Les heures de délégation : comment ça marche ?

Publié le 25/02/2008 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:20 dans Relations avec les représentants du personnel.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Les représentants du personnel disposent tous les mois d’un certain nombre d’heures de délégation afin de pouvoir exercer leurs missions. Nos précisions sur la gestion de ces heures, qui peut soulever de nombreuses interrogations.
Quel est le nombre d’heures de délégation et pour qui ?

Nous vous présentons ci-après les crédits d’heures légaux des principales institutions représentatives présentes dans les entreprises. Votre convention collective peut prévoir des aménagements plus favorables aux représentants du personnel, c’est-à-dire des crédits d’heures supérieurs.

Seuls les membres titulaires ont droit à des heures de délégation. Les suppléants ne peuvent les utiliser que lorsqu’ils remplacent un titulaire.
Délégués du personnel (DP). Ils ont droit à :
  • 10 h dans les entreprises de moins de 50 salariés ;
  • 15 h dans les autres.

Comité d’entreprise (CE). Les membres du CE ont droit à 20 h par mois.

Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Le nombre d’heures de délégation varie selon l’effectif de l’entreprise :

50 à 99 100 à 299 300 à 499 500 à 999 1000 à 1499 1500 et +
2h 5h 10h 15h 15h 20h


Pour connaître le nombre d’heures de délégation auquel ont droit les autres représentants du personnel (délégué syndical, délégation unique du personnel, par exemple), vous pouvez consulter l’extrait de notre ouvrage « Gestion du personnel simplifiée ».

Possibilité de cumul. Un salarié qui cumule plusieurs mandats peut cumuler les crédits d’heures.

La seule exception à ce principe concerne les salariés qui travaillent à temps partiel. En effet, leur temps de travail mensuel ne doit pas être réduit de plus d’1/3 par l’utilisation du crédit d’heures, le solde devant, le cas échéant, être pris en dehors de l’horaire de travail (et donc payé en heures supplémentaires).

Exemple :
Un salarié à temps partiel cumule les fonctions de délégué du personnel et de membre titulaire du CE. Il dispose à ce double titre de 35 heures de délégation par mois.

Il travaille 96 heures par mois : il peut utiliser au maximum 96 / 3 = 32 heures de délégation pendant son temps de travail. Le reste (3 heures) devra être utilisé en dehors du temps de travail et payé en heures supplémentaires.



Comment gérer les heures de délégation ?

Interdiction de les soumettre à une autorisation préalable. Vous n’avez pas le droit de contrôler en amont l’utilisation qui est faite des heures de délégation : les représentants du personnel peuvent en faire usage comme bon leur semble, dans la limite du crédit mensuel dont ils disposent et dans le cadre de leur mandat, bien entendu. Ils n’ont pas à obtenir votre autorisation préalable avant d’utiliser des heures.


Possibilité d’instaurer une information préalable : les bons de délégation. Il s’agit d’un document que chaque représentant du personnel remplit, avant l’utilisation d’heures de délégation, pour indiquer son heure de départ, la durée prévisible de son absence et son heure effective de retour.

Il permet de comptabiliser les heures de délégation prises et de mieux organiser le travail en l’absence du représentant du personnel.

Mais attention : ces bons de délégation ne sont qu’un outil d’information. En aucun cas ils ne doivent constituer un moyen de contrôler l’activité du représentant du personnel.

Les bons de délégation ne peuvent être mis en place qu’après une concertation préalable avec l’institution concernée (lors d’une réunion ordinaire, par exemple, avec inscription à l’ordre du jour). Mais une fois mis en place, les représentants du personnel sont tenus de les utiliser, sous peine de commettre une faute qui peut aller jusqu’au licenciement.

Dans la pratique, vous avez tout intérêt à mettre des bons de délégation à disposition des responsables des services dans lesquels il y a des représentants du personnel. Précisez-leur bien qu’il ne s’agit pas de demander aux représentants ce qu’ils comptent faire de ces heures, ni d’un système d’autorisation préalable !


Comment rémunérer les heures de délégation ?

