Licenciement d’un salarié inapte pour impossibilité de reclassement et faute grave : quelles précautions prendre ?

Publié le 18/01/2019 à 07:50, modifié le 21/01/2019 à 11:44 dans Licenciement BTP.

Temps de lecture : 5 min

Contenu ancien

Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Votre salarié est déclaré inapte par le médecin du travail. Vous envisagez de le licencier pour inaptitude et apprenez que ce dernier dénigre l’entreprise depuis plusieurs mois, et se livre régulièrement à des actes de concurrence déloyale. Pouvez-vous le licencier pour plusieurs motifs ?

Licenciement du salarié pour plusieurs motifs : que faire ?

Dans la lettre de licenciement, vous pouvez invoquer plusieurs motifs tels que l’inaptitude et la faute grave, s’ils reposent sur des faits distincts. Dans cette hypothèse, vous devrez alors respecter deux procédures : la procédure de licenciement pour inaptitude et la procédure de licenciement disciplinaire.

Notez-le
A l’issue de la visite de reprise, vous ne pouvez pas écarter la procédure de licenciement pour inaptitude, pour licencier le salarié pour un autre motif (exemple : faute grave, insuffisance professionnelle). En effet, les dispositions relatives à la procédure d’inaptitude revêtent un caractère d’ordre public.

Licenciement du salarié inapte : procéder à la recherche de reclassement

Lorsque votre salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, vous êtes tenu d’effectuer des recherches pour permettre son reclassement au sein de l’entreprise ou, le cas échéant, des entreprises du groupe auquel appartient votre entreprise. Ces entreprises doivent être situées sur le territoire national et permettre la permutation de tout ou partie du personnel.

Vous devez au préalable consulter les délégués du personnel ou le comité social économique (lorsqu’il existe) avant de proposer un poste au salarié. Si vous êtes dans l’impossibilité de proposer un poste, vous devez faire lui faire connaître par écrit les motifs qui rendent son reclassement impossible.

L’obligation de reclassement est considérée comme satisfaite dès lors que vous proposez un poste prenant en compte l’avis et les indications de la médecine du travail.

Si vous apprenez que votre salarié dénigre l’entreprise et que vous souhaitez le licencier pour faute grave, vous devez également mettre en œuvre la procédure relative au licenciement pour motif disciplinaire.

Licenciement du salarié inapte pour faute grave : respecter le délai de prescription de 2 mois

Dans un premier temps, vous devez identifier les circonstances, les faits, et évaluer leur gravité pour déterminer si la qualification de faute grave peut-être retenue.

La faute grave doit être imputable au salarié, et consiste en un manquement aux obligations contractuelles rendant impossible le maintien dans l’entreprise. Par exemple, il peut s’agir de vol de matériel dans l’entreprise, d’insubordination ou de violences du salarié.

Dans une affaire récente, un salarié avait été embauché le 8 septembre 1997 en qualité de maçon, par un contrat à durée déterminée, puis par un contrat à durée indéterminée à compter du 5 janvier 1998. L’employeur avait découvert que le salarié dénigrait habituellement son employeur auprès de ses clients et qu'il détournait sa clientèle à son profit. L'employeur lui avait donc notifié le 11 avril 2013, son licenciement pour faute grave et pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Le 29 juillet 2013, le salarié avait saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement.

En l’espèce, l’employeur apportait de nombreux témoignages de salariés. Les attestations faisaient état de dénigrement de l'employeur, critiques de la qualité de ses prestations, de sa politique salariale, ainsi que d'un comportement déloyal, tendant à proposer ou effectuer du travail dissimulé par dissimulation d'activité à des clients de son employeur sur les chantiers sur lesquels il était amené à intervenir.

La Cour de cassation a retenu l’argumentation de la cour d’appel, considérant que l’employeur ne pouvait pas justifier de l’engagement d’une procédure disciplinaire au plus tard dans les 2 mois de la connaissance des faits. Elle a également accordé des dommages et intérêts au salarié pour exécution déloyale de la relation contractuelle sur le fondement de différents manquements de l’employeur.

Il vous appartient donc d’établir les faits fautifs. En cas de litige, les attestations produites devant la juridiction doivent être circonstanciées et précises quant à la date des faits, et quant à la date à laquelle ces éléments ont été portés à votre connaissance.

En effet, vous disposez d’un délai de 2 mois pour agir à compter de la date à laquelle vous avez eu connaissance des faits fautifs.

En cas désaccord, vous devrez rapporter la preuve que les faits sanctionnés ont été portés à votre connaissance dans le délai des 2 mois d’engagement de la procédure disciplinaire.

Pour vous aider à connaître les règles de gestion du personnel adaptées au BTP, les Editions Tissot vous conseillent leur publication « Gestion pratique du personnel et des rémunérations du BTP ».


Cour de cassation, chambre sociale, 12 septembre 2018, n° 16-21.735 (licenciement pour faute grave d’un salarié inapte, l’employeur doit pouvoir justifier de l’engagement de la procédure dans le délai de 2 mois)
Cour de cassation, chambre sociale, du 23 septembre 2003, n° 01-41.478 (possibilité d’invoquer une pluralité de motifs dans la lettre de licenciement, à condition de respecter les procédures afférentes à chaque licenciement)
Cour de cassation, chambre sociale, 20 décembre 2017, n° 16-14.983 (au terme de la période de suspension du contrat de travail, le salarié ne peut être licencié pour un motif autre que l’inaptitude)

Ursula Akue-Goeh

Juriste en droit social