La délégation de pouvoirs, ou comment partager les responsabilités
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Déléguer une partie de vos prérogatives à un salarié mieux à même de connaître et d’appliquer les obligations qui doivent être respectées est une mesure de gestion saine lorsqu’une entreprise se développe.
Par cette délégation, vous allez également vous protéger, car le salarié qui va exercer une partie de vos pouvoirs va devenir, sous certaines conditions, responsable pénalement des actions qu’il va mettre en œuvre.
Pour que la délégation de pouvoirs soit valable, vous devez respecter certaines étapes et des conditions strictes.
Identifier les domaines que vous pouvez déléguer
Hygiène et sécurité
La délégation de pouvoirs est le plus souvent utilisée en matière d’hygiène et de sécurité, où la réglementation est complexe et peut, en cas d’inobservation, entraîner des accidents du travail et engager la responsabilité pénale de l’employeur.
Dans ce domaine, les tribunaux considèrent que l’employeur commet une faute s’il ne la prévoit pas dès lors qu’il ne peut plus (du fait notamment de la taille de son entreprise) assurer lui-même l’application de la réglementation.
Gestion du personnel
Dans le BTP, la délégation de pouvoirs est utilisée fréquemment en matière de gestion du personnel, gestion administrative, commercialisation, transports, environnement et, d’une manière générale, dans tous les domaines où la responsabilité pénale du chef d’entreprise peut être engagée.
Concernant la gestion du personnel, elle peut être prévue pour assurer le respect de la législation en matière de durée du travail, d’embauches, de procédures de licenciement, d’organisation des élections professionnelles, etc.
Relation avec les instances représentatives du personnel
Les réunions avec les représentants du personnel peuvent faire l’objet d’une délégation.
Mais attention : vous ne pouvez pas désigner un salarié qui ne ferait qu’enregistrer les questions des représentants du personnel pour vous les transmettre.
En effet, cette manière de procéder porte atteinte au bon fonctionnement des institutions représentatives du personnel et constitue un délit d’entrave.
De fait, la délégation peut concerner tous les secteurs de votre entreprise, à condition toutefois qu’elle ait une taille ou une complexité d’organisation significative.
Ainsi, les délégations que vous mettrez en place seront considérées par les juges comme un moyen d’échapper à vos responsabilités et, de ce fait, deviendront sans effet en cas de litige :
- si votre entreprise est de taille modeste ;
- si vous avez une connaissance immédiate des évènements qui surviennent ;
- si vous pouvez veiller vous-même à l’application de la réglementation.
Il n’existe aucun seuil minimal (en effectif, chiffre d’affaires, masse salariale, etc.) à partir duquel vous pouvez mettre valablement en place une délégation.
Il n’y a pas de règles préétablies en la matière et les juges sont souverains dans leur appréciation.
Ils examinent la validité de la délégation au cas par cas et retiendront comme principaux critères :
- la nature de votre activité ;
- la complexité de votre organisation ;
- l’existence d’un ou plusieurs établissements ou chantiers et leur éloignement ;
- le nombre de salariés ;
- etc.
S’assurer que le salarié retenu peut bien être délégataire
Pour pouvoir recevoir une délégation de pouvoirs, le délégataire doit :
- être salarié de votre entreprise ;
- être placé dans une situation de subordination à votre égard.
Vous devez ensuite vérifier si son contrat de travail prévoit la possibilité d’une délégation. Si tel n’est pas le cas, vous devrez convenir avec lui la possibilité d’y ajouter un avenant.
Vous pouvez déléguer à tous les niveaux de votre hiérarchie sous les conditions cumulatives suivantes :
- le délégataire doit avoir les compétences nécessaires ;
- il doit avoir une autorité suffisante ;
- il doit avoir les moyens pour mener à bien sa mission.
Rédiger une clause de délégation de pouvoirs
La délégation de pouvoirs doit être certaine. Elle doit résulter d’éléments clairs et précis et le délégataire doit apparaître clairement comme tel dans l’entreprise.
Les tribunaux n’exigent pas l’existence d’un écrit. La délégation peut être orale et même implicite. Cependant, pour des raisons évidentes de preuve, il est fortement conseillé qu’elle soit écrite, par le biais d’une clause spécifique dans le contrat de travail dès l’embauche, ou d’un avenant au contrat de travail.
Pour vous aider dans la rédaction de cette clause ou de cet avenant, nous vous proposons un exemple de délégation de pouvoirs applicable à un chef de chantier :
Elle doit être limitée dans son étendue (secteur d’activité, mission déterminée, service). Selon les tribunaux, une délégation ne peut pas régulièrement être consentie lorsqu’elle provoque un abandon complet des responsabilités du dirigeant.
Elle doit avoir une durée suffisante. Les juges ne fixent pas de durée minimale, mais l’exercice des fonctions du délégataire doit être suffisamment stable pour que les manquements lui soient imputables.
Elle doit être antérieure aux manquements commis.
Le délégataire doit avoir accepté implicitement ou explicitement la délégation. En tout état de cause, il ne doit pas l’avoir formellement refusée.
Connaître les effets de la délégation et ses limites
En tant que chef d’entreprise, vous êtes personnellement responsable des infractions commises par vos salariés ou par vous-même.
Transfert de votre responsabilité pénale en tant que personne physique
La délégation de pouvoirs vous permet, en cas d’infraction, d’écarter votre responsabilité pénale, qui est transférée à votre délégataire. Le délégataire devient responsable pénalement du respect des prescriptions dans le ou les domaines délégués.
Toutefois, ce principe n’est pas absolu, il comporte des limites.
Lorsque vous prenez une décision nécessitant la consultation préalable du CHSCT ou des délégués du personnel, vous devez vous assurer, en cas de délégation de la présidence du CHSCT (s’il existe) ou des réunions des délégués du personnel, que votre délégataire a bien rempli sa mission de consultation dans les domaines prévues par le Code du travail. A défaut, vous serez conjointement responsable de délit d’entrave.
Votre responsabilité pénale peut être engagée :
- si vous n’intervenez pas pour mettre fin aux agissements de votre délégataire alors que vous étiez informé que ce dernier allait commettre une infraction ;
- si vous avez commis une négligence ou une imprudence ayant permis la réalisation de l’infraction, notamment par une mauvaise organisation de l’entreprise. Les juges ont considéré notamment que le fait de ne pas mettre fin à une délégation confiée à un délégataire notoirement incompétent constituait une négligence engageant la responsabilité pénale du chef d’entreprise ;
- si vous avez participé de près ou de loin à l’infraction.
Pour que la délégation de pouvoirs joue son rôle exonératoire, aucune faute personnelle ne doit pouvoir vous être reprochée.
Maintien de votre responsabilité civile
Votre responsabilité civile peut toujours être engagée en raison des actes commis par un de vos salariés.
En effet, selon le Code civil, vous répondez des faits commis par vos salariés dans l’exercice de leurs fonctions, peu importe le fait que, par le jeu d’une délégation de pouvoirs, le salarié soit pénalement responsable.
L’action en responsabilité civile est ouverte à toute victime pour assurer la réparation d’un préjudice qu’elle a subi.
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