de moins de 6 mois (et qui mentionne désormais, outre l’identification de l’entreprise, le nombre de salariés employés et le total des rémunérations déclarées sur le dernier bordereau récapitulatif des cotisations (BRC) adressé à l’organisme de recouvrement par le sous-traitant) ;
  • une liste nominative des salariés étrangers employés par le contractant et soumis à autorisation de travail, indiquant, pour chaque salarié, sa date d’embauche, sa nationalité, ainsi que le type et le numéro d’ordre du titre valant autorisation de travail.

Si l’entreprise n’a pas procédé à ces vérifications, la solidarité financière peut être mise en jeu et l’entreprise condamnée au paiement des impôts, taxes et cotisations dues par les sous-traitants. Elle peut également se voir refuser ou annuler les exonérations ou réductions de cotisations sociales dont elle bénéficie, ou encore certaines aides publiques à l’emploi et à la formation professionnelle (contrats aidés, apprentissage). L’administration du travail peut également en exiger le remboursement).

Mais quid, lorsque le donneur d’ordre s’est bien procuré tous ces documents mais que ces derniers sont faux. Peut-il être tenu pour responsable des agissements frauduleux de son sous-traitant et voir sa responsabilité engagée ?

Oui, répond la Cour de cassation qui donne le ton en rappelant aux entreprises qu’elles doivent effectuer une véritable contrôle de l’authenticité des documents fournis.

Cour de cassation, 2e chambre civile, 11 juillet 2013, pourvoi n° 12–21554 (pdf | 5 p. | 59 Ko)

Il s’agissait en l’espèce d’une entreprise qui s’était fait remettre par son sous-traitant une attestation URSSAF justifiant de versement de cotisations sociales établie sous un nom d’entreprise différent du nom du sous-traitant.

Le sous-traitant s’étant rendu coupable de travail dissimulé et n’ayant aucune existence juridique, les services de contrôle recherchent la responsabilité du donneur au motif qu’il n’avait pas vérifié la régularité sociale de son sous-traitant : ils considèrent en effet qu’il aurait déceler les anomalies figurant sur l’attestation URSSAF sur laquelle le nom indiqué était différent du nom figurant sur les autres documents, par exemple l’extrait Kbis.

Les juges considèrent que « si le donneur d’ordre est considéré comme ayant procédé aux vérifications requises par (…) dès lors qu’il s’est fait remettre par son cocontractant les documents prévus (…), cette présomption de vérification est écartée en cas de discordance entre la dénomination de la société, désignée sur les documents remis, et l’identité du cocontractant ».

En l’espèce, « l’extrait du registre du commerce et des sociétés, remis à la société, qui avait été établi au nom de Mme X…, exploitant une activité commerciale à titre individuel, ne correspondait pas aux attestations sur l’honneur, aux déclarations uniques d’embauche ainsi qu’aux attestations de versement de cotisations établies au nom d’une « société Berger » » « la société a donc conclu un contrat de sous-traitance avec une entreprise n’ayant aucune existence juridique, alors que les documents fournis, manifestement erronés, lui permettaient facilement de s’en rendre compte », elle était donc « en mesure de constater que la « société Berger », qui se présentait comme son sous-traitant, ne justifiait pas de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés et que tous les documents fournis par cette dernière avaient une origine frauduleuse » et « devait avoir conscience qu’une telle entreprise ne pouvait être enregistrée à l’URSSAF comme employeur ni être à jour de ses cotisations ».

Cette décision, a été rendue pour des faits antérieurs au décret n° 2011–1601 du 21 novembre 2011 qui impose désormais aux donneurs d’ordre de s’assurer de l’authenticité de l’attestation des sous-traitants, auprès l’URSSAF, en effectuant une procédure d’authentification sur le site de l’URSSAF (par le biais d’un code de sécurité indiqué sur l’attestation que le donneur d’ordre saisit en ligne).

Elle rappelle que l’obligation du Code du travail ne se limite pas à la « collecte » de ces documents mais impose, de manière plus générale, au donneur d’ordre de vérifier l’intégralité des documents fournis (et pas uniquement l’attestation URSSAF) afin d’y déceler d’éventuelles anomalies, qui, doivent le conduire à ne pas contracter avec le sous-traitant frauduleux.


Sophie Valazza, juriste

Cass. civ. 2e, 11 juillet 2013, n° 12–21554 (le donneur d’ordre doit vérifier les documents fournis par les sous-traitants afin d’y déceler d’éventuelles anomalies)