Evènements festifs organisés par l’entreprise

Publié le 01/09/2014 à 06:00, modifié le 11/07/2017 à 18:25 dans Sanction et discipline.

Temps de lecture : 8 min

Contenu ancien

Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Organiser des fêtes ou des séminaires au sein ou en dehors de l’entreprise peut s’avérer un bon moyen de rassembler le personnel, fédérer les équipes ou se rapprocher de ses partenaires ou clients. Mais ces fêtes posent un certain nombre de questions. Les salariés sont-ils obligés d’y assister ? Est-ce alors du temps de travail ? Qui est responsable s’il survient un problème pendant ou après la fête ? Autant de questions et d’autres auxquelles nous répondons dans ce dossier…

Les salariés sont-ils obligés d’assister à une fête organisée par l’entreprise ?

Aucun article du Code du travail n’encadre l’organisation de soirées festives d’entreprise. En fait, il y a fête et fête.

Certaines manifestations festives organisées par l’employeur ont uniquement pour but d’offrir aux salariés de passer un bon moment ensemble, même si derrière l’attente affichée, se cache une volonté de renforcer les liens entre les collègues de travail.

Il y a ceux qui apprécient et s’y rendent volontiers ; d’autres qui rechignent à y aller.

Sur un plan juridique, un salarié n’est pas tenu d’y assister, surtout lorsqu’il s’agit d’un événement organisé en dehors du temps de travail. Il est donc libre de ne pas s’y rendre, sans motif, et son absence ne saurait être fautive, ni justifier une sanction.

Si l’événement a lieu pendant le temps de travail, le salarié ne désirant pas y participer doit se tenir à la disposition de l’employeur pour effectuer son travail. Il a droit, dans ce cas, au paiement de son salaire.

Mais il y a aussi d’autres types d’événements qui s’apparentent à des séminaires de travail : travaux de groupe, discussions autour d’une stratégie, préparation d’un lancement de produit, etc. Les salariés partagent souvent leurs journées entre travail, purs loisirs (spa, randonnée, etc.) et d’autres qui n’en sont pas vraiment (jeux de rôles ou autres activités en équipe).

De tels séminaires à caractère professionnel sont considérés comme du temps de travail effectif. Ils sont en tant que tel obligatoires. Refuser d’y participer peut alors être qualifié d’acte d’insubordination, à moins que le salarié n’invoque un refus de participer à une activité qui le met en danger.

Distinguer ces deux types d’évènements n’est pas forcément chose aisée. Les séminaires ne sont pas toujours purement festifs ou purement professionnels…

Evènement festif : quand le considérer comme une activité sociale et culturelle (ASC) ?

Une « soirée festive » même organisée par l’employeur peut-elle être considérée comme une ASC ?

L’enjeu est de taille. Si c’est une ASC, le CE peut reprendre la main sur l’organisation de cette soirée et surtout revendiquer les sommes qui y sont consacrées par l’employeur.

Mais qu’est-ce qu’une activité sociale et culturelle ?

L ’article L. 2323–83 du Code du travail définit ainsi cette notion : « Le comité d’entreprise assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise prioritairement au bénéfice des salariés, de leur famille et des stagiaires, quel qu’en soit le mode de financement, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat ».

Cet article ne nous donne pas d’indication précise sur ce que l’on entend par ASC. Il se contente d’édicter au profit du CE un monopole sur la gestion des activités sociales et culturelles et de renvoyer à un décret en Conseil d’Etat pour en savoir un peu plus sur la nature de ces activités. Mais, ce décret en Conseil d’Etat, codifié à l’article R. 2323–20 du Code du travail énumère à titre indicatif des activités, dont nombre d’entre elles sont désuètes.

Aussi est-il préférable de se rapporter à la définition qu’en ont donné les juges pour savoir plus précisément ce qu’est une activité sociale et culturelle dénommée œuvres sociales jusqu’en 1982 : « Doit être considérée comme une œuvre sociale, toute activité non obligatoire légalement, quelque soit sa dénomination, la date de sa création et son mode de financement, exercée principalement au bénéfice du personnel de l’entreprise, sans discrimination, en vue d’améliorer les conditions collectives d’emploi, de travail et de vie du personnel au sein de l’entreprise » (Cass. soc., 13 nov. 1975, n° 73–14848).

Alors quand peut-on considérer qu’une soirée festive organisée par l’employeur est une ASC ?

