Les conditions de validité d’une clause de non-concurrence

Publié le 13/01/2014 à 06:30, modifié le 11/07/2017 à 18:25 dans Contrat de travail.

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Régulièrement, la Cour de cassation a l’occasion de trancher des litiges relatifs aux clauses de non-concurrence. L’occasion pour nous de faire un point dans ce dossier sur les conditions de validité d’une telle clause.

Comment définir une clause de non-concurrence ?

La clause de non-concurrence est une disposition écrite dont l’objet est d’interdire à un ancien salarié, pendant une certaine durée après son départ de l’entreprise et dans un certain espace géographique, d’exercer une activité professionnelle concurrente (pour son propre compte ou pour celui d’un nouvel employeur) qui porterait atteinte aux intérêts de son ancien employeur.

Cette clause institue donc temporairement une restriction à la liberté du travail et c’est en ce sens qu’elle est encadrée.

La loi ne définit pas les conditions de validité des clauses de non-concurrence. Celles-ci sont prévues soit par les contrats individuels de travail, soit par les conventions collectives.

La clause de non-concurrence ne se présumant pas, elle doit nécessairement être rédigée par écrit.

Elle figure le plus souvent dans le contrat de travail, même si le sujet est aussi parfois abordé dans la convention collective.

Mais la plupart des conventions collectives se contentent de dire que :

  • l’employeur a la faculté d’instituer une interdiction de concurrence ;
  • la clause devra être précisée dans le contrat de travail ;
  • la clause de non-concurrence devra respecter certaines règles et limites posées par la convention collective.
Notez-le
Ne pas confondre clause de non-concurrence et clause d’exclusivité ! La clause de non-concurrence n’a vocation à s’appliquer qu’à l’issue du contrat de travail. Quant à la clause d’exclusivité, elle joue pendant l’exécution du contrat de travail et a pour objet d’interdire l’exercice de toute autre activité professionnelle. Rappelons que la clause d’exclusivité n’est que rarement valable. Elle doit en effet être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et être proportionnée au but recherché.

Pourquoi insérer une clause de non-concurrence ?

Si l’employeur insère une clause de non-concurrence, c’est pour se protéger, car il craint que le salarié ne fasse bénéficier un autre que lui des contacts qu’il a pu nouer avec la clientèle, du savoir faire spécifique qu’il a acquis ou encore qu’il ne divulgue des informations et qu’il s’en serve, une fois qu’il aura quitté l’entreprise, pour s’installer à son propre compte ou pour travailler au service d’un concurrent.

En étant soumis à une clause de non-concurrence, le salarié ne peut pas reprendre n’importe quelle activité, n’importe où, durant un certain laps de temps, ce qui réduit les risques de concurrence.

Est-il possible d’insérer une telle clause dans tout type de contrat de travail ?

Il est possible d’insérer une clause de non-concurrence dans tous les contrats de travail, sauf dans les contrats de travail temporaire. Encore faut-il que l’entreprise justifie d’intérêts légitimes à protéger !

Selon l’article L. 1251–16 du Code du travail, le contrat conclu entre une entreprise de travail temporaire et un salarié qu’elle embauche pour le mettre à la disposition provisoire d’entreprises utilisatrices doit obligatoirement mentionner « que l’embauche du salarié par l’utilisateur à l’issue de la mission n’est pas interdite ».

Mais il est vrai qu’une telle clause se rencontre le plus souvent dans les contrats à durée indéterminée (CDI) à temps plein ou à temps partiel, même s’il n’est pas interdit de les trouver présentes dans les contrats à durée déterminée (CDD).

Les conditions de licéité d’une clause de non-concurrence

La validité d’une clause de non-concurrence est liée au respect de cinq conditions cumulatives. S’il en manque une, la clause est nulle.

Etre indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise

Pour être licite, une clause de non-concurrence doit donc tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié. L’obligation de non-concurrence peut être imposée à des salariés dont les connaissances techniques ou commerciales risqueraient de causer à l’employeur un préjudice important si elles étaient mises au service d’une entreprise concurrente. Il en va de même si les fonctions du salarié l’ont amené à être en contact direct et suivi avec la clientèle.

Etre limitée dans le temps

En pratique, les restrictions faites au salarié durent 2 ans, délai souvent retenu par référence aux dispositions de nombreuses conventions collectives.

Mais la durée de l’interdiction de concurrence peut être plus longue si les connaissances professionnelles du salarié lui permettent de retrouver sans difficulté un emploi dans une autre branche professionnelle ou encore si le champ d’application territorial de cette interdiction est réduit.

Etre limitée dans l’espace

Le secteur géographique où s’applique l’interdiction de concurrence doit être précisément défini sous peine d’entraîner la nullité de la clause de non-concurrence.

Il faut en effet que le salarié connaisse dès la conclusion de son contrat les endroits où il lui sera temporairement impossible de retravailler.

Tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié

Le salarié ne doit pas se retrouver dans l’impossibilité absolue d’exercer une activité professionnelle conforme à ses aptitudes et connaissances générales et à sa formation professionnelle.

C’est pourquoi la clause de non-concurrence doit précisément définir les interdits faits au salarié après la rupture de son contrat de travail, sachant que cette restriction doit être en relation avec l’activité de l’entreprise mais aussi avec celle du salarié.

Mais les juges ne se contentent pas d’une lecture à la lettre de la clause de non-concurrence. Ils regardent au-delà. Illustration avec cette affaire concernant un salarié lié à son ancienne société par une clause de non-concurrence, laquelle lui interdisait d’exercer les fonctions d’ingénieur commercial pour une entreprise concurrente pendant un an. À la suite de sa démission, il rejoint quelques jours seulement après son départ, une société concurrente en qualité de directeur. Pour son ancien employeur, le salarié a violé son obligation de non-concurrence car les nouvelles fonctions exercées sont de même nature que celles qui lui étaient interdites. Les juges ne se sont pas contentés de constater que la clause de non-concurrence visait l’interdiction de reprendre une activité d’ingénieur commercial. Ils ont regardé si les fonctions exercées au service du nouvel employeur en tant que directeur étaient ou non de même nature que celles qui lui étaient interdites, peu important la dénomination qui leur était donnée (Cass. soc., 20 novembre 2013, n° 12–20074)

Comporter une contrepartie financière

L’exigence d’une contrepartie financière à la clause de non-concurrence concerne toutes les clauses de non-concurrence, quelle que soit la date de conclusion du contrat de travail.

Cette contrepartie est due quel que soit l’auteur de la rupture (employeur ou salarié) ou les circonstances de la rupture. Il n’est donc pas possible d’exclure de contrepartie financière en cas de démission du salarié ou en cas de licenciement pour faute grave ou lourde. Dans ce cas, l’employeur peut parfois opter pour une renonciation à la clause de non-concurrence. Par cet acte, il se libère de son obligation de versement de la contrepartie financière et le salarié retrouve une totale liberté de recherche d’emploi, y compris au service d’un concurrent.

Mais cette renonciation de l’employeur doit être :

  • expressément autorisée par la clause de non-concurrence, sauf à obtenir l’accord du salarié ;
  • faite dans un certain délai, fixé par la convention collective ou le contrat de travail ;
  • écrite, expresse et précise et notifiée individuellement au salarié.
Notez-le
L’absence de contrepartie financière à la clause de non-concurrence peut amener le salarié à agir de plusieurs manières.Il peut : invoquer la nullité de la clause devant le conseil de prud’hommes : le salarié sera libéré de son obligation de non-concurrence mais perdra la contrepartie financière ; invoquer un trouble manifestement illicite en utilisant la voie du référé prud’homal. Le juge déclarera alors la clause inopposable au salarié qui en sera délié rapidement ; réclamer des dommages-intérêts s’il a respecté une clause de non-concurrence illicite en raison de l’absence de contrepartie financière. Cette action peut être introduite en plus de l’action en nullité de la clause.

N’oubliez pas : Le défaut de versement de la contrepartie financière ne délie pas le salarié de son obligation de non-concurrence lorsqu’il s’est écoulé un temps très court (10 jours en l’occurrence) depuis son départ de l’entreprise (Cass. soc., 20 novembre 2013, n° 12–20074).

Retenez que toute clause de non-concurrence doit nécessairement prévoir une compensation financière. Les caractéristiques de cette compensation vous sont expliquées dans notre documentation « Gérer le personnel ».

Conseils à la rédaction d’une clause de non-concurrence
  • Consultez votre convention collective et reportez-vous aux dispositions éventuelles relatives à la clause de non-concurrence. Peut-être fixe-t-elle une limitation dans le temps et/ou dans l’espace, une contrepartie financière, dit-elle si la clause de non-concurrence est applicable ou non en cas de rupture au cours de la période d’essai ou en cas de dispense de préavis ;
  • Précisez bien les actes de concurrence interdits au salarié pendant la durée de la clause. Gare à ne pas rendre impossible son travail. A vous de trouver le bon équilibre entre limitation dans le temps, dans l’espace et quant aux activités interdites ;
  • Précisez si la clause sera ou non applicable en cas de rupture pendant la période d’essai ou en cas de dispense de préavis ;
  • Réservez-vous la faculté de renoncer à la clause de non-concurrence et indiquez dans quel délai et sous quelles formes doit être réalisée cette renonciation. Rappelons que si vous n’avez pas mentionné qu’il était possible de renoncer à la clause, cette renonciation ne sera pas autorisée, sauf à obtenir l’accord exprès du salarié. La renonciation de l’employeur au bénéfice de la clause de non concurrence ne se présume pas. Elle doit être claire et non équivoque. La mention « libre de tout engagement » parfois portée sur le certificat de travail (et seulement avec l’accord du salarié) ne vaut pas renonciation à la clause de non-concurrence.


Caroline Gary, Chargée de relations humaines en entreprise