Le traitement en paie des absences injustifiées

Publié le 08/11/2011 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:20 dans Rémunération.

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Un de vos salariés n’est pas venu travailler un jour où vous aviez particulièrement besoin de sa présence ; il n’a pas prévenu et n’a fourni aucun justificatif à son retour. Vous êtes en colère et bien décidé à opérer une retenue sur sa paie. Vous devez toutefois prendre certaines précautions, et réduire son salaire dans une juste proportion.

Enregistrer l’absence lors de sa survenance

Il est évident que toute retenue sur le salaire est susceptible de déclencher une réaction du salarié concerné. Il est donc souhaitable qu’il n’y ait aucune ambiguïté, en fin de mois, quant à la date ou à la durée de l’absence.

Ces données peuvent par exemple être contenues dans :

  • le système de pointage de votre entreprise ;
  • un cahier de présence tenu par votre encadrement ;
  • un courrier disciplinaire adressé au salarié à l’occasion de cette absence, etc.

Mais elles peuvent aussi avoir été notées sur un simple papier déjà égaré, ou avoir été transmises oralement par un chef de service : les contestations sont alors prévisibles.

Prenez des dispositions pour éviter ce genre de situation :

Demande de justification d’une absence (doc | 1 p. | 74 Ko)

Calculer la retenue sur le salaire de base

Dans le cadre de la mensualisation, la paie est établie en prenant en compte le salaire de base mensuel et les différents éléments qui viennent en supplément ou en déduction.

Vous devez donc calculer la valorisation de l’absence qui viendra en déduction du salaire brut du mois.

Dans la situation évoquée, le salarié a manqué une journée entière ; mais les absences que vous avez à traiter peuvent être d’une heure, voire moins.

Toutes les hypothèses étant envisageables, y compris sur un même mois, vous devez pouvoir appréhender l’absence soit en jours, soit en heures ; les deux rubriques étant alors paramétrées en paie.

Pour une meilleure équité et pour éviter les contestations, il vaut mieux traiter les absences injustifiées en heures ou en jours « ouvrés » en ne prenant en compte que les périodes qui n’ont pas été travaillées et qui devaient l’être.

La retenue sur le salaire mensuel de base se fera alors selon le schéma suivant :

Travail

Retenue pour 1 jour

Retenue pour 1 heure

35 heures/semaine sur 5 jours

1/22

1/151,67

35 heures/semaine sur 6 jours

1/26

1/151,67

39 heures/semaine sur 5 jours

1/22

1/169 (*)

(*) : Si le salaire mensuel est décomposé en heures normales et heures supplémentaires, la déduction devra aussi être décomposée, avec un impact majeur sur les heures supplémentaires de la semaine concernée.

La retenue en jours est praticable pour les absences longues, d’une journée ou plus. Elle convient pour les salariés qui ont un horaire journalier régulier.

La retenue en heures est utilisable pour les absences courtes, d’une fraction de journée, voire d’une fraction d’heure selon votre mode de gestion.

Mais vous pouvez l’utiliser également pour des absences longues de salariés employés selon des horaires journaliers irréguliers.

Dans ce cas, vous pouvez opter soit pour la retenue forfaitaire de 1/22 (par exemple), soit pour une retenue plus précise, tenant compte des heures prévues au planning.

Notez-le
Si un salarié a manqué un jour où il devait effectuer 9 heures de travail : vous pouvez opérer la retenue correspondant à cet horaire.

Vérifier l’incidence de l’absence sur les primes éventuelles

Si vous distribuez des primes indexées sur le temps travaillé, vous êtes en droit de réduire ces primes au prorata du temps d’absence, en reprenant le même principe que pour le salaire de base.

Mais l’accord d’entreprise ou la note de service peut avoir prévu un autre mode de proratisation. Ce sera le cas notamment pour une prime d’assiduité qui peut être entièrement neutralisée pour telle ou telle durée d’absence. Il vous appartiendra de ne pas oublier l’impact de l’absence sur ces primes, en particulier lorsque leur versement suit une périodicité différente de celle de la paie.


Rédiger le bulletin de paie

Plusieurs rubriques de paie sont concernées par le traitement de l’absence injustifiée :

  • la retenue pour absence en jours ou en heures : le Code du travail impose de détailler le calcul qui a permis de valoriser l’absence. Il faudra mentionner le nombre de jours ou d’heures, et le barème appliqué. Les deux rubriques (en jours et en heures) peuvent être nécessaires pour le même mois ;
  • le nombre d’heures travaillées : cette mention obligatoire sera diminuée du nombre d’heures d’absence, prélevé directement dans la rubrique de retenue, ou obtenu par la conversion en heures des jours d’absence ;
  • les primes : le montant de certaines primes sera impacté, sans qu’il soit nécessaire d’expliciter le calcul sur le bulletin de paie.