Réponse de la Cour de cassation (9 juillet 2014, n° 13–18577). Il ne suffit pas que cette soirée débute par un cocktail dinatoire suivi d’une soirée dansante (non obligatoire pour les salariés) pour considérer qu’il s’agit d’une ASC en ce qu’elle ne tend pas à améliorer les conditions collectives de travail, comme le prétendait le CE pour revendiquer les sommes consacrées par l’employeur à l’organisation de cette soirée.

Les juges, pour dire qu’il ne s’agissait pas d’une ASC, ont noté que si « la soirée annuelle offerte par l’employeur à ses collaborateurs se déroulait dans un cadre festif, elle avait pour objet de présenter le bilan annuel et les perspectives de la société et d’assurer une cohésion au sein de l’entreprise ». Dès lors, « cette manifestation constituait un élément de gestion, par l’employeur, de son personnel et ne relevait pas d’une activité sociale et culturelle ».

En organisant cette soirée, l’employeur ne cherchait pas tant à améliorer les conditions de bien-être des salariés qu’à fédérer et remobiliser ses équipes pour qu’elles soient plus performantes au travail !

Dès lors, il ne s’agit pas d’une ASC et le CE n’est pas fondé à réclamer le budget alloué à cette soirée pour développer sa politique sociale.

Mais où fixer le curseur entre une soirée qui s’apparente à une ASC et une autre qui ne s’y apparente pas ? Ça, les juges ne le disent pas dans l’absolu.

Evènement festif : peut-on interdire la consommation d’alcool dans le règlement intérieur ?

Certains salariés ne conçoivent pas de faire la fête sans consommer de l’alcool.

Pourtant, l’article R. 4228–20 du Code du travail prévoit « qu’aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail ». Un décret entré en vigueur le 4 juillet (décret n° 2014–754 du 1er juillet 2014), sans remettre en cause ces dispositions, prévoit qu’il est désormais possible, à certaines conditions, d’interdire toute consommation d’alcool dans l’entreprise.

N’oublions pas que l’employeur a une obligation de résultat en matière de santé et de sécurité. Il doit avoir conscience du danger auquel il expose les salariés et tout faire pour les en préserver. A ce titre, il semblerait possible de décider que si un événement festif se déroule dans l’entreprise, qu’il soit organisé par l’entreprise, les salariés ou le CE, il se fera sans alcool et de le consigner dans le règlement intérieur ou par note de service.

Mais, le Code du travail comporte aussi un article L. 1321–3 lequel dispose que le règlement intérieur ne peut comporter des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature des tâches à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Aussi, il ne semble pas que l’employeur puisse poser une interdiction de façon générale et absolue à toute consommation d’alcool dans l’entreprise, sauf situation particulière de danger ou de risque pour le salarié ou pour des tiers. Et s’il y a une interdiction, elle doit être proportionnée au but recherché et l’employeur doit justifier d’un danger particulier pour le salarié ou les tiers.

Néanmoins, l’employeur qui organise une fête, dans ou en dehors de l’entreprise, doit prendre toutes les mesures de précaution pour que le trajet du retour se passe bien.

Il et conseillé de prendre des mesures de prévention : mettre des éthylotests à disposition, organiser un système de navettes ou de covoiturage, demander que des « capitaines de soirée » ne buvant pas d’alcool se désignent volontairement pour raccompagner leurs collègues qui ne sont pas en état de conduire.

Si un accident de la circulation survenait après un événement festif organisé par l’employeur, dans ou en dehors de l’entreprise, pendant ou en dehors des horaires de travail, il pourrait être poursuivi pour non-assistance à personne en danger.

Le salarié qui se tient mal à une soirée organisée par l’employeur peut-il être sanctionné ?

Si la soirée se tient en dehors du temps et du lieu de travail, le salarié n’est plus sous la subordination de l’employeur et ses actes relèvent de sa vie personnelle. Ils échappent normalement au pouvoir disciplinaire de l’employeur.

Mais certains comportements peuvent être rattachés à la vie professionnelle et donc donner lieu à une sanction. Ainsi en a-t-il été jugé dans une affaire opposant un salarié qui a eu envers ses collègues féminines des attitudes déplacées pouvant être qualifiées de harcèlement sexuel (Cass. soc., 9 octobre 2011, n° 09–72672).

La Cour de cassation a légitimé le licenciement pour faute grave prononcé à l’encontre de ce salarié par son employeur, considérant que le comportement du salarié, même lors de soirées organisées après le travail, se rattache à sa vie professionnelle dès lors qu’il a commis des actes à l’égard de personnes avec lesquelles il est en contact en raison de ses fonctions.


Caroline Gary