Inaptitude du salarié : qu’est-ce que je risque si je ne reprends pas le paiement du salaire au bout d’un mois ?

Publié le 20/02/2017 à 07:46, modifié le 09/12/2020 à 10:19 dans Rémunération.

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D’une déclaration d’inaptitude par le médecin du travail, découle de nombreuses obligations pour l’employeur, telles que, sous certaines conditions, une recherche active d’un reclassement ou la reprise du paiement du salaire au bout d’un mois. Que risquez-vous si vous restez totalement inactif et que vous ne reprenez pas le versement de la rémunération de votre salarié ?
Un de mes salariés a été victime d’un accident du travail à compter duquel il n’a pas repris son activité. Il a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail. Je n’ai pas rompu son contrat de travail suite à cette déclaration. Je n’ai jamais repris le paiement de sa rémunération, mon collaborateur n’ayant jamais repris le travail. Plusieurs années se sont écoulées et il réclame devant les juges, la résiliation judiciaire de son contrat de travail, ainsi que le paiement de son salaire. Qu’est-ce que je risque ?


Vous devez impérativement savoir que, confronté à l’inaptitude médicalement constatée par le médecin du travail, et lorsque à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical, vous n’avez pas reclassé ou licencié votre salarié, vous êtes tenu de lui verser, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension de son contrat de travail (Code du travail, art. L. 1226–11).

Quels risques prenez-vous si, au terme du délai d’un mois, vous n’avez ni reclassé ni licencié votre salarié et que vous n’avez pas repris le paiement du salaire ?

La Cour de cassation a récemment estimé que l’employeur qui n’avait pas recherché de poste de reclassement ni repris le versement du salaire un mois après la déclaration d’inaptitude, commet des manquements graves rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 19 octobre 2016, n° 14–23828 (pdf | 9 p. | 104 Ko)

De ce fait, si vous êtes confronté à une telle situation, votre salarié peut solliciter la résiliation judiciaire de son contrat (rupture du contrat à vos torts) et obtenir gain de cause. Alors, la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou nul si votre collaborateur est un salarié protégé) et vous devez verser au salarié :

  • une indemnité de licenciement (doublée s’agissant d’un accident du travail) ;
  • une indemnité compensatrice de congés payés et de préavis ;
  • une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou nul si votre salarié est un salarié protégé).

Ce n’est pas tout ! Votre salarié peut également solliciter le paiement d’un rappel de salaire si vous n’avez pas repris le versement de sa rémunération au terme du délai d’un mois susmentionné, et ce, même si la demande de ce salarié intervient plusieurs années après.

Dans l’affaire portée devant la Haute Cour, l’employeur estimait qu’il ne pouvait pas être condamné sur plusieurs années en raison de l’attitude de son salarié, qui n’avait pas réagi à l’absence de reprise du paiement du salaire. Cet argumentaire est rejeté par les Hauts juges, qui rappellent qu’à défaut d’avoir reclassé ou licencié le salarié déclaré physiquement inapte par la médecine du travail, l’employeur doit impérativement reprendre le paiement de la rémunération au terme d’une période d’un mois suite à la déclaration définitive d’inaptitude. L’employeur est donc condamné au paiement de tous les salaires de la période écoulée depuis la déclaration d’inaptitude.

Dans cette affaire, le salarié ayant saisi la justice plusieurs années plus tard, l’employeur a été condamné au paiement des sommes suivantes :

  • 54 445 euros à titre d’indemnité spéciale de licenciement ;
  • 30 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail ;
  • 121 675 euros à titre de rappels de salaire (54,5 mois de salaire) ;
  • 12 167 euros au titre des congés payés afférents et
  • 4465 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis.

L’employeur a donc dû verser la somme totale de 222 752 euros au salarié.

Face à l’inaptitude d’un salarié, vous devez donc agir rapidement et respecter la procédure adéquate à la lettre (recherche de reclassement, licenciement pour impossibilité de reclassement si tel est le cas, reprise du paiement du salaire au bout d’un mois si le salarié n’est pas encore reclassé ou licencié). Si tel n’est pas le cas, l’addition peut s’avérer fort salée.

Pour plus de précision sur vos obligations suite à un avis d’inaptitude, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Schémas commentés en santé et sécurité au travail ».


Carole Anzil, juriste en droit social

Cour de cassation, chambre sociale, 19 octobre 2016, n° 14–23.828 (à l’issue du délai d’un mois après la visite médicale de reprise, l’employeur, en l’absence de reclassement ou de licenciement du salarié inapte, doit reprendre le versement du salaire même si le salarié ne réagit que plusieurs années après)