Faute du salarié : comment changer vos soupçons en certitudes ?
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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.
Imaginez…
Au sein de votre entreprise, vous soupçonnez un salarié de procéder à des agissements répréhensibles : il aide son conjoint à la pizzeria sur ses heures de travail, il passe son temps à organiser ses week-ends au lieu de travailler, il télécharge illégalement des films sur son ordinateur, il ponctionne dans les stocks le matériel prévu pour les clients…
Bref, vous souhaiteriez pouvoir le prendre « la main dans le sac » ou en « flagrant délit » de faute, pour motiver le licenciement que vous envisageriez de prendre une fois votre certitude acquise à son sujet
Pour tout savoir du licenciement personnel pour motif disciplinaire et l’appréciation de la faute, les Editions Tissot vous conseillent leur publication « Tissot Social Entreprise ».
Surveillance des salariés : information préalable obligatoire
Mais voilà, vous savez qu’il est interdit de mettre en place des systèmes pour surveiller les salariés sans les avoir informés au préalable, ce que vous ne souhaitez pas. Alors vous réfléchissez à un moyen qui pourrait vous permettre de prouver la faute du salarié, sans que celui-ci ne se doute de quoi que ce soit.
Exit donc, la vidéo surveillance, les écoutes téléphoniques, les vérifications des sites Internet consultés ou des numéros de téléphones appelés, la consultation des mails, etc.
Vous allez utiliser votre « cheval de Troie » à vous : un petit truc qui n’est pas une surveillance à proprement parler mais, somme toute, un petit subterfuge pour parvenir à vos fins. En toute légalité et dans l’intérêt de l’entreprise, cela va sans dire.
C’est ce qu’avait fait un responsable d’une entreprise chargée de la distribution du courrier, qui soupçonnait une de ses salariées d’ouvrir les lettres. Il avait donc décidé de mettre, parmi les plis dont elle avait la charge, des lettres dites « festives », ayant la particularité de diffuser une encre bleue sur les mains à leur ouverture.
L’entreprise justifiait ce procédé par la sauvegarde nécessaire de la mission de service qu’elle assurait, qui était compromise par les agissements frauduleux de la salariée.
C’est ainsi que cette dernière a été prise en défaut et licenciée pour faute grave, ce qu’elle contestait.
Pour la Cour d’appel, ces lettres festives, banalisées, ne constituaient pas un procédé de surveillance destiné à collecter des informations sur les salariés mais un moyen de faire cesser un agissement répréhensible. Elles avaient d’ailleurs vocation à être traitées de la même façon que d’autres correspondances, et à suivre un acheminement normal dès lors que l’agent traitait normalement la correspondance.
Les juges estimaient qu’il n’y avait donc ni stratagème, ni provocation de la salariée à commettre une infraction, ni utilisation d’un procédé déloyal par l’employeur.
Pas de procédé déloyal pour révéler la faute
La Cour de cassation n’accepte pas cette analyse et casse la décision.
Elle rappelle que l’employeur ne peut pas mettre en œuvre dans l’entreprise un procédé de contrôle de l’activité des salariés qui n’a pas été porté préalablement à leur connaissance. Elle considère que l’emploi de lettres piégées est bien un procédé de contrôle, puisqu’il est destiné à déterminer si le courrier est ouvert par les salariés, et ce, peu importe le but poursuivi par l’employeur.
Elle fait donc ici une interprétation extensive de la notion de surveillance des salariés, en s’appuyant sur le principe immuable de respect de la vie privée de chacun.
Souvenez-vous donc que la fin ne justifie pas les moyens.
Ainsi, lorsque vous soupçonnez un salarié d’agir de manière malhonnête, quel que soit le moyen que vous choisirez pour prouver sa faute, vous devrez vous assurer qu’il n’y a rien de déloyal dans votre démarche, et prendre la précaution, en cas de doute, d’en informer les salariés.
Vous souhaitez mettre en place un système de vidéosurveillance dans votre entreprise ? Voici comment procéder :
Hélène Soulas
Cour de cassation, chambre sociale, 4 juillet 2012, n° 11–30266 (l’employeur ne peut pas utiliser de stratagèmes pour prouver la faute de salariés qu’il soupçonne d’agissements répréhensibles)
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