Forfait jours : inéligibilité du salarié soumis à une obligation de pointage et de présence minimum
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L’éligibilité d’un salarié au forfait jours est subordonnée à un critère essentiel d’autonomie. Dès lors, en cas de litige, il revient au juge d’en apprécier la réalité. Par une récente décision, la Cour de cassation a indiqué qu’un employeur ne pouvait, sans porter atteinte à ce critère, soumettre les salariés en forfait jours à une certaine obligation de pointage et de présence minimum.
Salariés éligibles au forfait jours : l’importance du critère de l’autonomie
Le forfait jours est un dispositif spécifique institué par un accord d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, de branche. Il vous permet alors de décompter le temps de travail de vos salariés en fonction d’un nombre de jours travaillés sur une année.
Bien que les salariés concernés soient précisément identifiés par l’accord collectif, seuls certains d’entre eux demeurent initialement éligibles :
les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable ;
les salariés dont la durée du travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
L’éligibilité d’un salarié reste ainsi suspendue à un degré significatif d’autonomie dans l’organisation de son emploi du temps. Ce prérequis déterminant ne peut, en aucune façon, être remis en cause par les modalités destinées à assurer le suivi régulier de sa charge de travail. En outrepassant cette obligation, vous vous exposez à une sanction conséquente : l’annulation rétroactive de la convention de forfait jours et le versement de diverses sommes (ex : remboursement des heures supplémentaires, dommages-intérêts, etc.).
C’est en ce sens que la Cour de cassation s’est dernièrement prononcée.
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Vous devez régulièrement vous assurer que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
Par principe, ces modalités de suivi sont déterminées par l'accord autorisant le recours au forfait jours.
A défaut, la loi vous impose :
d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées ;
de vous assurer que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
d’organiser une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
Obligation de pointage et de présence minimum : atteintes à la réalité de l’autonomie du salarié
Dans cette affaire, un salarié, alors promu en qualité d’agent de maîtrise, conclut une convention de forfait jours.
Seulement, en vertu d’une disposition du règlement intérieur de son entreprise, il se retrouve soumis à une obligation de pointage lors de son arrivée et pour chaque demi-journée de présence. Celle-ci permettant à l’employeur de relever les heures d’arrivée et de départ du salarié ainsi que son nombre d’heures travaillées. De surcroît, le salarié devait, afin de valider sa journée de travail, assurer six heures de présence minimum dans l’entreprise.
Onze ans plus tard, ce dernier saisit le juge prud’homal. Il sollicite notamment la nullité de sa convention de forfait ainsi que le versement de diverses sommes.
Sa demande est accueillie favorablement par les juges du fond et conduit l’employeur à se pourvoir en cassation. D’après ce dernier, le contrôle exercé sur les temps passés en entreprise n’avait qu’un seul objectif : assurer le suivi régulier de la charge de travail du salarié.
Confirmant la solution retenue par les juges d’appel, la Cour de cassation rejette l’argument de l’employeur.
Et pour cause, cette double obligation, de pointage et de présence, permettait :
de constater l’absence d’autonomie du salarié dans l’organisation de son emploi du temps ;
et donc d’en déduire son inéligibilité au dispositif du forfait jours.
Pour vous accompagner sur la mise en place, le suivi et l’application du forfait jours, les Editions Tissot vous proposent leur documentation « Gérer le personnel ACTIV ».
Cour de cassation, chambre sociale, 7 juin 2023, n° 22-10.196 (la cour d'appel, qui a constaté que le salarié était soumis à une obligation de pointage et qu'une journée de travail, pour être validée, devait comptabiliser six heures de présence dans l'entreprise, a pu en déduire que ce dernier ne disposait pas d'une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps pour être éligible à une convention de forfait en jours)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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