Le recours au crédit pour financer l’achat de ses propres actions n’est pas un acte anormal de gestion

Publié le 12/06/2012 à 00:00, modifié le 15/09/2017 à 10:16 dans Fiscalité des entreprises.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

C’est ce que vient de décider la Cour administrative d’appel de Versailles le 24 janvier 2012 dans une décision qui mérite attention.

Un acte anormal de gestion consiste à mettre une dépense ou une perte à la charge de l’entreprise ou à la priver d’une recette sans être justifiée par les intérêts de l’exploitation commerciale.
Il implique un redressement de la part de l’administration fiscale.

L’appréciation du caractère normal ou anormal de l’acte accompli s’effectue par le vérificateur et le juge administratif en recherchant si ce dernier a été accompli dans l’intérêt de l’exploitation commerciale. Tel est le cas lorsque l’entreprise tire dans cet acte une contrepartie suffisante. L’acte est alors justifié, car l’entreprise y a intérêt.

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Versailles a considéré que c’était le cas lorsque la société déduisait les charges financières constitués par les intérêts d’emprunt supporté par l’entreprise pour financer le rachat de ses propres actions.

En l’espèce, il s’agissait d’une entreprise qui, dans le cadre d’une restructuration avait été amenée à réduire son capital en rachetant ses propres actions en vue de les annuler : la restructuration impliquait, en effet, que la société réduise son capital pour ramener la participation des deux actionnaires à 50 % chacune.

Pour racheter ses propres actions, l’entreprise avait dû souscrire un emprunt, qu’elle a ensuite déduit comme charges financières pour diminuer son résultat taxable.

L’administration fiscale, suivi par le tribunal administratif, remet en cause ce caractère déductible en considérant que le rachat d’action en vue de réduire le capital, avait permis à l’autre actionnaire au capital de l’entreprise d’augmenter sa participation, sans déboursement financier et n’avait donc pas été conclu dans l’intérêt de l’exploitation commerciale de l’entreprise.

La Cour administrative d’appel de Versailles censure cette position en considérant que ce rachat d’actions présentait une contrepartie suffisante pour l’entreprise car :

  • ce rachat d’action s’inscrit dans un contexte global de réorganisation de la branche d’activité de l’entreprise, rendue nécessaire par un besoin de financement ;
  • il n’est que l’ultime étape d’une opération beaucoup plus vaste de partenariat stratégique ayant permis d’améliorer le résultat consolidé du groupe Yoplait ;
  • cette réorganisation s’est inscrite dans le cadre d’un partenariat négocié avec le second actionnaire moyennant le partage du contrôle de l’entreprise et a permis d’accéder aux financements nécessaires au maintien et au développement de cette branche d’activité.
Cour d’appel de Versailles, 1re chambre, 24 janvier 2012, 10VE03601 (pdf | 5 p. | 58 Ko)

Cette décision conforte le principe de liberté de gestion financière des entreprises, qui implique la non-immixtion de l’administration fiscale dans cette gestion.

Cela signifie en clair que l’entreprise a la mainmise totale pour choisir le mode de financement (crédit, fonds propres, etc.).

Il est cependant important de pouvoir être en mesure de justifier ses choix, notamment en produisant auprès de l’administration fiscale en cas de litige ou de mise en cause au titre d’un acte anormal de gestion, une explication précise des motifs et du contexte qui ont conduit à la réalisation de tel ou tel acte.

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Sophie Valazza, juriste

Cour administrative d’appel de Versailles, 1re chbre, 24 janvier 2012, n° 10VE03601 [l’entreprise a la mainmise totale pour choisir le mode de financement (crédit, fonds propres, etc.)]