Fausse sous-traitance et responsabilité du maître d’ouvrage

Publié le 07/03/2014 à 12:03, modifié le 11/07/2017 à 18:25 dans Contrat de travail BTP.

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La crise que connaît le secteur du BTP a favorisé le recours aux travailleurs européens détachés. Cette concurrence donne lieu à des abus comme en témoigne une décision de la cour d’appel de Chambéry qui est venue sanctionner une situation de fausse sous-traitance, condamnant au passage le maître d’ouvrage.

Fausse sous-traitance : les situations visées

Le contrat de sous-traitance est un contrat avec une tâche objectivement définie où le prêt de main-d’œuvre n’est qu’un moyen permettant la réalisation de cette tâche. Les juges vont ainsi distinguer la sous-traitance du prêt de main d’œuvre illicite, convention par laquelle les cocontractants, sous couvert d’un contrat de sous-traitance, ont pour but exclusif la mise à disposition de personnel. Cette mise à disposition, dans le cadre d’un détachement, vise essentiellement à tirer profit d’une masse salariale à moindre coût :

  • taux horaire en-deçà des minima conventionnels (pratique qui est condamnable au titre de l’article L. 1262–4 du Code du travail mais qui est peu condamnée en l’absence de contentieux initiés par les travailleurs détachés et de contrôle de l’inspection du travail) ;
  • charges sociales moindres.

Afin d’opérer cette distinction, les juges vont examiner la finalité du prêt de main d’œuvre au regard d’un faisceau d’indices :

  • la spécificité ou le savoir-faire de l’entreprise prestataire ;
  • le mode de rémunération ;
  • le contenu et l’objet réel du contrat ;
  • la fourniture de moyens et du matériel pour exécuter les travaux ;
  • l’existence éventuelle d’un lien de subordination.

Ce sont ces trois derniers critères qui ont été retenus par la cour d’appel de Chambéry en fin d’année dernière s’agissant d’un contrat de sous-traitance passé entre un entrepreneur en charge du gros-œuvre et un sous-traitant polonais. En l’espèce, le marché de sous-traitance portait sur l’ensemble de la prestation de gros-œuvre confiée à l’entrepreneur, lequel fournissait du matériel et pilotait le personnel mis à disposition.

Entre autres chefs de condamnation, les acteurs de ce contrat sont condamnés pour prêt illicite de main d’œuvre et travail dissimulé. L’entrepreneur principal et son dirigeant sont respectivement condamnés à 70.000 et 25.000 euros d’amende. Le dirigeant du sous-traitant est quant à lui condamné à 30.000 euros d’amende (dont 15.000 euros avec sursis).

Fausse sous-traitance : condamnation du maître d’ouvrage

Cette affaire pénale a, comme souvent, émergé suite à un accident du travail qui a donné lieu à une enquête de l’inspection du travail qui est systématiquement destinataire des déclarations d’accident.

A l’occasion de cette enquête, l’inspection du travail a relevé les indices de fausse sous-traitance qui ont donné lieu à la poursuite pénale et informé le promoteur immobilier, maître d’ouvrage, de cette situation. En l’absence de réaction de ce dernier, celui-ci est également poursuivi et condamné pour recours au service d’une personne exerçant un travail dissimulé. En effet, l’inertie du promoteur permet de constater l’élément intentionnel de l’infraction. L’entreprise est condamnée à 210.000 euros d’amende, tandis que son délégataire est condamné à 7.000 euros avec sursis.

Notez-le
La personne physique condamnée n’est pas nécessairement le dirigeant de l’entreprise. En l’espèce, le « Directeur Construction » du chantier avec accepté une délégation de pouvoir qui lui confiait la charge de faire respecter les dispositions du Code du Travail sur son chantier. C’est à ce titre qu’il est condamné.

Pour en savoir plus sur les différences entre la sous-traitance et le prêt de main d’œuvre, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Gestion pratique du personnel et des rémunérations du BTP ». Vous pouvez également télécharger notre tableau comparatif :

Comparatif des situations de sous-traitance et de prêt de main d’œuvre (pdf | 1 p. | 52 Ko)

Cour d’appel de Chambéry, 7 novembre 2013, n° 13/795 (le sous-traitant qui a sciemment recours au service d’une personne exerçant un travail dissimulé est pénalement sanctionnable)