Liberté d’expression : le salarié a-t-il tous les droits ?

Publié le 02/06/2008 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:20 dans Relations avec les représentants du personnel.

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Chaque salarié jouit de la liberté d’expression sur son lieu de travail, quelles que soient sa qualification et sa place dans la hiérarchie. Mais cette liberté ne doit pas être abusive et reçoit en conséquence quelques limites. Le droit d’expression, quant à lui, se rapporte plus directement aux conditions de travail. Il peut être encadré par un accord spécifique.
Qu’entend-on par « liberté d’expression » ?

La liberté d’expression englobe la liberté de conscience et de pensée des salariés. De ce fait, vous ne pouvez pas interdire, et encore moins sanctionner, des discussions politiques ou religieuses et, de manière générale, toute discussion étrangère au service.

A titre d’exemples, relève de la liberté d’expression le fait pour un salarié :
  • de contester par écrit l’avertissement dont il a fait l’objet et qu’il considère injustifié ;
  • de critiquer l’entreprise devant ses subordonnés sur un lieu privé, hors la présence de la direction ;
  • d’alerter l’inspection du travail sur des évènements qu’il juge anormaux, exprimant ainsi des inquiétudes légitimes ;
  • d’exprimer sa désapprobation à l’égard de la guerre du Golfe. Le licenciement dudit salarié a été jugé illicite et sa réintégration a été ordonnée par les juges.

Le droit d’expression, quant à lui, se situe dans un cadre strictement professionnel. Il représente la possibilité, pour les salariés, de s’exprimer directement sur le travail qu’ils effectuent et de proposer des améliorations qui pourraient éventuellement transformer les conditions d’exercice.


Les limites à la liberté d’expression

L’abus de droit

La limite à la liberté d’expression est atteinte lorsque les propos tenus relèvent de la critique malveillante, de l’injure, du dénigrement, de la diffamation, de l’indiscrétion ou de la divulgation d’informations confidentielles.

L’attitude critique du salarié peut alors constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, surtout si l’objectif recherché est de déstabiliser l’entreprise.


Exemple :
Il a été jugé qu’une secrétaire médicale commettait un abus de sa liberté d’expression constitutif d’une faute grave en déclarant en public, sans aucune justification et dans le seul but de ruiner la réputation de son employeur, que ce dernier ne prenait pas les mesures nécessaires pour éviter tout risque de transmission du virus HIV.

De même, ne peut entrer dans l’exercice normal de la liberté d’expression l’appréciation injurieuse d’un salarié dans une lettre adressée au chef d’entreprise à l’égard de son supérieur hiérarchique. Un tel comportement est constitutif d’une faute grave.
L’obligation de réserve renforcée du cadre

Pour être considérées comme légitimes, les limites apportées par l’employeur à la liberté d’expression seront appréciées en fonction de la nature du poste occupé et des fonctions exercées par le salarié.

Certains salariés sont en effet tenus à une obligation de réserve ou de discrétion. Ils ne peuvent pas divulguer des faits dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions et qui n’ont pas été rendus publics.

De par sa position dans la hiérarchie, le cadre a une obligation de réserve et de discrétion renforcée au sein de l’entreprise.

Le non-respect de cette obligation caractérise une cause réelle et sérieuse de licenciement. La faute commise sera plus facilement qualifiée de faute grave.

Ne relève pas de la liberté d’expression et sera sanctionné comme tel le fait :
  • pour un cadre supérieur chargé de la comptabilité de relater au personnel des difficultés empêchant le paiement des salaires, alors que l’information n’avait pas encore été rendue publique par la direction ;
  • pour un cadre supérieur de tenir des propos acerbes à l’encontre de la direction devant le personnel qu’il dirige ;
  • pour un cadre de dénigrer publiquement devant des représentants un pays cocontractant de l’entreprise.

En revanche, un directeur administratif peut valablement formuler, dans l’exercice de ses fonctions et dans le cadre du comité directeur restreint dont il est membre, des critiques même très vives à l’encontre de la nouvelle organisation proposée par la direction.


Comment favoriser l’expression individuelle au sein de l’entreprise ?

Tout doit être mis en œuvre au sein de l’entreprise pour que les salariés puissent s’exprimer sur les conditions d’exercice et d’organisation du travail.

Cette liberté d’expression pourra se manifester essentiellement dans le cadre de réunions où chacun sera en droit de donner son avis sur la question.

Par ailleurs, dans les entreprises de plus de 50 salariés, le droit d’expression doit obligatoirement faire l’objet d’une négociation.

Cadre de la négociation. Vous devez négocier un accord portant sur le droit d’expression des salariés :
  • avec le (les) délégué(s) syndical(aux) de votre entreprise ;
  • si aucun délégué syndical n’a été désigné ou si aucun accord n’est obtenu, vous devez consulter le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel.

Si aucun accord n’a pu être trouvé, vous devez :
  • engager de nouvelles négociations une fois par an ;
  • rédiger un procès-verbal de désaccord.

L’accord (ou le procès-verbal de désaccord) doit être déposé auprès de la direction départementale du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle (DDTEFP) en 2 exemplaires (dont un sur support électronique), ainsi qu’au greffe du conseil de prud’hommes dont votre entreprise relève.

L’accord doit faire l’objet d’une réunion d’évaluation tous les 3 ans.

Notez-le : les organisations syndicales peuvent provoquer la négociation si vous ne respectez pas votre obligation.


Le refus pour un employeur d’engager la négociation sur les modalités du droit d’expression constitue un délit d’entrave à l’exercice des fonctions des représentants du personnel. Ce délit est passible d’une peine d’emprisonnement de 1 an et d’une amende de 3.750 euros.
Contenu de l’accord. L’accord sur le droit d’expression doit comporter des dispositions portant sur :
  • la fréquence, la durée et le mode d’organisation des réunions permettant l’expression des salariés ;
  • les mesures destinées à assurer la liberté d’expression de chacun et la transmission des demandes et propositions des salariés ;
  • les mesures destinées à permettre aux salariés et aux différentes institutions représentatives du personnel de prendre connaissance des demandes, avis et propositions émanant des groupes d’expression ainsi que des suites qui leur sont réservées ;
  • les conditions spécifiques d’exercice du droit à l’expression dont bénéficient les cadres ayant des responsabilités hiérarchiques.

Pour vous aider dans cette démarche, vous pouvez consulter le modèle d’accord que nous mettons à votre disposition.