Emploi irrégulier de travailleurs étrangers : la sanction est-elle automatique ?

Publié le 08/06/2022 à 08:00 dans Embauche BTP.

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Vous devez vous assurer que vos travailleurs étrangers disposent d’une autorisation pour travailler. A défaut, vous vous exposez à payer une contribution spéciale. Mais l’administration doit tenir compte des spécificités de chaque situation pour décider d’appliquer ou non cette sanction. Et en cas de contestation, le juge peut de la même façon maintenir la contribution ou vous en décharger.

Travailleurs étrangers : l’obligation de posséder une autorisation de travail

Vous ne pouvez pas, directement ou indirectement, embaucher, conserver à votre service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.

Pour embaucher un travailleur étranger, vous devez donc vérifier qu'il possède un titre valide l'autorisant à travailler en France. Vous pouvez télécharger ci-dessous la liste des titres permettant d’exercer une activité salariée.

Cette obligation ne s’applique cependant pas aux ressortissants de l’Union européenne, de l'Espace économique européen (Norvège, Liechtenstein, Islande), de la Suisse, d’Andorre, de Monaco et de Saint-Marin. Ni aux ressortissants étrangers inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi.

A cette fin, vous devez saisir le préfet du département dans lequel votre siège se situe. Et ce, au moins 2 jours ouvrables avant la date d'effet de l'embauche. Le préfet vous notifiera sa réponse dans les mêmes délais à compter de la réception de votre demande. A défaut de réponse de sa part, votre obligation de vous assurer de l'existence de l'autorisation de travail est réputée accomplie.

Si le travailleur étranger ne dispose pas d’une autorisation de travail, vous devrez en faire la demande par courrier électronique, sur le site administration-etrangers-en-France.interieur.gouv.fr. Les modalités applicables sont les mêmes que pour vérifier une autorisation de travail.

Important

Si l'étranger travaille sur des chantiers, vous devrez tenir à disposition des contrôleurs sur le chantier la copie du titre de travail.

Pour en savoir plus sur les formalités à accomplir en cas d’embauche de travailleurs étrangers, nous vous recommandons notre documentation « Gérer le personnel du BTP ».

Si vous manquez à ces obligations, vous vous exposez notamment à devoir vous acquitter d’une contribution spéciale. Celle-ci est fixée de manière forfaitaire à 5000 fois le taux horaire du minimum garanti à la date de la constatation de l'infraction.

Notez le

Ce montant peut être réduit à 1000 ou 2000 fois le taux horaire du minimum garanti ou augmenté à 15 000 fois ce même taux dans certains cas.

Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) décide de l'application de la contribution spéciale au vu de vos observations éventuelles, à l'expiration du délai de 15 jours qui vous est accordé pour les faire valoir.

Cette sanction ne semble donc pas automatique. Un juge peut-il dès lors décider de vous en décharger en cas de contestation ? Le Conseil d’Etat vient de se prononcer sur cette question.

Travailleurs étrangers : l’application de la contribution spéciale

Dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat, suite à un contrôle des services de police, la présence d’un ressortissant étranger a été constatée au sein de l’établissement. Il y travaillait sans autorisation de travail et de séjour en France, et sans être déclaré.

Le directeur général de l’OFII avait décidé de mettre à la charge de la société la contribution spéciale au montant forfaitaire de 5000 fois le taux horaire du minimum garanti, soit la somme de 17 700 euros.

La société estimait que la sanction était disproportionnée au regard des circonstances de l'infraction. Elle avait donc sollicité l’annulation de la décision du directeur général de l’OFII devant le tribunal administratif. Celui-ci a rejeté sa demande, tout comme la cour administrative d’appel saisie par la suite. La société a alors porté le litige devant le Conseil d’Etat.

Il a considéré que la cour avait commis une erreur de droit en refusant d'examiner toutes les circonstances que la société faisait valoir. Pour déterminer si elles étaient, au regard de la nature et de la gravité des agissements, d'une particularité telle qu'elles justifiaient que la société soit dispensée de cette sanction.

Le Conseil d’Etat a examiné lui-même ces éléments, et les a tous rejetés. Il a notamment considéré que :

  • la société ne pouvait se retrancher derrière son absence d’intention d’embaucher un travailleur étranger sans titre dès lors qu’elle ne soutenait pas avoir vérifié l’existence d’un titre de travail ;
  • les difficultés financières de la société, pour délicates qu'elles puissent être, ne suffisent pas à justifier une dispense de la contribution spéciale au regard de la nature et de la gravité des agissements sanctionnés et de l'exigence de répression effective des infractions ;
  • la gravité des agissements ne peut être affectée par la durée d’emploi très brève du travailleur étranger, la société n’ayant pas établi qu’il n’avait travaillé qu’une seule journée comme elle le prétendait.

Conseil d'Etat, 1ère - 4ème chambres réunies, 12 avril 2022, n° 449684 (l’administration doit tenir compte des circonstances particulières à la situation de l’intéressé pour sanctionner la société qui a employé irrégulièrement un travailleur étranger. En cas de contestation, le juge peut de la même façon maintenir la contribution ou en décharger l’employeur)

Amélie Gianino

Juriste en droit social