Envoi de messages à connotation sexuelle = faute grave ?

Publié le 08/07/2024 à 08:06 dans Sécurité et santé au travail.

Temps de lecture : 4 min

Aucun salarié ne doit subir d’agissements sexistes ou être victime de harcèlement sexuel. En tant qu’employeur, vous pouvez évidemment prendre toute mesure disciplinaire à l’encontre de l’auteur. L’envoi de messages à connotation sexuelle peut-il justifier un licenciement pour faute grave ? Faisons le point sur la jurisprudence.

Un de mes managers a adressé des messages tendancieux à certaines de mes salariées, leur a proposé de le rejoindre la nuit, leur a fait des commentaires désobligeants sur leur tenue. En tant qu’employeur je ne peux tolérer que de tels faits se produisent au sein de mon entreprise. Puis-je licencier l’auteur de tels agissement pour faute grave ?

Rappelons tout d’abord qu’aucun salarié ne doit subir des faits :

  • de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Le harcèlement sexuel est également constitué lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée et lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ;
  • assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

Vous avez, en tant qu’employeur, pour obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les sanctionner, au besoin par le licenciement du salarié auteur des agissements.

Pouvez-vous, dès lors, licencier l’auteur pour faute grave ?

La réponse est OUI.

La Cour de cassation l’a rappelé dans une décision du 13 mars 2024.

Dans l’affaire soumise à son appréciation, un salarié qui exerçait un très haut niveau de responsabilité avait adressé à des salariées placées sous son autorité, de manière régulière et répétée, des messages à connotation sexuelle tels que :

  • « j'aime votre façon de manger des bananes… très inspirante » ;
  • « vos excuses sont bien acceptées…mais vous devriez chercher à obtenir le pardon » ;
  • « voulez-vous voir la chambre, je peux la réserver si vous voulez » « pourquoi ne venez-vous pas chez moi ce soir » ;
  • « vous pouvez m'appeler quand vous voulez » ;
  • « j'ai beaucoup aimé votre tenue ce soir » ;
  • « vous allez me prendre pour un fou ou trouver mon comportement déplacé mais j'adorerais passer le reste de la nuit avec vous ».

Retenant que doit être qualifié de harcèlement sexuel tout comportement d'un salarié vis-à-vis d'un autre salarié présentant une ambiguïté de nature sexuelle ou tout propos déplacé dans le but manifeste d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, l’employeur avait licencié son salarié pour faute grave pour avoir adopté à l'égard de 8 salariées placées sous son autorité un comportement inconvenant, notamment des propos à connotation sexuelle.

Contestant son licenciement, le salarié avait saisi la juridiction prud’homale.

La cour d’appel, aux motifs que le salarié ne s'était jamais montré insistant, ni n'avait commis de pressions graves et qu'il était un excellent collaborateur n'ayant subi aucun reproche tout au long de sa longue collaboration, a jugé que ce comportement ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise. Celui-ci n'était pas constitutif d'une faute grave mais d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

A tort selon la Cour de cassation ! Selon les hauts magistrats, de tels faits justifiaient le licenciement pour faute grave du salarié.


Cour de cassation, chambre sociale, 13 mars 2024, n°22-20.970 (des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés créant une situation intimidante ou offensante caractérisent un harcèlement sexuel et justifient le licenciement pour faute grave du salarié, peu important son ancienneté dans l'entreprise ou son passé disciplinaire irréprochable)