Le non-respect d’une procédure conventionnelle après le licenciement invalide-t-il ce dernier ?

Publié le 22/08/2022 à 11:00 dans Conventions collectives.

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Une convention collective peut permettre à un salarié de saisir, après son licenciement, une commission, qui rend un avis sur le caractère sérieux ou non de la faute. L'employeur doit veiller à informer le salarié de cette faculté. Mais lorsqu'il a omis cette information, quelle incidence sur le licenciement prononcé ?

Quand la convention collective permet au salarié de saisir un organisme consultatif après son licenciement

Un cadre commercial au sein d'une société financière avait été licencié pour faute lourde début 2016. Il avait saisi les prud'hommes, estimant que son employeur n'avait pas respecté la procédure de licenciement prévue par la convention collective applicable.

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Lorsque la convention collective met en place une procédure particulière en cas de licenciement, l'employeur doit la mettre en œuvre en plus de la procédure de licenciement prévue par le Code du travail. Il peut s'agir d'une garantie « de forme » (ex : notifier le licenciement par LRAR) ou « de fond » (ex : saisir un organisme pour consultation avant le licenciement).

Depuis les ordonnances Macron de septembre 2017, l’employeur qui ne respecte pas la procédure conventionnelle de consultation commet une simple irrégularité de procédure, sanctionnée par une indemnité plafonnée à un mois de salaire (ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017). Mais auparavant, la sanction était plus sérieuse, puisque l'employeur risquait une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Tel était le cas dans cette affaire. La convention collective des activités de marchés financiers (art. 30) offre en effet la possibilité à un salarié licencié pour faute grave ou lourde de saisir, dans les 15 jours de la notification du licenciement, une commission paritaire. Mais l'employeur s'était abstenu d’informer le salarié de la possibilité de saisir cette commission. Pour le salarié, ce manquement de l’employeur invalidait son licenciement.

Les juges d'appel avaient donné gain de cause au salarié.

Ils avaient estimé que la consultation d'un organisme chargé, en vertu d'une disposition conventionnelle, de donner son avis sur un licenciement pour faute décidé par l'employeur constitue pour le salarié une garantie de fond.

Les juges avaient ajouté que le licenciement prononcé pour un motif disciplinaire, sans que le salarié ait été avisé qu'il pouvait saisir cet organisme, ne peut avoir de cause réelle et sérieuse.

Ils en avaient conclu que le licenciement disciplinaire de l'intéressé, survenu sans information par l'employeur de son droit à saisir la commission paritaire, était sans cause réelle et sérieuse.

Conventions collectives : la possibilité de saisir une commission post-licenciement n'est pas une garantie de fond

L'affaire est arrivée devant la Cour de cassation qui ne l'a pas entendu ainsi.

La Cour rappelle que l'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle, est assimilée à la violation d'une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse :

  • soit lorsqu'elle a privé le salarié de droits de sa défense ;
  • soit lorsqu'elle est susceptible d'avoir exercé en l'espèce une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur.

Or, ici, l'article 30 de la convention collective indique que la commission paritaire est compétente pour notamment formuler des avis en cas de licenciement individuel d'un salarié pour faute grave ou lourde, en se prononçant sur la qualification des fautes professionnelles invoquées.

Pour la Cour de cassation, il résulte de ces dispositions :

  • d'une part, que la faculté de saisir la commission paritaire ayant uniquement mission de formuler un avis non suspensif sur le caractère « grave » ou « lourd » de la faute invoquée et non de se prononcer sur le principe du licenciement, dans les 15 jours qui suivent la notification de son licenciement, ne constitue pas une garantie de fond ;
  • d'autre part, qu'il n'est pas imposé à l'employeur d'informer le salarié de sa faculté de saisir la commission paritaire.

Par conséquent, faute pour les premiers juges d'avoir constaté la violation d'une garantie de fond ou une irrégularité commise dans le déroulement de la procédure conventionnelle, le licenciement ne pouvait pas être invalidé.

L'affaire devra donc être rejugée.


Cour de cassation, chambre sociale, 29 juin 2022, n° 20-19.711 (l'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur, est assimilée à la violation d'une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu'elle a privé le salarié de droits de sa défense ou lorsqu'elle est susceptible d'avoir exercé en l'espèce une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur)