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Grand déplacement dans le BTP : 2 nouvelles décisions importantes

Publié le 07/11/2018 à 07:50, modifié le 12/11/2018 à 14:08 dans Rémunération BTP.

Temps de lecture : 6 min

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

La notion de grand déplacement et celle de petit déplacement sont difficilement différenciables dans certaines situations concrètes rencontrées par les salariés. Or, qualifier un déplacement en petit ou grand déplacement entraîne des conséquences majeures en matière d’indemnités versées au salarié, de régime social et fiscal de ces indemnités, de décompte du temps de travail, etc. Les juges viennent par plusieurs arrêts d’apporter un éclairage particulier sur le régime du grand déplacement.

Grand déplacement BTP : la distinction avec la notion de petit déplacement

Dans le Bâtiment comme les Travaux Publics, les petits déplacements des ouvriers se définissent comme les déplacements des ouvriers non sédentaires réalisés chaque jour pour se rendre sur le chantier et en revenir, sous réserve que ces déplacements ne soient pas qualifiables de grands déplacements.

Les grands déplacements se définissent eux selon la formule suivante : « est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille sur un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit - compte tenu des moyens de transport en commun utilisables - de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu'il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur sa lettre d'engagement ou qu'il a fait rectifier en produisant les justifications nécessaires de son changement de résidence ».

Exemple de situation problématique : un ouvrier est affecté sur un chantier situé à plus de 50 kilomètres de sa résidence et avec un temps de trajet en transport commun entre le chantier et la résidence de plus d’une heure et demie. L’ouvrier regagne toutefois chaque soir son domicile en utilisant son véhicule personnel.

Petit déplacement ou grand déplacement ? Voilà la question précise posée récemment aux juges. Leur réponse ? Il faut observer si des transports en commun permettant au salarié de regagner chaque soir son domicile existent. Peu importe que le salarié regagne ou non en pratique son domicile chaque soir.

Conseil
Pour les entreprises du Bâtiment appliquant la convention collective nationale des ouvriers du 7 mars 2018, la distinction entre petits et grands déplacements évolue. Pour déterminer si un salarié est en grand déplacement, il faut vérifier la question de l’éloignement du chantier vis-à-vis des moyens de transport en commun (ou des moyens de transport mis à disposition du salarié) et vis-à-vis du risque routier pour le salarié et le fait que le salarié loge sur le lieu du chantier. En effet, la définition du grand déplacement dans la convention collective du 7 mars 2018 implique forcément le fait pour l’ouvrier de loger sur place, donc sur le lieu ou à proximité immédiate du chantier. Donc la récente décision des juges ne s’applique qu’aux entreprises des Travaux Publics et aux entreprises du Bâtiment n’appliquant pas la convention collective du 7 mars 2018.

Grand déplacement BTP : l’obligation ou la dispense de justification des dépenses

Dès lors qu’un ouvrier est bien en situation de grand déplacement, il peut prétendre au versement d’indemnités de grand déplacement.

Une question simple : l’employeur doit-il verser ces indemnités de grand déplacement si l’ouvrier regagne chaque soir son domicile et ne reste donc pas dormir sur le lieu du grand déplacement, ce qui par définition le prive de toute possibilité de justifier de dépenses supplémentaires de logement auprès de l’employeur ?

Les juges répondent par la positive. L’ouvrier dispose bien du droit au paiement de ces indemnités, peu importe le lieu où il dort. Par conséquent, un employeur ne peut conditionner le versement d’indemnités de grand déplacement à la production par l’ouvrier de justificatifs des dépenses réelles engagées au titre du repas du soir et de la nuitée. Pour les entreprises du Bâtiment appliquant la convention collective nationale des ouvriers du 7 mars 2018, le lieu doit être à proximité du chantier. Mais l’employeur n’a toujours pas à demander la production de justificatif des dépenses réelles pour verser l’indemnité forfaitaire de grand déplacement.

Une autre interrogation existe fréquemment dans les entreprises du BTP. Quand doivent-être versées les indemnités de grand déplacement ? Sont-elles dues pour le jour où le salarié quitte le chantier pour revenir à son domicile en fin de semaine ?

Les juges viennent distinguer deux types de jours de travail : les jours classiques où le salarié travaille sur le chantier en grand déplacement et va continuer à être à la disposition de son employeur le lendemain et les jours de voyage périodique où le salarié travaille sur le chantier en grand déplacement puis rentre en fin de journée à son domicile sans être le lendemain à la disposition de l’entreprise.

Dans le premier cas de figure, les indemnités de grand déplacement sont bien dues. Dans le second cas, l’ouvrier ne peut prétendre qu’au remboursement des frais de logement s’il conserve pendant son voyage périodique le logement qu’il occupe pendant les jours de travail. En précisant que ce remboursement n’est obligatoire pour l’employeur que sous réserve de la production par l’ouvrier d’un justificatif des dépenses effectives au titre de cette conservation du logement. Cette réponse donnée par les juges est applicable dans toutes les entreprises du BTP, peu importe la convention collective appliquée.

Attention
Les juges ont aussi été interpellés sur la question du traitement du dimanche non travaillé lorsque le salarié doit prendre son poste le lundi matin sur un chantier en grand déplacement. Les juges ont une position stricte : si le salarié est à la disposition de l’employeur sur le dimanche, alors il doit recevoir des indemnités de grand déplacement. A défaut, aucune indemnité n’est due. Dans la pratique, il faut donc vérifier si l’employeur exige la présence du salarié sur le lieu du chantier le dimanche soir. Si tel n’est pas le cas, aucune indemnité n’est à verser. Par contre, cela signifie que le salarié peut accomplir le trajet pour se rendre sur le lieu du chantier le lundi matin, avec les éventuelles conséquences sur le versement d’indemnité de trajet, sur le temps effectif de travail et sur les risques d’accident de travail.

Vous voulez en savoir plus sur les nouvelles conventions collectives des ouvriers du Bâtiment ? Les Editions Tissot vous proposent une synthèse et le texte des conventions.

En savoir plus sur ce dossier complet

Cour de cassation, chambre sociale, 10 octobre 2018, n° 17-19.720 (peu importe que le salarié ait regagné tous les soirs son domicile, il faut observer s’il existe des moyens de transports permettant au salarié de rejoindre son domicile tous les soirs pour définir si cela est un grand déplacement)
Cour de cassation, chambre sociale, 10 octobre 2018, n° 17-15.494 (l'indemnité de grand déplacement est obligatoire pour tous les jours de la semaine pendant lesquels l'ouvrier reste à la disposition de son employeur sur les lieux de travail. Pendant la durée des voyages périodiques, seuls les frais de logement dans la localité continuent à être remboursés, sous réserve de justification d'une dépense effective)

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Olivier Castell

Expert en droit du travail et relations sociales, www.didrh.fr

Auteur des documentations SOCIAL BATIMENT, SOCIAL TRAVAUX PUBLICS et RESPONSABLE ET GESTIONNAIRE PAIE BTP pour les Editions Tissot. Formateur en droit du travail auprès des entreprises et des …