Licenciement disciplinaire : impact d’une enquête interne sur le délai de prescription

Publié le 30/08/2019 à 08:00, modifié le 02/09/2019 à 10:15 dans Sanction et discipline.

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Lorsque vous avez connaissance d’un comportement fautif d’un salarié, vous disposez d’un délai de 2 mois pour engager des poursuites disciplinaires. Ce point de départ peut être reporté à une date ultérieure si vous avez diligenté une enquête afin de vérifier la gravité des faits commis par le salarié.

Licenciement disciplinaire : principe

Vous disposez d’un délai de 2 mois pour engager une procédure disciplinaire à compter du jour où vous avez pris connaissance du ou des agissements fautifs du salarié, sauf si des poursuites pénales sont engagées dans le même délai (Code du travail, art. L. 1332-4).

Passé ce délai de 2 mois, ce fait fautif ne pourra pas, à lui seul, donner lieu à l’engagement d’une procédure disciplinaire. L’agissement fautif commis par le salarié est prescrit.

Toutefois, sous certaines conditions, des agissements fautifs prescrits peuvent justifier une sanction s’ils sont de même nature qu’un nouveau comportement répréhensible du salarié. Il en est de même si le comportement fautif du salarié se poursuit. Mais attention, aucune sanction antérieure de plus de 3 ans ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction.

Point de départ du délai de prescription : reporté en cas d’enquête

Le point de départ du délai de prescription est le jour où vous avez eu connaissance du fait fautif.

Mais le point de départ de ce délai peut être reporté à une date ultérieure. C’est, par exemple, le cas lorsqu’il est nécessaire de diligenter une enquête pour notamment vérifier la véracité des faits qui sont reprochés au salarié, l’étendue de la faute, etc.

Dans une telle situation, le délai de prescription de 2 mois court à compter des résultats de l’enquête.

Mais attention, les juges ont, cet été, refusé de reporter le délai de prescription à la date de remise du rapport d’enquête. Dans cette affaire, les juges ont écarté les résultats de l’enquête des débats en raison du manque d’impartialité de son auteur. En l’espèce, il était reproché à la salariée des incohérences dans sa prise de congés payés, d’avoir effectué des virements bancaires à son profit sans autorisation. Une enquête avait été diligentée en interne pour mesurer l’ampleur des fautes commises. Un expert-comptable, un proche de l’employeur, avait effectué un audit. Suite à cet audit, la salariée avait été licenciée pour faute grave. Elle conteste son licenciement car les faits qui lui sont reprochés sont notamment prescrits. Pour les juges, cet audit était un artifice destiné à occulter la connaissance par l'employeur des faits prescrits. Il avait donc été écarté des débats en raison de la partialité de son auteur. De plus, l’employeur ne rapportait pas la preuve de la date à laquelle il avait eu connaissance des faits reprochés. Le licenciement est donc jugé sans cause réelle et sérieuse.


Cour de cassation, chambre sociale, 10 juillet 2019, n° 18-11.254 (lorsque l’enquête n’est pas impartiale, il ne peut pas en être tenue compte pour fixer la date à laquelle l’employeur a eu connaissance des faits reprochés)

Isabelle Vénuat

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot