J’ai licencié un salarié car il m’a attaqué en justice : qu’est-ce que je risque vraiment ?

Publié le 14/11/2016 à 07:20, modifié le 08/12/2020 à 10:17 dans Licenciement.

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Vous venez de faire une très désagréable expérience : vous avez reçu une convocation au tribunal car un salarié a saisi la juridiction prud’homale à votre encontre. En réaction, vous souhaitez vous séparer de ce collaborateur en le licenciant. Nous vous expliquons pourquoi opter pour un licenciement est une très mauvaise idée.
Je viens de recevoir un courrier du conseil de prud’hommes : l’un de mes salariés m’attaque en justice. Je souhaite, en retour, le licencier. Quelles sont les conséquences pour mon entreprise si je licencie ce salarié pour avoir saisi les juges ?

Licenciement : une action en justice en rapport avec l’égalité professionnelle ou une discrimination

Lorsque l’un de vos salariés intente une action contre vous devant les juges, vous pouvez être tenté de le punir en le licenciant. C’est une très mauvaise idée ! Vous devez tout de suite l’oublier car le licenciement prononcé serait considéré comme étant nul. Vous portez atteinte à une liberté fondamentale de votre salarié : le droit d’agir en justice.

Le Code du travail est formel, vous ne pouvez en aucun cas licencier un salarié au seul motif que celui-ci a intenté une action judiciaire contre vous :

  • sur le fondement des dispositions relatives à l’égalité professionnelle (Code du travail, art. L. 1144–3) ;
  • ou dans le cadre de la lutte contre les discriminations,

dès lors qu’il est établi que le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise en raison de cette action en justice.

Licenciement : qu’en est-il lorsque l’action en justice n’a aucun rapport avec l’égalité professionnelle ou une discrimination ?

Si le Code du travail n’envisage pas le principe de protection de l’action en justice du salarié dans sa globalité, la Cour de cassation le fait et protège désormais grandement ce droit du salarié.

En effet, en février 2013, les Hauts magistrats ont reconnu que le droit d’agir en justice constitue une liberté fondamentale.

De ce fait, si un employeur licencie un salarié en représailles à une action en justice et que celui-ci ne peut établir que sa décision de licencier est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice du droit d’agir en justice, alors le licenciement prononcé est nul.

Les Hauts juges ont récemment eu l’occasion de réaffirmer cette règle et de juger que le fait pour un employeur d’utiliser son pouvoir de licencier en rétorsion à l’action en justice introduite par un salarié porte atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice. Le licenciement intervenu est donc nul.

Cour de cassation, chambre sociale, 21 septembre 2016, n° 15–10.263 (pdf | 6 p. | 73 Ko)

Dans un tel cas, la réintégration est de droit et le salarié est considéré comme n’ayant jamais cessé d’occuper son emploi. Si le salarié refuse de poursuivre l’exécution du contrat de travail, vous serez condamné à lui verser :

  • une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des 6 derniers mois ;
  • une indemnité correspondant à l’indemnité de licenciement (la plus favorable de l’indemnité légale, conventionnelle ou contractuelle de licenciement).

Licencier votre salarié car il a introduit une action devant les conseillers prud’homaux peut donc vous coûter très cher.

Bien entendu, si vous disposez d’une cause réelle et sérieuse, étrangère à toute volonté de sanctionner l’action en justice, vous pouvez prendre la décision de licencier votre salarié. Toutefois, ne mentionnez en aucun cas l’action en justice dans la lettre de licenciement.

Pour plus de jurisprudence sur le licenciement, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Droit du travail et sa jurisprudence commentée ».


Carole Anzil, juriste en droit social

Cour de cassation, chambre sociale, 21 septembre 2016, n°15–10.263 (le licenciement en rétorsion à une action en justice introduite par le salarié est nul)