N’oubliez pas de vérifier la nature de l’absence au moment de la paie

Avant de saisir la rubrique de retenue sur salaire, vérifiez que l’absence conserve toujours son caractère injustifié. Si depuis l’absence et le retour muet du salarié, vous avez reçu un certificat médical : vous ne pourrez plus traiter cette absence comme injustifiée, mais comme un arrêt maladie, impliquant éventuellement l’application de dispositions conventionnelles spécifiques.

De même, un représentant du personnel peut vous avoir transmis à retardement un « bon de délégation », qui conserve néanmoins toute sa valeur.

Dans ces hypothèses, c’est la retenue sur salaire qui serait alors injustifiée, avec tous les effets négatifs que cela peut engendrer pour votre management.


Ne mentionnez pas l’exercice du droit de grève sur le bulletin de paie

La mention même de l’exercice du droit de grève ne doit pas apparaître sur le bulletin de paie. Il faut utiliser un intitulé neutre tel que « absence non rémunérée ». Seul le montant des retenues doit être clairement indiqué.


Les sanctions possibles

Le salarié peut contester une retenue pour absence au même titre que tout autre élément de la paie.

Cette contestation peut être portée devant l’inspecteur du travail, voire devant le conseil des prud’hommes avec les risques habituels de ce genre de procédure (paiement des sommes indûment retenues, dommages-intérêts, frais de procédure, etc.).


Nos conseils

Utilisez des « fiches d’absence »

Pour limiter les contestations de paie, vous avez intérêt à faire entériner les dates et heures d’absence par vos salariés, au fur et à mesure de leur survenance.

Pour cela, vous pouvez instaurer un formulaire de « fiche d’absence » qui sera rempli a posteriori pour enregistrer une absence effective, et qui sera signé par le salarié.

Dès lors, ce dernier saura à quoi s’en tenir pour son salaire.

Ce formulaire servira de support d’information pour la personne chargée d’élaborer la paie.

Adoptez un libellé de rubrique ouvert

Si vous adoptez un libellé de type « absence non rémunérée », vous pourrez utiliser les rubriques aussi bien pour les absences injustifiées que pour les absences autorisées ; ce qui vous permet de limiter les rubriques de paie.

Que pouvez-vous faire si le salarié conteste la retenue sur salaire ?

Si la contestation porte sur l’absence elle-même : la charge de la preuve vous appartenant, le respect des précautions évoquées ci-dessus s’avère indispensable pour imposer votre décision.

Si la contestation porte sur le calcul de la retenue : vous pourrez toujours défendre votre méthode si elle neutralise uniquement des heures ou des jours ouvrés ; toute autre base peut en effet s’avérer inéquitable et litigieuse.

Notez-le
Si un salarié a manqué un vendredi et repris le lundi : si vous lui retenez 3 jours calendaires, la déduction risque d’être jugée exagérée.

Peut-on systématiquement réduire le salaire à l’occasion d’une absence injustifiée ?

Oui : le salaire est la contrepartie du travail ; s’il est prouvé que le travail n’a pas été exécuté, alors le salaire n’a pas à être versé.

Rien ne vous empêche toutefois de faire l’impasse sur la retenue de salaire. Cependant, soyez cohérent avec votre traitement « juridique » de l’absence. Si vous avez engagé une procédure disciplinaire faisant ressortir la gravité du comportement du salarié, vous ne pouvez pas « passer l’éponge » en paie. Si, au contraire, vous avez reçu le salarié pour lui expliquer que, pour cette fois, vous ne donnez aucune suite, vous pouvez alors maintenir le salaire.

Que répondre au salarié qui invoque un droit de retrait pour justifier son absence ?

Il faut vérifier que les conditions nécessaires pour justifier un droit de retrait soient bien réunies. Dans le cas contraire, vous avez tout à fait le droit de pratiquer une retenue sur salaire.

Soyez néanmoins prudent avant de sanctionner un salarié qui aurait utilisé son droit de retrait : il suffit que le salarié ait eu « un motif raisonnable de penser que la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé » et ce, même si toutes les règles de sécurité ont été respectées et qu’il n’y a pas eu de faute commise par l’employeur.

Cet article-conseil est un extrait de la fiche « Le traitement en paie des absences injustifiées » de notre ouvrage « Comptabilité, fiscalité et paie pour les PME ».

Sources :

Code du travail, art. L. 4131–1 (droits d’alerte et de retrait), L. 4131–3 (droit de retrait individuel), R. 3243–1 (mentions obligatoires du bulletin de paie), R. 3243–4 (interdiction de mentionner l’exercice du droit de grève sur le bulletin de paie)

Cass. soc., 11 juin 2003 (informations claires sur le bulletin de paie)

Cass. soc., 13 novembre 2008, n° 06–44608 (cadre travaillant au forfait jours)

Cass. soc., 25 novembre 2008, n° 07–87650 (refus des salariés d’une société de transport de reprendre le travail invoquant un danger grave suite à l’incendie d’un bus malgré l’accord de l’inspection du travail qui avait levé l’alerte)

Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07–42677 et n° 08–42154 (suppression d’éventuelles primes suite à des grèves)