Forfait jours : les dispositions de la convention collective conclues avant la loi travail nécessitent l’accord du salarié !

Publié le 04/11/2019 à 08:15 dans Conventions collectives.

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Depuis plusieurs années, les juges, puis la loi, se sont montrés de plus en plus exigeants sur le sujet de la protection de la santé des salariés en forfait jours. Conséquence : plusieurs dispositions conventionnelles se sont vues invalidées, donnant lieu à des accords de révision. Dans ces conditions, peut-on toujours s'appuyer sur sa convention collective ?

Conventions collectives : le forfait jours dans les HCR, un feuilleton à rebondissements

Un salarié, chef de cuisine au sein d'une société hôtelière, avait saisi les prud'hommes pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Il estimait que la convention de forfait en jours, qu'il avait signée en 2011 sur le fondement des dispositions conventionnelles alors en vigueur (avenant n° 1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l’aménagement du temps de travail dans la convention collective des hôtels, cafés, restaurants) n'était plus valable.

Pour bien comprendre cette affaire, il faut rappeler que la Cour de cassation, avait, à l'occasion d'une précédente décision, invalidé les dispositions conventionnelles en question. Pour la Cour, ces dispositions n’étaient pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail d’un salarié en forfait jours restent raisonnables. Elle en avait déduit que les conventions de forfait jours conclues sur cette base étaient nulles (Cass. soc., 7 juillet 2015, n° 13-26.444). Entre temps, les partenaires sociaux du secteur des HCR s'étaient réunis pour aboutir à un nouvel avenant, signé le 16 décembre 2014 et entré en vigueur à son extension, le 1er avril 2016.

Or, il se trouve que cet avenant avait été conclu peu de temps avant la publication de la loi travail du 8 août 2016. Cette loi avait, pour tenir compte des nouvelles exigences de la Cour de cassation en termes de santé, de sécurité et de suivi de la charge de travail des salariés en forfait jours, imposé un nouveau contenu à la convention ou à l'accord collectif prévoyant la conclusion de conventions en forfait jours.

La loi avait également mis en place un mécanisme de « sécurisation » des forfaits jours existants. Ce mécanisme autorisait la poursuite de ces forfaits jours, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l’accord du salarié, lorsque la convention collective ou l’accord collectif était révisé pour être mis en conformité avec les nouvelles dispositions.

Conventions collectives : le mécanisme de sécurisation des forfaits jours prévu par la loi travail ne s'applique qu'aux révisions postérieures à la loi

Dans cette affaire, l'employeur faisait valoir que l’avenant du 16 décembre 2014 prévoit que ses dispositions « se substituent aux dispositions de l’article 13.2 de l’avenant n° 1 du 13 juillet 2004 ». Dès lors, pour l'employeur, il ne faisait aucun doute que cet avenant s’était, dès le 1er avril 2016, appliqué immédiatement à la convention individuelle de forfait stipulée dans le contrat de travail de l’intéressé.

Mais les juges n'ont pas suivi le raisonnement de l’employeur. Sans contester la validité de ces nouvelles dispositions conventionnelles, ils ont retenu que la société ne pouvait s’en prévaloir du fait que la convention forfait en jours du salarié « avait été précédemment annulée ». Il appartenait donc à l’employeur de soumettre au salarié une nouvelle convention de forfait conforme au nouvel accord.

Concrètement, à défaut d’avoir soumis au salarié une nouvelle convention de forfait en jours après le 1er avril 2016, date de l’entrée en vigueur de l’arrêté d’extension de l’avenant du 16 décembre 2014, l’employeur ne pouvait se prévaloir des dispositions de ce texte pour la période postérieure au 1er avril 2016.

En d'autres termes, le mécanisme de sécurisation des forfaits jours mis en place par la loi travail ne s'applique qu'aux conventions ou accords collectifs de révision conclus postérieurement à celle-ci. Tel n’était pas le cas de l'avenant du 16 décembre 2014, qui ne pouvait donc pas bénéficier de ce mécanisme de sécurisation.

Notez-le
Soulignons qu'aujourd'hui, l'avenant du 16 décembre 2014 ne s'applique plus. Il a été remplacé par un nouvel avenant en date du 7 octobre 2016 (entré en vigueur le 1er avril 2018). Ici, pas d’ambiguïté : dans la mesure où cet avenant était postérieur à la loi travail, il s'est appliqué aux conventions individuelles de forfait jours en cours, sans que l'accord du salarié soit nécessaire.

Pour vous aider au quotidien dans l’application du droit du travail dans les hôtels, cafés, restaurants, téléchargez notre dossier :

Neuf points clés pour gérer le personnel des hôtels, cafés, restaurants

Cour de cassation, chambre sociale, 16 octobre 2019, n° 18-16.539 (si la loi travail met en place un mécanisme de sécurisation des conventions de forfait, sans qu’il y ait besoin de requérir l’accord du salarié, cela s’applique uniquement aux conventions ou accords collectifs conclus postérieurement à cette loi)