Le non-respect des recommandations du médecin du travail peut constituer un fait de harcèlement moral
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L’aptitude avec réserves : définition
Dans cette situation, le médecin de travail estime que le salarié est apte à reprendre son poste de travail initial mais émet des réserves : interdiction de port de charges lourdes, de situation prolongée en station debout, restrictions de certains horaires, etc.
Vous êtes alors tenu de vous conformer aux prescriptions médicales en adaptant et en aménageant le poste du salarié pour permettre une bonne adéquation entre ses fonctions et son état de santé.
C’est la position de la Cour de cassation qui prévoit que l’avis du médecin du travail sur l’aptitude du salarié à occuper un poste de travail s’impose aux parties et qu’il n’appartient pas aux juges du fond de substituer leur appréciation à celle du médecin du travail. En cas de difficulté ou de désaccord sur la portée de l’avis d’aptitude délivré par le médecin du travail, votre salarié et vous pouvez exercer un recours devant l’inspecteur du travail (Code du travail, art. L. 4624–1).
Cette situation pourra en pratique vous conduire à envisager le reclassement du salarié, s’il s’avérait impossible d’adapter son poste initial (incompatibilités des prescriptions avec le poste d’origine par exemple).
L’aptitude avec réserves peut s’avérer complexe et requiert de votre part de prendre de nombreuses précautions : il vous est recommandé d’échanger au maximum avec le médecin du travail qui vous apportera son aide et au besoin, contester l’avis devant le médecin inspecteur du travail.
Pour toutes vos questions liées à l’aptitude ou l’inaptitude d’un salarié, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Gestion pratique du personnel et des rémunérations du BTP ».
Les conséquences du non-respect des prescriptions médicales
Dans l’affaire jugée, la salariée d’une société de peinture avait été déclarée apte à la reprise de son poste avec interdiction de porter des poids excessifs, notamment supérieurs à 17 kg.
Or, lors de sa reprise, il s’avérait que cette dernière était contrainte de porter des charges excessives, de manière récurrente et malgré les recommandations médicales.
La salariée avait alors pris acte de la rupture de son contrat de travail, aux torts de l’employeur et soulevait également un fait de harcèlement moral résultant du refus réitéré de son employeur d’adapter son poste de travail.
La Cour de cassation donne raison à la salariée en indiquant que le poste de travail de cette salariée ayant comporté, de manière habituelle, un port de charges d’un poids excessif, contraire aux préconisations du médecin du travail, de sorte que l’employeur avait gravement nui à la santé de l’intéressée.
Elle valide ainsi les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux torts de l’employeur, mais pas seulement.
En effet, la Cour sanctionne doublement cet employeur en reconnaissant un fait de harcèlement moral. Ayant préalablement confirmé que l’employeur avait nui à la santé de la salariée, c’est tout naturellement qu’elle poursuit son raisonnement en précisant que « l’attitude réitérée de l’employeur ayant entraîné la dégradation des conditions de travail de la salariée par le refus d’adapter son poste de travail et le fait de lui confier de manière habituelle une tâche dépassant ses capacités, mettait en jeu sa santé, la caractérisé un harcèlement moral ».
Cette décision sévère est juridiquement liée à l’obligation de sécurité de résultat pesant sur l’employeur. En effet, sur ce fondement, vous êtes garant de la santé physique et mentale de vos salariés. Dès lors que ce résultat n’est pas atteint, votre responsabilité est engagée.
Charlène Martin
Cour de cassation, chambre sociale, 7 janvier 2015, n° 13–17602 (le refus réitéré d’appliquer les préconisations du médecin du travail concernant une salariée apte avec réserves peut constituer un harcèlement moral)
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