Indemnité de grand déplacement : son versement est-il obligatoire pour des chantiers à moins de 50 kilomètres ?

Publié le 10/12/2014 à 07:43, modifié le 11/07/2017 à 18:26 dans Rémunération BTP.

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Un ouvrier des Travaux Publics est envoyé sur un chantier situé à 23 kilomètres de son établissement de rattachement. L’employeur lui verse des indemnités de petit déplacement. Surprise : les juges exigent de l’employeur le versement d’indemnités de grand déplacement (IGD). Quelle est la justification de cette décision surprenante de la Cour de cassation et quelles conséquences pour votre entreprise ?

Dans cette affaire jugée le 13 novembre 2014, un ouvrier travaillant dans une entreprise des Travaux publics se déplace sur plusieurs chantiers. Tous les chantiers se trouvent à moins de 50 kilomètres du siège de l’entreprise. L’employeur indemnise les salariés des frais liés à ces déplacements par le versement d’indemnités de petits déplacements (panier, transport, trajet), en application des articles 8.1 et suivants de la convention collective nationale des ouvriers de Travaux Publics.

Cependant, l’ouvrier en question attaque en justice son employeur en revendiquant le bénéfice du versement d’une indemnité de grand déplacement (IGD). Son argument est que la localisation des chantiers ne permettait pas de revenir chaque soir du chantier à son domicile et de repartir le matin par le biais des transports en commun.

Notez-le
Le choix entre indemnités de petits déplacements et IGD influe directement sur la rémunération à percevoir par les salariés. Cela impacte également les cotisations sociales à payer. Attention, un salarié ne peut percevoir pour un même déplacement des IGD et des indemnités de petits déplacements.

Indemnité de grand déplacement : la position des juges

Dans la décision rendue par la Cour de cassation, les juges précisent la situation dans laquelle un salarié doit être considéré comme en grand déplacement. « Est réputé en grand déplacement l’ouvrier qui travaille dans un chantier métropolitain dont l’éloignement lui interdit, compte tenu des moyens de transport en commun utilisables, de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu’il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur son bulletin d’embauche ».

Cour de cassation, chambre sociale, 13 novembre 2014, n° 13–12118 (pdf | 9 p. | 72 Ko)

Le litige est alors tranché en faveur du salarié en jugeant que la seule impossibilité de se rendre sur le chantier chaque jour par les transports en commun entraîne la mise en œuvre obligatoire du régime des grands déplacements.

Notez-le
Dans cette affaire, un accord d’entreprise liait la perception d’indemnités de grands déplacements à la preuve par le salarié de l’utilisation d’un second logement à proximité du chantier. Les juges déclarent cet accord d’entreprise sans effet car la loi, comme la convention collective, n’impose pas au salarié de fournir une telle preuve. Le régime du grand déplacement doit être appliqué dès lors que le salarié n’est pas en mesure de regagner sa résidence chaque soir, sans qu’il soit obligé de prouver qu’il utilise un second logement.

Indemnité de grand déplacement : de nouveaux risques juridiques pour l’employeur ?

La position des juges dans l’arrêt visé soulève de nombreuses interrogations pour les entreprises du BTP, les règles étant ici identiques dans le Bâtiment, comme dans les Travaux publics.

La définition donnée du grand déplacement n’évoque pas la référence des 50 kilomètres utilisée pour le calcul du versement des indemnités de petits déplacements. Cela n’est pas nouveau, un salarié pouvant être en situation de petit déplacement même sur un chantier de plus de 50 kilomètres s’il est en mesure de regagner chaque soir sa résidence. Et, à l’opposé, le salarié qui doit rester le soir dormir à proximité d’un chantier situé à 40 kilomètres du siège doit percevoir des IGD.

Mais le point posant difficulté est la notion de retour journalier au domicile. Si le salarié retourne par ses propres moyens au domicile, alors même que la localisation du chantier ne lui aurait pas permis de le faire par des transports en commun, peut-il bénéficier des IGD ? Jusqu’à cette récente décision de la Cour de cassation, la réponse était qu’en l’absence de découchage, l’employeur n’était contraint que d’appliquer le régime des petits déplacements. Aujourd’hui, la position rendue par les juges semble conduire à appliquer le régime des IGD.

Notez-le
L’analyse de l’arrêt semble donner néanmoins la possibilité aux employeurs de continuer à appliquer le régime des petits déplacements s’ils sont en mesure de prouver que le salarié a bien regagné son domicile. Mais cette preuve se révèle difficile, sauf lorsque le salarié est amené et ramené du chantier par un ramassage organisé par l’entreprise.


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Olivier CASTELL
didrh.overblog.com

Cour de cassation, chambre sociale, 13 novembre 2014, n° 13–12118 (est réputé en grand déplacement l’ouvrier qui travaille dans un chantier métropolitain dont l’éloignement lui interdit – compte tenu des moyens de transport en commun utilisables – de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu’il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur son bulletin d’embauche)