Généralisation du télétravail : comment définir un poste télétravaillable ?

Publié le 20/11/2020 à 07:47, modifié le 27/11/2020 à 08:33 dans Sécurité et santé au travail.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Vous n’avez pas pu passer à côté de cette information : avec la crise sanitaire, le télétravail doit être mis en place pour l'ensemble des activités qui le permettent. Mais concrètement quels éléments vous permettent de définir si tel ou tel poste est télétravaillable ou non ? Et que risquez-vous si vous prenez une mauvaise décision ?

Poste télétravaillable : des éléments d’aide donnés par le ministère du Travail

Dans la dernière version de son questions-réponses sur le télétravail, le ministère du Travail donne des éléments sur les postes pour lesquels le télétravail peut s’appliquer. En premier lieu, c’est l’accord collectif ou la charte, s’ils existent, qui fixent les critères à remplir pour être éligible au télétravail dans l’entreprise.

A défaut, il s’agira d’identifier concrètement les activités qui peuvent faire l’objet de télétravail et non de réfléchir à partir des « métiers ». Car pour des métiers qui paraissent a priori non « télétravaillables », une partie des activités peut parfois s’effectuer à distance. Le ministère du Travail donne des exemples : renseigner le public, réaliser des enquêtes, faire du support informatique, de la gestion de projet, des achats, réaliser des supports de communication, traiter des dossiers en retard, développer des projets, etc.

En revanche, le télétravail n’est en général pas un mode d’organisation applicable pour les activités attachées à des lieux ou des personnes, qui impliquent de se rendre sur des lieux spécifiques par exemple pour inspecter, nettoyer, installer, réparer ou utiliser des outils et machines ou encore s’occuper de personnes ou d’animaux.

Dans une instruction destinée à l’Inspection du travail, la Direction générale du travail donne aussi l’exemple de fonctions managériales nécessitant une présence minimale sur site pour encadrer des équipes dont les activités ne sont pas réalisables à distance. A l’inverse, vouloir organiser des réunions, même managériales, ne peut justifier de ne pas télétravailler dès lors que ces réunions peuvent facilement être organisées en visio ou audio-conférence.

Le ministère du Travail conseille une méthode en 3 temps pour identifier les activités télétravaillables :

  1. lister les principales activités pour chaque fonction ou métier, en réfléchissant à des activités qui pourraient avoir une valeur ajoutée pour préparer la sortie de crise (mise à jour de procédures et de supports de travail, veille) ;
  2. évaluer les freins ou difficultés éventuelles au télétravail pour chacune de ces activités pour l’entreprise, le client et le télétravailleur (exemples : accès au serveur à distance, qualité du réseau internet, confidentialité des données, relations à préserver avec le client, etc.) ;
  3. identifier si des moyens et conditions peuvent être réunis pour lever ces difficultés (matériel de travail, installation de connexion sécurisée, ouverture de salles de visioconférence, définition de modalités et de plages de disponibilité pour les clients, les collègues et les managers, formation à distance à l’usage de nouveaux outils numériques, etc.).

Bien entendu, pour identifier au mieux ce qu’il est réaliste de faire en télétravail ou non, il est nécessaire d’en discuter avec chaque salarié concerné de façon à bien comprendre son activité.

Si après tous ces efforts, vous concluez que le télétravail n’est pas possible, l’activité peut parfaitement se poursuivre sur site. Mais il est alors primordial de prendre toutes les mesures sanitaires qui s’imposent (port du masque, distanciation, horaires décalés, etc.).

Notez-le
Des difficultés particulières dûment justifiées ou un risque psychosocial particulier peut permettre de revoir le recours au télétravail.

Poste télétravaillable : une définition trop restrictive peut vous mettre en danger

Dans les circonstances exceptionnelles actuelles, vous prenez un vrai risque à limiter le télétravail s’il n’y a aucune raison valable.

La généralisation du télétravail figure aujourd’hui dans le protocole sanitaire national.

Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l'épidémie de Covid-19 (version applicable au 28 février 2022)

Certes, ce document n’est pas une loi mais un simple ensemble de recommandations (voir notre article « Protocole sanitaire : un ensemble de recommandations pour la mise en pratique de l’obligation de sécurité » , pour autant il est certain que ne pas suivre ce document n’est pas sans conséquence.

Vous vous mettez en effet en danger sur le terrain de votre obligation de sécurité qui elle est bien inscrite dans le Code du travail.

Vous devez prendre les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de vos salariés (Code du travail, art. L. 4121-1]. Ces mesures comprennent notamment la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés et doivent tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Les juges apprécient sévèrement cette obligation générale de sécurité.
Autrement dit vous serez forcément en tort si vous n’avez pas pris toutes les mesures nécessaires alors que vous aviez conscience du danger.

Or, en refusant l’accès au télétravail à certains salariés, si ce refus n’est pas totalement légitime, vous prenez un risque.

Imaginez que ce salarié contracte le Covid-19 ? Et quid des autres salariés peut-être eux légitimes à venir sur site mais qui ont été mis en danger par la présence d’un salarié dont la présence n’était pas nécessaire ? Réfléchissez aussi au risque sur la santé mentale : un salarié contraint de venir sur site alors qu’il pourrait exercer son activité à domicile et qui le vit mal (pression, stress).

Le manquement à votre obligation de sécurité peut conduire à la reconnaissance de la faute inexcusable si un accident du travail ou une maladie professionnelle intervient.
Or lorsque le Covid-19 a été contracté par le salarié dans le cadre du travail, le caractère professionnel de l’infection au Coronavirus peut être reconnu.

Rappelons également que la DGT a chargé l’inspection du travail de veiller à la mise en œuvre effective de l’évaluation des risques et à l’adaptation des mesures de prévention qui doivent prévoir le télétravail dès qu’il est possible.

Instruction DGT du 3 novembre 2020

Autant d’éléments qui doivent vous conduire à bien réfléchir avant de refuser le télétravail à un salarié. D’autant plus si ce salarié a pu poursuivre son activité en télétravail au cours du premier confinement sans que son travail soit pour autant dégradé. L’idée n’est pas de faire un télétravail à tout prix mais bien de pouvoir justifier avoir étudié chaque poste de travail et de ne garder en présentiel que les salariés dont la venue est vraiment indispensable.

Vous vous posez des questions sur le télétravail ? Nous vous proposons un dossier spécial pour mettre en place et manager le télétravail.

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social