Harcèlement moral : à qui appartient la charge de la preuve ?
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Si l’un de vos salariés est victime de harcèlement moral, il peut saisir les juges pour obtenir réparation du préjudice subi et éventuellement l’annulation des mesures, constitutives du harcèlement, qui auraient été prises à son égard. Les textes prévoient un mécanisme de preuve en deux temps, avec un allègement de ce qui est attendu du salarié par rapport à d’autres actions en justice. Illustration avec le cas d’un ouvrier ayant émis des alertes sur les conditions de travail, le manque de sécurité et d’équipement et qui relève avoir fait l’objet de plusieurs mesures injustifiées.
Harcèlement moral : un aménagement de la charge de la preuve
Le salarié qui invoque devant les tribunaux des faits de harcèlement moral se trouve bien souvent en situation de faiblesse et éprouve des difficultés pour fournir des éléments de preuve, d’autant plus qu’il ne fait plus partie de la société dans la majorité des cas.
Le Code de travail prévoit à ce titre un aménagement de la charge de la preuve :
- le salarié doit simplement présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement ;
- l’employeur doit ensuite prouver que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Par opposition aux règles de preuve de droit commun, c’est ici à chacune des parties d’apporter des éléments pour démontrer ou non l’existence de harcèlement moral, et la charge laissée au salarié est allégée. Aussi, selon la jurisprudence, l’existence d’un préjudice subi par le salarié ne peut être qu’hypothétique : cela sera considéré comme suffisant pour faire présumer l’existence d’un harcèlement.
La Cour de cassation a récemment été confrontée à ce type de problématique.
Harcèlement moral : l’examen par les juges de l’ensemble des éléments apportés
Dans l’affaire soumise à la Cour, un ouvrier professionnel, également représentant du personnel, invoque devant les juges des faits de harcèlement moral. Il indique notamment avoir émis des alertes sur les conditions de travail, le manque de sécurité et d’équipement et relève avoir fait l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires injustifiées, qui ont par la suite été annulées, un maintien durant 15 ans au même niveau professionnel, des conditions de travail l’amenant à travailler seul alors qu’il était chef d’équipe, un retrait de son véhicule de fonction et de son téléphone professionnel : l’ensemble de ces faits a, selon lui, entrainé une dégradation de son état de santé engendrant plusieurs arrêts de travail.
La Cour de cassation rappelle qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel. S’il y a litige à ce sujet, il appartient au salarié d’établir les faits qui permettent de présumer l’existence de harcèlement moral et à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement, en apportant des éléments objectifs démontrant que sa décision est étrangère à tout harcèlement.
La cour d’appel a considéré que les éléments fournis par le salarié font présumer un harcèlement moral. Elle relève toutefois que l’employeur justifie avoir donné accès au salarié à des formations en matière de sécurité et une baisse du taux de cotisation d’accident du travail. Selon elle, l’employeur a également démontré que le salarié avait été affecté à un atelier moyenne/haute tension qui ne justifiait plus d’utiliser le véhicule de fonction et le téléphone portable, et qu’il travaillait avec trois autres salariés. Aussi, elle relève que les arrêts de travail n’expliquent pas l’origine du syndrome anxio-dépressif. Au regard de l’ensemble de ces éléments, les juges du fond considèrent que le harcèlement moral ne peut être retenu.
La Haute juridiction n’est toutefois pas de cet avis et estime que les éléments fournis ne prouvent pas que les faits établis par le salarié étaient justifiés par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement moral.
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Cour de cassation, chambre sociale, 28 septembre 2022, n° 20-21.890 (lorsque survient un litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement)
Juriste droit social en cabinet d'expertise comptable
Master 2 Droit social interne, européen et international - Université de Strasbourg
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