Heures de travail impayées : attention au cas des salariés qui doivent se rendre au siège de l’entreprise

Publié le 18/04/2023 à 06:44 dans Temps de travail BTP.

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Un salarié tenu de passer au siège de l’entreprise avant d’être envoyé sur un chantier est considéré comme accomplissant du temps de travail effectif. Il peut réclamer le paiement des heures effectuées. Illustration avec le cas d’un salarié qui demandait le paiement d’heures effectuées tous les lundis matins entre 5h30 et 9 heures lorsqu’il se rendait au siège de l'entreprise pour être pris en charge par le chef d'équipe.

Temps de trajet et travail effectif : quelques rappels

Si le temps de trajet ne constitue, par principe, pas du temps de travail effectif, il en va parfois autrement.

Cela correspond à la situation d’un salarié amené à se déplacer sur chantier chaque jour mais devant systématiquement passer par le siège ou un établissement de l’entreprise avant de rendre sur le chantier.

Dans ce cas, la partie du temps de trajet entre le domicile et le siège n'est pas du temps de travail effectif. Par contre, dès l'arrivée au siège, le salarié doit être considéré comme étant en train d'accomplir du travail effectif. Car, à partir de là, le salarié est à la disposition de l'employeur : il exécute une mission suite à sa directive.

Dès lors, pour le temps de trajet réalisé entre le siège ou l’établissement et le chantier, le salarié est considéré comme accomplissant du temps de travail effectif. Cette qualification de temps de travail effectif est liée à l’obligation faite au salarié de passer par le siège ou l’établissement.

Ce temps est rémunéré au salarié au taux normal et entre dans le décompte pour la détermination des heures supplémentaires et des durées maximales de travail.

Attention, vos salariés ont la possibilité de demander un rappel de temps de travail effectif au titre de tels trajets comme l’illustre une affaire récente.

Possibilité pour le salarié de réclamer des heures impayées

Dans cette affaire, le salarié devait nécessairement se rendre au siège de l'entreprise pour être pris en charge par le chef d'équipe et être véhiculé sur les différents chantiers auxquels il était affecté.

Il indique avoir travaillé 47 lundis par an et n’a pas été rémunéré pour les horaires effectués ces lundis entre 5 heures 30 et 9 heures. Il réclame 167 heures 50 par an majorées de 25 % au titre des heures supplémentaires.

En l’espèce la cour d’appel a rejeté la demande du salarié malgré le fait qu’il n’était pas contesté que le salarié devait obligatoirement se rendre sur le chantier.

Pour elle, le calcul basé sur une durée mensuelle théorique est insuffisant pour étayer une demande de rappel d'heures supplémentaire. De plus, le salarié ne produit aucune précision sur les chantiers réalisés et leur situation géographique permettant à l'employeur d'apporter des éléments sur le temps de trajet revendiqué.

Elle en déduit que le salarié n'étaye pas suffisamment sa demande d'heures supplémentaires.

Mais c’était oublier que la charge de la preuve est partagée en matière d’heures de travail accomplies.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies :

  1. le salarié doit présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies ;
  2. l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, doit y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;
  3. le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Ici les éléments étaient bien assez précis.


Cour de cassation, chambre sociale, 29 mars 2023, n° 21-13.628 (en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments)

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social