Grand déplacement BTP : le covoiturage est-il un mode de transport en commun ?
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Déplacement sur chantiers dans le BTP : la possibilité du covoiturage n’exclut pas la qualification de grand déplacement
Pour déterminer si un chantier doit donner lieu à une indemnisation au titre du grand déplacement ou au titre du petit déplacement, il faut d’abord vérifier si le lieu de ce chantier doit entraîner la qualification de grand déplacement. Si ce n’est pas le cas, alors on tombe automatiquement sur la qualification de petit déplacement.
Donc, la notion-clé est la suivante : comment définit-on le grand déplacement ? Dans le BTP, la réponse est apportée par les conventions collectives des ouvriers (article 8-21 dans le Bâtiment et article 8-10 dans les Travaux publics).
« Est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille dans un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit - compte tenu des moyens de transport en commun utilisables - de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu'il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur son bulletin d'embauche ».
Donc, si le salarié travaillant sur chantier ne peut pas effectuer à la fin de sa journée de travail le trajet entre le chantier et son domicile par des moyens de transport en commun, il est en situation de grand déplacement. Peu importe qu’il puisse bien faire ce trajet par un véhicule personnel ou un véhicule de l’entreprise.
Les juges ont eu l’occasion à plusieurs reprises de compléter cette définition du grand déplacement. Par exemple, en indiquant que l’intégralité du trajet entre le chantier et la résidence devait être réalisable en transport en commun, et non seulement une grande partie de ce trajet.
Une récente décision, en date du 15 septembre 2021, est encore venue traiter de la notion de « moyen de transport en commun », notion importante dans cette définition du grand déplacement.
L’affaire reposait sur une interprétation de l’employeur : si le salarié envoyé sur chantier est bien en mesure de rentrer chaque soir en utilisant comme passager le covoiturage, alors la situation est celle du petit déplacement. L’employeur devant verser au salarié des indemnités de trajet et de panier (le cas échéant) mais ne devant pas verser d’indemnités de grand déplacement (couvrant les frais de repas et de nuitée).
Réponse simple donnée par la Cour de cassation : le covoiturage n’est pas qualifiable de transport en commun tel que prévu par les conventions collectives nationales des ouvriers du BTP. Donc, si le salarié ne peut pas utiliser de bus, de métro, de tramway, de ferries, d’avion ou de train pour retourner le soir chez lui, alors le chantier doit être considéré comme en grand déplacement même si la solution du covoiturage est ouverte.
Avis d’expert :
Cette décision est fondamentale sur l’avenir des régimes de grand déplacement et petit déplacement dans le BTP. Car considérer le covoiturage comme un mode de transport en commun aurait comme conséquence la qualification de tous les chantiers en petits déplacements, ou presque. L’essor du covoiturage permet en effet un très grand nombre de trajets entre deux destinations et à des heures pouvant correspondre à la débauche. Le raisonnement de l’employeur était par ailleurs intéressant d’un point de vue juridique car le covoiturage a notamment été assimilé à l’usage d’un transport en commun pour être couvert par le forfait mobilités durables. Forfait visant justement l’indemnisation du trajet entre domicile et lieu de travail. Néanmoins, les juges sont restés sur une interprétation stricte du covoiturage comme un moyen de transport personnel utilisé en commun et non un moyen de transport en commun. Une subtile différence aux grandes conséquences pour les employeurs et salariés du BTP !
Déplacement sur chantiers dans le BTP : un point de référence fixé à la résidence du salarié
Si la Cour de cassation se prononce sur la question du covoiturage dans son arrêt du 15 septembre 2021, elle rappelle aussi au passage des éléments intéressants sur la définition du grand déplacement.
Quel trajet doit être réalisable en transport en commun en fin de journée ? Chantier-siège ou chantier-domicile ? Facile, la réponse est donnée clairement dans les conventions collectives nationales du BTP qui imposent d’observer le trajet chantier-domicile.
Quel domicile ? Celui déclaré par le salarié lors de son embauche et figurant dans son contrat de travail. Là encore, ce sont les conventions collectives nationales qui fournissent la réponse.
Quid lorsque le salarié déménage ? Là, plus d’aide dans les conventions collectives nationales. Mais les juges rappellent qu’il appartient au salarié à tout moment de demander à changer l’adresse de son domicile référencé chez son employeur. Le salarié devant alors fournir des documents justificatifs de son changement de résidence.
Cour de cassation, chambre sociale, 15 septembre 2021, n° 20-14.326 (le covoiturage n’entre pas dans la catégorie des « moyens de transport en commun utilisables » visés par les conventions collectives dans le cadre de la définition des grands déplacements)
Expert en droit du travail et relations sociales, www.didrh.fr
Auteur des documentations SOCIAL BATIMENT, SOCIAL TRAVAUX PUBLICS et RESPONSABLE ET GESTIONNAIRE PAIE BTP pour les Editions Tissot. Formateur en droit du travail auprès des entreprises et des …
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