Fortes chaleurs : comment y faire face dans le BTP ?

Publié le 21/08/2023 à 07:51, modifié le 22/08/2023 à 16:18 dans Sécurité et santé au travail BTP.

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Des dizaines de départements sont en alerte canicule orange et 4 viennent même de passer en alerte rouge. Dès lors peut-on décaler les horaires de travail d’un salarié pour commencer un chantier plus tôt ? Ou carrément arrêter le chantier et bénéficier d’aides ? Faut-il fournir de l’eau fraîche aux salariés et des abris ? Les EPI doivent-ils être revus ? Une température trop haute peut-elle permettre aux salariés de ne pas venir travailler ? Nous revenons sur les principales questions qui se posent pendant ces fortes chaleurs.

La question de l’eau et des abris

Mettre à la disposition des travailleurs de l'eau potable et fraîche pour la boisson est une obligation.

Pour chaque travailleur sur chantier, vous devez prévoir au moins 3 litres d’eau par jour (Code du travail, art. R. 4534-143).

Vous devez également prévoir un local permettant l’accueil des travailleurs dans des conditions préservant leur sécurité et leur santé. À défaut d’un tel local, des aménagements de chantier sont nécessaires afin de permettre la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans des conditions équivalentes (C. trav., art. R. 4534-142-1).

La gestion des horaires de travail

La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés en cas de fortes chaleurs fait partie des premières recommandations des pouvoirs publics.

L’une des premières choses à faire dans le BTP, c’est d’adapter les horaires. Commencer un chantier très tôt le matin et pouvoir s’interrompre pendant les heures les plus chaudes de la journée est en effet parfois indispensable. Sachez que la modification de l'horaire relève en principe du seul pouvoir de direction de l'employeur et que le salarié ne peut pas la refuser.

Il est également important de réfléchir à réaménager l’activité notamment si elle doit avoir lieu en plein air et comporte une charge physique.

Pendant les heures les plus chaudes, des pauses supplémentaires peuvent aussi être prévues.

Arrêt de chantier et chômage intempéries

Le Code du travail prévoit que le régime intempéries peut être utilisé lorsque les conditions atmosphériques et les inondations rendent dangereux ou impossible l’accomplissement du travail eu égard soit à la santé ou à la sécurité des salariés, soit à la nature ou à la technique du travail à accomplir (C. trav., art. L. 5424-8).

Des lettres ministérielles ont précisé que les conditions climatiques concernées sont le gel, la neige, le verglas, la pluie, le vent ou les inondations.

La canicule n’en fait pas partie. Pourtant elle peut aussi rendre l’accomplissement du travail effectivement dangereux ou impossible eu égard à la santé ou à la sécurité des travailleurs et justifier un arrêt. L’Union des Caisses de France a rappelé, à plusieurs reprises, que pour l’indemnisation, la prise en compte de la canicule peut être étudiée sous certaines conditions.

Ainsi, lorsque l’entreprise a examiné toutes les solutions lui permettant de poursuivre son activité, y compris la modification des horaires de travail, elle peut décider d’arrêter l’activité et faire une demande auprès du régime d’indemnisation du chômage intempéries.

La recevabilité de la demande est examinée au cas par cas par une commission nationale en fonction des conditions climatiques observées au moment de l’arrêt et du niveau d’alerte déclenché par le préfet dans le département où se situe le chantier. Sont susceptibles d’être considérés comme recevables les arrêts déclarés dans une zone déclarée par le préfet en niveau d'alerte 3 (orange) ou 4 (rouge).

Notez que plusieurs départements sont en ce moment en vigilance orange et 4 en vigilance rouge (Rhône, Ardèche, Drôme, Haute-Loire). 15 départements supplémentaires sont passés en vigilance rouge ce mardi à 16 heures. Pendant cette vigilance rouge, le ministère du Travail indique qu’il faut procéder à une réévaluation quotidienne des risques encourus par chacun des salariés en fonction de la température et son évolution en cours de journée, de la nature des travaux et de l’âge et l’état de santé des travailleurs. Selon les résultats de cette réévaluation le travail doit être réaménagé ou les travaux arrêtés.

Température maximale et droit de retrait

Le Code du travail ne prévoit pas de limite haute de température. Il vous impose uniquement, dans des locaux fermés où les salariés sont amenés à travailler, de veiller au renouvellement régulier de l’air, et d’éviter les élévations exagérées de température (C. trav., art. R. 4222-1). Peu importe le moyen utilisé pour rafraîchir l’air (climatisation, brumisateur, ventilateur).

Alors que faut-il entendre par une température exagérée ? L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) considère qu’au-delà de 30 °C pour un salarié sédentaire, et 28°C pour un travail nécessitant une activité physique, la chaleur peut constituer un risque pour les salariés. Et que le travail par fortes chaleurs et notamment au-dessus de 33 °C présente des dangers.

En pratique, si les températures dépassent les 30 °C, la situation doit donc être considérée comme sérieuse.

Attention, lorsque les conditions atmosphériques sont particulièrement difficiles, comme en cas de températures fortes, le salarié peut envisager d’utiliser son droit de retrait.

Il faut pour cela qu’il ait un motif raisonnable de penser qu’il court un danger grave et imminent mettant en péril sa santé et sa sécurité. La preuve du caractère réel et effectif de la gravité du danger n’a pas à être rapportée.

Cela peut arriver si vous n’avez pas mis en place des moyens adaptés pour lutter contre les fortes chaleurs.

En cas de litige, il reviendra aux juges d’apprécier si le salarié avait ou non un motif raisonnable de se retirer.

Le port des EPI

Dans le secteur du BTP, le port des équipements de protection individuelle sur les chantiers est indispensable pour garantir la sécurité des salariés.

Vous ne pouvez pas laisser vos salariés se protéger moins bien, même en période caniculaire.

Ainsi, une casquette ne peut jamais remplacer un casque de chantier, ni des tongs des chaussures de sécurité.

Vous devez également inciter vos salariés à ne pas se mettre torse nu pour se protéger des coups de soleil.

Attention, si vous tolérez des comportements à risque, votre responsabilité peut être engagée.

Par ailleurs, si les salariés doivent jouer le jeu de la sécurité, vous devez aussi essayer d’adapter au maximum la tenue de travail de vos salariés aux fortes chaleurs actuelles. Ainsi, il faut essayer de leur fournir des vêtements de protection clairs, qui permettent l’évacuation de la sueur. Il faut également leur fournir des lunettes de protection teintées pour faire face au soleil.

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social