Assimilation à des heures de travail « normales ». Les heures de délégation doivent être payées au même titre et à la même échéance que des heures de travail « normales » : le salarié ne doit subir aucune perte de salaire du fait de l’accomplissement de son mandat.

Cette règle vaut même si vous avez des doutes sur le bien-fondé de l’utilisation de certaines heures (pour en savoir plus sur les possibilités de contestation, voir ci-dessous).

Par ailleurs, si les heures de délégation sont prises en dehors de l’horaire habituel de travail (pour rencontrer des salariés ne travaillant pas aux mêmes horaires, par exemple), elles doivent être majorées au titre des heures supplémentaires et ouvrent droit, le cas échéant, à un repos compensateur, voire aux majorations pour travail de nuit.

Bulletin de paie. Il est strictement interdit de faire apparaître une ligne spéciale sur le bulletin de paie relative aux heures de délégation et ce, quel que soit l’intitulé de cette ligne (c’est-à-dire même en les « déguisant » sous une appellation du type « heures travaillées II » ou « heures assimilées »). La rémunération d’heures de délégation doit être absolument transparente sur le bulletin.

En revanche, vous êtes tenu d’annexer au bulletin de paie une fiche sur laquelle doivent apparaître les heures rémunérées. Si les heures ont été prises sur l’horaire de travail habituel, la mention « maintien de salaire » est suffisante. Dans le cas contraire, le montant de leur rémunération devra être détaillé.

L’établissement de cette fiche est obligatoire dès lors qu’au moins une heure de délégation a été prise dans le mois. Elle a la même valeur juridique que le bulletin de paie, ce qui signifie que vous risquez jusqu’à 450 euros d’amende par fiche non éditée alors qu’elle aurait dû l’être (ou par fiche erronée).

Le temps passé aux réunions avec l’employeur (ordinaires ou extraordinaires) ne s’impute pas sur le crédit d’heures. En revanche, le temps consacré à la préparation d’une réunion ou à la rédaction de son compte-rendu est imputé sur le crédit d’heures.

Comment contester l’utilisation des heures de délégation ?

Si vous souhaitez avoir des explications sur la façon dont un représentant du personnel a utilisé ses heures de délégation, vous ne pourrez le faire qu’après les lui avoir payées.

Il vous faudra alors le mettre en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, de vous donner les explications que vous jugez nécessaires.

A défaut de réponse du représentant du personnel, ou si la réponse vous conforte dans l’idée d’une mauvaise utilisation des heures de délégation, vous pouvez saisir le conseil de prud’hommes d’une demande en remboursement des heures indûment réglées.

Si l’abus du représentant du personnel est manifeste, par exemple s’il s’avère que ce dernier a utilisé son crédit d’heures pour s’occuper d’affaires personnelles, vous pourrez prononcer une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave.

Pour plus de précisions sur le conseil de prud’hommes, vous pouvez consulter notre Lettre-conseil n° 38 du 19 novembre 2007 : « Prud’hommes : ça pourrait vous arriver ».


Dans quelles circonstances est-il possible de dépasser le crédit d’heures mensuel ?

Le crédit d’heures mensuel octroyé à un représentant du personnel peut être dépassé en cas de circonstances exceptionnelles, qui doivent correspondre à des situations inhabituelles, nécessitant un surcroît de démarches et d’activités en raison :
  • soit de la soudaineté ou de l’imprévisibilité de l’événement ;
  • soit de l’urgence des mesures à prendre.


Exemple :
Constituent des circonstances exceptionnelles :
  • un accroissement d’activité dû à un mouvement de grève ayant affecté tous les ateliers et qui s’est prolongé sur plusieurs mois ;
  • un projet de licenciement collectif important.
Ne constituent pas des circonstances exceptionnelles :
  • une grève de courte durée n’affectant qu’un service et qu’une petite fraction du personnel ;
  • la préparation d’un arbre de Noël.

Concernant ces heures de dépassement, vous avez la possibilité d’exiger que le représentant du personnel établisse l’existence de circonstances exceptionnelles, ainsi que leur conformité par rapport au mandat dont il est investi et ce, préalablement à leur paiement.



A. Ninucci